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Papolatrie et "Benaddiction"

Une magnifique réflexion de mon amie américaine Teresa, qui dit mieux que moi ce que ressentent les "nostalgiques de Benoît XVI"... parmi lesquels je me compte évidemment.

Teresa démarre sa réflexion d'un article du blog d'un prêtre catholique anglais issu de l'anglicanisme (Fr Hunwicke's Mutual Enrichment) que nous avons déjà croisé - et présenté - ici: benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/le-pape-est-il-ecoute).
L'auteur y exprimait sa perplexité face aux propos tenus par le cardinal Maradiaga lors d'une récente conférence donnée à la Santa Clara University, en Californie, et reproduite sur la revue jésuite America (en passant, les ouailles du brillant cardinal ne doivent pas voir souvent leur très tourbillonnant pasteur...).

Le Père Hunwicke écrivait (ici: liturgicalnotes.blogspot.co.uk/2015/01/cardinal-rodriguez):

J'ai essayé de lire attentivement un texte du cardinal Maradiaga Rodriguez. Il y a des paragraphes entiers qu'en fait, je ne comprends pas. Peut-être à cause de problèmes de traduction..
Mais trois points me frappent:
1. Sa christologie. La deuxième personne de la Glorieuse et Indivisible Trinité est mentionnée dans des phrases comme «Le Dieu de Jésus» et «Dieu à travers Jésus». Je ne trouve aucun langage clair affirmant clairement que notre Rédempteur est Dieu.
2. La «Miséricorde» semble être interprétée comme étant au cœur de la théologie. Mais toute tentative de reconstruction du christianisme qui se concentre avec acharnement sur un mot ou un slogan («Justification par la foi seule», par exemple, ou «Sola Scriptura») a eu tendance, à travers l'histoire, à avoir des effets désastreux.
3. Le rôle du Pontife Romain est de protéger la Tradition et de définir et exclure l'hérésie. Mais ce document semble exclusivement consacré à préparer la voie à un programme de changement radical, mais non spécifié, centré sur les énoncés non magistèriels d'un unique pape lors d'un ministère de moins de deux ans.
Tout cela accompagné par une suggestion curieuse que le style public et les gestes personnels du Saint-Père sont ses encycliques magistérielles.

Même pendant le pontificat de Pie XII et son canari, la papolatrie est-elle allée aussi loin que cela?

C'est cette dernière phrase qui fait réagir Teresa (ici. Ma traduction)

Quelques réflexions sur la «papolâtrie», et en quoi la «Benaddiction» est différente...

Je trouve curieux que le Père H se réfère à la «papolâtrie» à travers Pie XII, qui fut le premier pape de ma vie, et que je n'ai jamais associé à la moindre forme de «papolâtrie», justement.
Mon expérience aux Philippines était probablement celle qu'au cours des siècles, les catholiques avaient de leur pape: Le pape était le Saint-Père à Rome, Vicaire du Christ et Successeur de Pierre, le chef spirituel de tous les catholiques. C'était tout ce que nous savions sur lui (1). Nous savions à quoi il ressemblait par son portrait officiel, et dans de nombreux foyers, une petite photo sur une image de prière était parmi d'autres images sur le plateau ou la table qui servait de coin de prière à la famille.
Dans mon école catholique, une photo de lui était accrochée dans le hall de l'école, et on nous apprenait à prier pour le Pape et l'Eglise chaque jour. En cours de religion, les religieuses, de temps en temps, nous parlaient de la grande sainteté personnelle du Saint-Père. Plus précisément, je me souviens qu'on nous avait dit qu'il avait proclamé le dogme de l'Assomption de Marie et qu'il avait canonisé Maria Goretti, un sainte enfant qu'on nous présentait comme un modèle pour nous. Une fois par an, nous célébrions la Journée du Pape.
Dans tout cela, le Pape était une figure de vénération, pas une célébrité. Je n'ai jamais entendu parler de son canari jusqu'à ce que je sois bien plus âgée et que je travaille déjà dans les médias.

