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Pressions sur un éditeur...

non religieusement correct. Il s'agit de Cantagalli, l'éditeur italien du fameux "livre des cinq cardinaux", en réponse à Kasper (mais cela n'arrive pas que chez nos voisins!). Article sur La Bussola, traduit par Anna

Une curiosité piquante, dans tout cela: les mêmes qui tournent en dérision les soi-disant adeptes - par bêtise ou simplisme - d'une prétendue théorie du complot" (c'est-à-dire en réalité ceux qui ne partagent pas leur analyse des évènements, et d'une façon générale, n'acceptent pas celle propagée par les grands médias) sont les premiers à l'invoquer quand cela les arrange. Un autre exemple récent avait été donné par la réaction démesurée à l'article de Vittorio Messori sur Il Corriere della Sera, le 24 décembre dernier (cf. Un étrange brouhaha). Et chez nous par l'affaire DSK - le pauvre avait lui aussi été victime d'un complot au Soffitel !!!

Ne tirez pas sur l'éditeur (orthodoxe)

www.lanuovabq.it/it/articoli-non-sparatesulleditoreortodosso
Lorenzo Bertocchi
23/2/2015
Traduction Anna
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L'histoire commence avec la publication, il y a 5 mois, du livre Demeurer dans la vérité du Christ. Mariage et Communion dans l'Eglise Catholique.
L'éditeur de Sienne, Cantagalli, imprime le texte avec les interventions des cardinaux Walter Brandmüller, Carlo Caffarra, Velasio De Paolis, Raymond Leo Burke et Gerhard Ludwig Müller, ainsi que de quatre autres spécialistes. Le livre sort aussi aux aux Etats-Unis, (et en France, voir ici) presque simultanément.

Le texte, ce n'est un mystère pour personne, s'oppose de manière articulée aux thèses qu'un autre cardinal, Kasper, avait soutenues lors du fameux consistoire de février 2014 en vue du synode extraordinaire sur la famille. En particulier, comme affirmé par le père Robert Dodaro OSA (Ordre de Saint Augustin), éditeur du texte, "la solution 'miséricordieuse' au divorce revendiquée par le cardinal Kasper n'est pas inconnue dans l'Eglise ancienne, mais n'est en réalité défendue par aucun des auteurs qui nous sont parvenus et que nous considérons avoir autorité. Au contraire, si elle est mentionnée, c'est plutôt pour la condamner comme contraire à l'Ecriture".
De ce point de vue, l'accès à l'Eucharistie pour les divorcés remariés n'est pas possible à moins que le couple ne pratique l'abstinence. C'est la thèse principale contenue dans le texte.

Depuis le tout début, le livre a eu des oppositions farouches. Rien de mal jusqu'ici, cela fait même partie d'une confrontation que le Pape a lui-même plusieurs fois demandée afin d' éviter que le Synode ne reste paralysé. Récemment, toutefois, le polar s'est enrichi d'un nouveau chapitre. L'historien Alberto Melloni (ndt: le fameux théologien progressiste leader de l'"Ecole de Bologne" pour l'interprétation du Concile en termes de rupture), alors qu'il recensait sur le Corriere Fiorentino un autre texte publié par Cantagalli, s'est lancé dans une hypothèse très intéressante: que l'éditeur se serait prêté à être la base opérative d'une véritable tentative de fronde parmi les cardinaux. Pour être exact, Melloni écrit même que "la maison d'édition, avec la couverture du cardinal Müller, préfet de la doctrine pour la foi, avait essayé, de bonne ou de mauvaise foi, Dieu seul le sait, (…) d'ourdir un complot contre le pape et contre le synode pour dire, quelques heures avant son ouverture que, sur les choses dont François voulait discuter, il ne fallait pas discuter".

L'intrigue devient intéressante, même si elle n'est pas tout à fait nouvelle. Selon Melloni, nous avons donc 5 cardinaux qui "complotent", sous la houlette du cardinal préfet de la doctrine de la foi, utilisant comme base opérative une maison d'édition. C'est du lourd, mais, vu le temps écoulé et ce qui s'est passé au Synode, la révélation à retardement des trames nébuleuses fait sourire.

Quelque chose mérite toutefois d'être approfondi. Le livre, qui s'est révélé un succès, offre une contribution pour encourager le débat. Le cardinal Kasper, en revanche, interviewé sur Vatican Insider, s'était depuis le tout début montré "surpris" par la "situation inédite" qui s'était créée avec la publication du livre. Et il remarquait, avec peu d'élégance, qu'il avait tout convenu avec le Pape, "qu'il était d'accord. Eux [les 5 cardinaux], ils savent que je n'ai pas fait moi-même ces choses. J'ai tout convenu avec le Pape, j'ai parlé avec lui deux fois. Il s'est montré content".

C'est curieux. Car il ne semble pas que les 5 cardinaux (et les autres spécialistes) s'en prennent au Pape, mais ils exposent tout simplement leurs thèses sur un sujet dont la discussion, entre autre, n'est pas encore close. Le Cardinal De Paolis l'a affirmé dans une interview au quotidien Repubblica, où l'intervieweur lui demandait compte justement de "cette opération" du livre. "Aucune opération, dit-il, nous avons simplement voulu contribuer au débat en exprimant notre avis". D'ailleurs, précisait le cardinal, il s'agit d'interventions qui ne sont même pas inédites, mais écrites et prononcées bien avant d'être publiées (ndt: voir aussi la présentation du livre par le Cardinal Burke à Vienne, le 4/11 dernier au siège de Una Voce Austria, où il parle entre autre des mille petites entraves du diable à la publication, benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/le-cardinal-burke-en-conference-a-vienne).

Les accusations de complot, à retardement, mais aussi au moment où le livre sortait des presses, ressemblent donc à certaines accusations de "sentiments anti-soviétiques" déployées par le régime contre les opposants politiques. "Je veux garder la liberté de dire ce que je pense, disait le cardinal De Paolis, sans être accusé d'être un comploteur". Mais il est évident que pour certains, ce n'est pas le cas.

Les mêmes considérations valent évidemment pour l'éditeur Cantagalli qui doit pouvoir faire son métier sans messages d'un genre plutôt mafieux. Un éditeur dont le sérieux et la professionnalité sont hors de discussion pour tous ceux qui connaissent ses publications. Mais alors qu'il est ridicule de parler de complot, les pressions pour que le livre ne soit pas publié ont bel et bien existé, et comment ! Et les réactions, encore 5 mois après sa publication, montrent que pour certains, ce livre ne devait pas se faire. Avant même la publication du livre des actions zélées et de fortes pressions ont été exercées pour rappeler à l'éditeur de ne pas se prêter à servir de plateforme à la fronde.

Et vive la franche confrontation! D'une seule voix, toutefois.

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