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Les larmes d'un "Habemus Papam"

Le très émouvant récit de la fumée blanche du 13 mars 2013 par un vieux traditionaliste italien, Vinicio Catturelli. Trouvé sur Una Vox. Traduction de Anna (27/1/2015)

(Anna)
Tous les personnages mentionnés dans ce texte sont des catholiques italiens traditionalistes.
Raoul Sanchez Abelenda, aussi, un religieux argentin traditionaliste, décédé en 1996.

La phrase "en cet atome opaque du mal" est le dernier vers d'un poème "10 agosto", du poète italien Giovanni Pascoli (1855-1912), dans lequel il parle de la mort de son père, tué d'un coup de feu par un inconnu et ramené en son calèche chez lui par son cheval. C'est un des poèmes qu'à une époque pas si lointaine, les écoliers italiens apprenaient encore par coeur.

Vinicio Catturelli se présente ici en ces termes: "Je suis un jeune traditionaliste de 86 ans.... Je suis revenu en Italie en 2009 après 40 années de séjour en Argentine où j'ai enseigné l'histoire et la philosophie dans un institut religieux dans la banlieue de Buenos Aires et dans la capitale de l'Argentine"

Il a connu Mgr Lefèbvre, et alors que selon ses propres dires, il n'était jusque là qu'un libéral conservateur, il est devenu un fervent adhérent de la Tradition
J'ai trouvé sur internet quelques références à son ami le Professeur Osvaldo Ravoni, qui semble être un spécialiste de la lirturgie traditionnelle, et connu pour ses dessins humoristiques dont voici des échantillons....

Dessins de Ravoni

http://www.unavox.it/ArtDiversi/DIV458_VC_Papa_Francesco
13 mars 2013
Vinicio Catturelli
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C'était l'après-midi du mercredi et j'étais à Montecatini, dans l'appartement d'Osvaldo Ravoni qui donne sur le boulevard élégant, là où le même matin, nous avions pris le premier petit soleil, comme des lézards, rassemblés autour des guéridons d'un beau café, où nous avions même goûté les "gaufres" parfumées, les spécialités de la ville. Les beaux souvenirs d'il y a très, très longtemps chevauchaient depuis le matin, chassant les idées noires, propres de la vieillesse, qui suscitent tant d'inquiétude chez les coeurs fatigués.

Nous revenions sans cesse au même sujet, à notre Messe, à notre liturgie bimillénaire, au changement tragique intervenu dans notre Eglise après le Concile Vatican II; au nom de son "esprit" tous les méfaits ont été commis, "en cet atome opaque du mal".
Des lustres se sont écoulés depuis qu' avec Luigi Gedda, Ravoni lui-même, l'encore très jeune Piero Vassallo et moi-même, en accord avec les évêques diocésains (je me souviens des encouragements et des conversations avec le Cardinal Elia Dalla Costa, son coadjuteur Ermenegildo Florit, Mgr. Dino Romoli, évêque de Pescia et visiteur apostolique sévère sous Paul VI, Mgr Pietro Fiordelli, plus tard traduit devant les tribunaux "républicains" pour avoir défendu le mariage chrétien indissoluble!) nous avions parlé dans presque tous les diocèses mettant en garde les fidèles contre la subversion qui progressait, non seulement du dehors, mais surtout de l'intérieur de l'Eglise. Commençaient alors ces batailles qui allaient continuer par la suite, renouvelées à chaque élection, afin de conjurer le danger communiste qui planait à l'époque, avec l'URSS qui nous tenait sous pression, et ensuite avec la défense du mariage indissoluble mais, avant même tout cela, avait commencé avec le Concile Vatican la bataille en défense de la liturgie, car nous avions compris immédiatement qu'on ne pouvait pas changer la "lex orandi" sans changer aussi la "lex credendi". Notre bataille devint alors vraiment dure (celui qui écrit a combattu la "bonne bataille" en Argentine, avec le père Raoul Sanchez Abelenda, à l'Université de Buenos Aires pendant plus de cinquante ans) elle devint vraiment dure car contre nous se jetèrent les modernistes, loups déguisés en agneaux, qui nous contestaient même la "désobéissance", dans un moment où Mgr Marcel Lefebvre écrivait: "Le coup magistral de Satan a été de réussir à jeter dans la désobéissance par la vertu de l'obéissance", et donc "l'obéissance devait dans ce cas être un refus catégorique, car l'autorité, même légitime, ne peut pas nous imposer un acte répréhensible, mauvais, car personne n'a le droit de nous faire devenir protestants ou modernistes."

Osvaldo Ravone admit alors: "Il a fallu cinquante ans pour qu'un pape reconnaisse solennellement que nous avions raison, que la Messe de Saint Pie V, notre Messe de toujours, ils ne pouvaient pas nous l'enlever et que donc nous n'étions ni excommuniés ni désobéissants en l'exigeant, et en refusant, tout en les considérant légitimes les nouveaux rites".

Nous disions déjà alors que les changements du Concile, cette auto-destruction de l'Eglise, cette apostasie, qui dure encore, de la part d'évêques et prêtres, était l'oeuvre de Satan, l'éternel ennemi et on nous dénonçait non seulement comme des hérétiques, mais comme des fous, jusqu'à ce qu'un autre Pape, Paul VI affirmât officiellement et publiquement les mêmes choses que nous disions: "Nous espérions, affirma ce pape de la souffrance et de la solitude, qu'après le Concile serait arrivée une journée de soleil, une journée de printemps pour l'Eglise; au lieu de cela nous avons eu un hiver rigide et ténébreux, la fumée de Satan est entrée dans le Temple de Dieu par quelque fissure".