Plus tard, j'ai lu des choses sur l'immense popularité personnelle de Pie IX en Italie au début de son règne, quand des personnalités comme Don Bosco et les autres «saints sociaux» du 19e siècle à Turin étaient ses fervents admirateurs.
Mais je ne crois pas que la «papolâtrie» ait vu le jour avant l'avènement de Saint Jean-Paul II, auquel son magnétisme personnel palpable et son extraversion athlétique ont contribué à donner une célébrité de «rock star».

Ce qualificatif de «rock star» - qui lui fut attribué par TIME magazine, lors de sa première visite États-Unis - était dû à l'enthousiasme de masse que des foules admiratives peuvent éprouver, mais il n'a jamais obscurci l'impact spirituel qu'il avait sur les nombreuses vies que sa présence a profondément touchées.
Et je n'ai pas souvenir d'une quelconque «papolâtrie» que les médias auraient exprimée en le présentant comme absolument parfait et le parangon de toutes les vertus, comme ils le font avec François. Les cardinaux proches de lui n'avaient pas davantage besoin de gonfler ou d'exagérer ses vertus, parce que toute sa personnalité reflètait et irradiait ses vertus plus que suffisamment et sans équivoque.

Evidemment, personne ne peut parler de «papolâtrie» dans le cas de Benoît XVI, qui non seulement était extrêmement auto-effacé au point de paraître «média-indifférent», mais a également été l'objet d'une opération opposé: la fureur iconoclaste des médias, allant jusqu'à l'enragement. Et pourtant, il a très vite attiré bon nombre de groupes et d'individus, les inspirant à suivre ses activités et surtout ses paroles, attentivement et religieuseement, afin de les diffuser aussi largement que possible.
Entreprise facilitée pour nous, bien sûr, parce qu'il était vraiment le premier pape de l'ère d'Internet, faisant en quelque sorte de nous des «Web groupies»..
Pour moi - et je pense que ce doit être aussi le cas pour mes amis «Benaddicts» - il a représenté un guide spirituel personnel dont la présence quotidienne sur le Web et dans les médias était réelle et effective, et pas seulement virtuelle.
Il a été un véritable guide et professeur qui a encouragé l'amitié avec Jésus, faisant ainsi ressortir le meilleur de moi, nourrissant mon amour et ma compréhension de la foi et de l'Eglise avec ses homélies, catéchèses et discours inimitables, informatifs et, littéralement, édifiants.
De là - de manière cohérente, constante et par des voies d'une beauté sans faille - la vie et les paroles de Jésus, chaque passage de la Bible ou histoire de la Bible, les figures des saints et des chrétiens exemplaires, nous ont conduit à connaître et à apprécier non seulement le merveilleux dépôt de la foi de deux millénaires, mais aussi l'architecture impressionnante de cette foi.
Au moins pour moi, même sans regarder la vidéo de chaque catéchèse ou homélie ou message d'Angelus, simplement lire ses textes était toujours comme l'entendre dire les mots directement à moi - littéralement comme l'entendre parler, en anglais, italien, français, espagnol ou allemand, de cette douce voix musicale. La cohérence de tout ce qu'il a enseigné, réussissant à dire encore et encore les choses essentielles dans une infinie variété de façons, était aussi toujours infiniment rassurante.

C'est cela qu'a signifié avoir Benoît XVI comme guide spirituel personnel pour une expérience vivante de la foi comme rencontre avec Dieu.
Je remercie le Seigneur que la plénitude de la foi qu'il prêchait et enseignait m'ait donné le discernement pour distinguer les écarts ou les incohérences qui peuvent être négligemment ou même délibérément diffusés.

(Teresa, 29 jenvier 2015)

Note de traduction

(1) Dans le premier livre d'entretiens avec Peter Seewald, interrogé sur Pie XII, le futur Benoît XVI répondait «C'est le pape de la jeunesse, et nous le vénérions».

Précision: la vénération n'a rien à voir avec la papolâtrie... et c'est le sentiment que Benoît XVI a inspiré, et inspire encore, avec la proximité inédite permise par l'information moderne et impensable pour les Papes précédents.

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