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Pourquoi le Pape ne parle pas du péché originel

... il croit en l'idée de Rousseau que l'homme est bon par nature, que c'est la société qui le corrompt.

"Pourquoi le Pape ne parle pas de péché originel": c'est le titre d'un article que j'avais traduit la semaine dernière, m'interrogeant sur l'opportunité de le publier.
Et puis, les propos du pape visitant une paroisse romaine (comme c'est son devoir d'évêque de Rome) située dans le quartier "périphérique" au joli nom de Tor Bella Monaca me sont tombés sous les yeux: un nom qui cache une réalité que nous qualifierions pudiquement, en novlangue, de "quartier difficile", ou, plus simplement, de "quartier". Notons que c'était déjà le cas pour les paroisses visitées par Benoît XVI; il n'y a donc rien à redire à cela.
Ces propos sont reproduits, avec des photos, sur le très intéressant (eh oui) site "Il mio Papa" , où je les ai trouvés. Mais ils figurent également sur le site du Saint Siège, avec une suite non moins édifiante.

Les voici, en italien. C'est du langage parlé, intraduisible si l'on veut en rendre la "saveur". Je regrette de dire qu'il est difficile d'y percevoir quelque chose de la dignité suprême dont est porteur celui qui les prononce.
Mais il y a malheureusement bien plus (ou bien pire) que la familiarité du ton, dont je laisse mes lecteurs juger. Je me contente de rappeler respectueusement au Pape que, pour citer Guarescchi, le père de Don Camillo "la pauvreté n'est pas une vertu, c'est juste un malheur":

La gente di Tor Bella Monaca è buona, è gente buona. Ha soltanto un difetto, ma è lo stesso difetto che avevano Gesù, Maria, Giuseppe: di essere povera. La povertà… Con la differenza che Giuseppe aveva un lavoro, Gesù aveva un lavoro. Tanta gente di qua non ne ha. E deve dare da mangiare ai figli! E come si arrangia? Eh, voi lo sapete! La tentazione… “Ma, io non voglio fare questo, io non vorrei, ma devo dare da mangiare ai figli”. Questo è il vostro dramma, della gente di qua. Quella bontà messa alla prova dall’ingiustizia; dall’ingiustizia della disoccupazione o della discriminazione. E questo è peccato, è peccato grave. E tanta gente che è buona è costretta a fare cose brutte, forse, perché non trova un’altra via.

Voici donc l'article dont je parlais, signé d'un journaliste et politologue italien de renom, Piero Ostellino, né en 1935, qui écrit actuellement dans Il Giornale.
Comme le notait Antonio Socci, j'imagine qu'en cherchant bien dans les innombrables discours, interviews, homélies à Sainte Marthe, etc.., on trouverait probablement quelque allusion du pape au péché originel, mais il n'est pas au coeur de sa conception de l'homme, ni de son enseignement - on vient d'en avoir une nouvelle preuve..

Pourquoi le Pape ne parle pas du péché originel

François semble croire à l'idée de Rousseau que l'homme naît innocent et se corrompt en vivant en société

www.ilgiornale.it
Piero Ostellino
5 mars 2015
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Un ami m'a fait remarquer que François ne parle jamais du péché originel. Je ne pense pas qu'il n'en parle pas à cause d'une sorte d'adhésion à une modernité qui ne met plus le péché de chair au coeur de la vie morale individuelle et collective.

Nous n'en sommes pas non plus à la confirmation de la prophétie de Nostradamus selon laquelle monterait sur le Trône pontifical un «homme de la Compagnie» (un jésuite) qui mettrait du poison dans la doctrine. Mais c'est une chose d'attribuer la méchanceté humaine au péché d'orgueil d'Adam et Eve - comme le soutenait saint Augustin et l'avait soutenu l'Eglise jusqu'à hier - c'en est une autre de l'attribuer, comme le fait ce pape, au rapport entre riches et pauvres, au monde moderne - qui de l'autonomie de la politique à l'égard de la religion est le dépassement; un monde modelé sur le concept d'utilité, sur celui de la production de richesse et sur la poursuite du bonheur.

François semble croire à l'idée de Rousseau que l'homme naît innocent et est corrompu par la vie en société; en particulier, dans la société démocratico-libérale et capitaliste, où la liberté et la propriété privée ne produiraient, selon lui, que des inégalités génératrices d'injustices.
C'est la même idée qui avait inspiré aux jésuites le projet d'une société parfaite, gouvernée par une Autorité morale, dans laquelle les hommes s'acquitteraient de leurs exigences naturelles, y compris celles de manger et de procréer, au son d'une cloche manoeuvrée par les jésuites eux-mêmes (??); en somme, c'est l'idée d'une société parfaite qui a inspiré les autoritarismes et les totalitarismes du XXe siècle. Qu'on le veuille ou pas, le Pape François, plus qu'obéir à un principe théologique, propose un modèle réactionnaire de coexistence politique, de l'espèce de ceux qui ont maintenu l'homme dans l'obscurantisme médiéval et dans les schémas d'un projet rationaliste dont le défaut consiste précisément à ne pas tenir compte des hommes tels qu'ils sont, mais à se baser sur les hommes tels qu'ils devraient être.

Ce Pape, tiermondiste, démagogue et paupériste, il ne me plaît pas, et il ne plaît pas non plus à beaucoup de catholiques. Peut-être pourra-t-il conquérir quelque nouveau croyant dans les régions du monde, comme l'Amérique latine, d'où il vient et où les inégalités sociales sont plus fortes. Mais je crains qu'avec son subjectivisme, il fera plus de mal qu'il n'apportera d'avantages à la religion. Je comprends et je respecte ces croyants qui voient en lui l'autorité que l'histoire du catholicisme lui attribue. Mais si la force (historique et politique) de l'Église a toujours consisté dans sa capacité à s'adapter aux circonstances, la rupture systématique, de la part du pape, de la plupart des circonstances historiques dans lesquelles vit la chrétienté menace d'être aujourd'hui plus un inconvénient qu'un avantage.
Ce que la papauté traverse n'est pas un temps de renouveau, comme certains voudraient le faire croire, mais d'obscurantisme.

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