Mais nous, "désobéissants par obéissance", nous avons aimé ce pape et l'avons cité comme un exemple et défendu à cause de sa magnifique et fondamentale encyclique Humanae Vitae qu'il voulut promulguer contre l'avis de tous ses évêques ou presque, de ses collaborateurs et de cette commission d'experts qu'il avait lui-même nommée. Il resta seul face à Dieu, Paul VI, mais à son côté se tint cet humble capucin, le père Pio da Pietralcina, qui le guida, et que l'un des successeurs du Pape Montini, le Bienheureux Jean-Paul II, éleva à la gloire des autels.

Voici ce qu'est d'être "papistes": aimer et soutenir le pape, être prêts jusqu'au martyre, lorsque le successeur de Pierre proclame solennellement un dogme ou soutient une vérité de Foi ou la morale. Obéissants dans la désobéissance, comme il nous a été reconnu.

Et pourtant que de batailles, que de drames humains, que de trahisons (Judas était parmi les douze apôtres, imaginez s'il n'était et n'est toujours pas dans nos rangs!), combien d' abjurations, combien de larmes. 50 ans de martyre silencieux, accordez-nous au moins cela. A ceux qui admettent notre cohérence et nous disent: "La cohérence est le propre des pauvres en esprit!", nous répondons que nous en sommes fiers, qu'il est un des plus grands honneurs, celui de la fidélité au Christ, à l'Eglise: "Heureux les pauvres en esprit!" dit l'Evangile.

Eh bien, il a fallu la commission épiscopale allemande (les commissions épiscopales sont les fruits délétères du Concile pour limiter les pouvoirs du Saint Père et des évêques, afin d'en entraver le plein ministère!) pour démolir l'encyclique de Paul VI, 'Humanae Vitae', cet inestimable joyau de savoir, de sagesse et de foi que Jésus Christ lui-même nous a donné à travers son Vicaire sur terre. Cette même commission épiscopale allemande qui a piétiné l'enseignement "infaillible" du Pape et qui, pour des raisons de "caisse", a permis que dans les cliniques chrétiennes on pratiquât l'avortement. Bien que masqué hypocritement en "pilule du lendemain", ce n'est rien d'autre qu'un homicide (en fait, le plus abominable et répugnant parmi les délits!).

Alors donc que ces souvenirs nous revenaient à l'esprit, et que ces deux "pauvres vieillards", presque au seuil des 90 ans, attendaient la "fumée blanche"… la voilà, candide et de bon augure, s'élever de la cheminée de la Chapelle Sixtine. Je ne peux nier qu'une émotion, qui chez les vieux vire aux larmes, nous assaillit tous les deux, surtout après que des clochers des églises de Montecatini les cloches se déployèrent en fête, paraissant nous dire: "Courage! La solitude, le désespoir, l'angoisse sont partis, nous avons à nouveau le Pape, le Vicaire du Christ, notre étoile polaire…"lo dolce Cristo in terra" che va amato "anche se fusse lo dimonio incarnato" (Le doux Christ sur terre qu'il faut aimer fût-il même le démon incarné), comme nous le rappelle, virilement, Sainte Catherine de Sienne.

Le temps semble ne jamais passer dans l'attente de connaître le nom du nouveau pape. J'ai marqué dans un carnet les noms des cardinaux, quelques uns dans les catégories humaines ("trop humaines") de "conservateurs" et "traditionalistes" et puis, finalement s'ouvre le fenêtre, la croix "astile" apparaît et le petit cortège, je vois et comprend: le nouveau pape sera Bergoglio, je le connais très bien. J'ai quasiment passé la plus grande partie de ma vie dans son diocèse. Une sorte de noeud me prend à l'estomac, je connais l'archevêque de Buenos Aires comme un "progressiste", le protégé du défunt Cardinal Martini, l'antagoniste de Ratzinger au conclave précédent et, surtout, comme un ennemi de la liturgie traditionnelle, une personne, disait de lui le défunt père Raoul Sanchez, "absolument a-liturgique".

Je regarde, plus que le visage bien connu de Bergoglio, celui angoissé de Mgr. Guido Marini, le maître de cérémonie, l'homme qui fut fidèle à notre bien aimé Benoît XVI , un visage qui nous fait deviner ce qui nous attendra
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Le Cardinal Bergoglio refuse de porter la mozzette comme le veut la millénaire tradition de l'Eglise et que portèrent aussi ses plus récents prédécesseurs, il met l'étole juste le temps d'une rapide bénédiction, ni solennelle ni chantée, et avant cela, incroyable, c'est lui qui dans un geste de secte charismatique s'incline et demande à la foule une 'bénédiction' (!?), il porte sa 'croix de fer' selon l'usage de Helder Camara. Il est certes un pape "poli", et en effet il salue: "Bonsoir", et après "Bonne nuit, bon repos", et les jours suivants "Bonjour", "Bon appétit", ignorant ce "Loué soit Jésus Christ" par lequel le Bienheureux Jean-Paul II avait conquis les fidèles.

Ravoni s'exclame tristement pendant qu'il esquisse ses vignettes (dessins): "Nous sommes revenus en arrière de 50 ans, aux temps du rigide hiver du Concile… aux persécutions".
Je ne sais pas quoi dire et je m'aperçois qu'à présent nos larmes ne sont plus d'émotion, mais de douleur, d'angoisse.



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