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Un air de tribunal du peuple dans l'Eglise

Le titre est de Riccardo Cascioli, le directeur de la Nuova Bussola, commentant une incroyable pétition de soutien au Pape François, initiée par différents secteurs progressistes de l'Eglise, pour dénoncer l'article de Messori (3/1/2015)

>>> L'article de Vittorio Messori: benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/franois-ce-que-dit-messori

Du temps de Benoît XVI, au moment où il était lynché par les médias, les bien-pensants ne se sont jamais indignés des insultes au Vicaire du Christ, parce qu'il le détestaient. Il y a bien eu une pétition, qui a obtenu une large couverture médiatique, c'était celle (honteusement) lancée par La Vie au moment de l'affaire Williamson sous le titre "Pas de négationistes dans l'Eglise".
Décidément, "The times they are a-changin" (cela va devenir le slogan de mon site!!).

Voici d'abord le texte de la pétition (je ne mets pas le lien, ne voulant pas lui faire de publicité), incroyable accumulation de mensonges et de lieux communs dont la violence (réelle, contrairement à celle imputée à Vittorio Messori) disqualifie les auteurs mais n'en fait pas moins froid dans le dos:

La pétition

APPEL POUR SOUTENIR LE PAPE FRANÇOIS
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L'arrivée du Pape «venu du bout du monde» qui prend le nom de François se présentant non pas comme Pontifex Maximus, mais comme évêque de Rome, provoque des réactions frénétiques au sein de la Curie du Vatican qui, décimée par les scandales et la corruption, considère le pape comme un corps «étranger» à son système consolidé d'alliances avec les pouvoirs du monde, alimenté par deux instruments pervers: l'argent et le sexe.

Dans un premier temps, les commérages sur le «Pape étrange» commencent en sourdine, puis deviennent petit à petit de plus en plus en plus apparents face aux ouvertures de François en fait de famille, de «pastorale du peuple» et de proximité avec le peuple de Dieu, allant - scandale des scandales - jusqu'à parler avec les non-croyants et les athées.

Après le choc d'un synode «libre de parler» l'attaque frontale de cinq cardinaux (Müller, Burke, Brandmüller, Caffara et De Paolis), parmi lesquels le Préfet de la Congrégation de la Foi, a renforcé le front des opposants qui voient dans le pape François «un danger» qu'il faut bloquer à tout prix.

Rompant une pratique du formalisme extérieur, lors des vœux de Noël, le Pape lui-même énumère quinze «maladies» de la Curie, exposant en public sa solitude et réclamant cohérence et authenticité.
En réponse à l'appel du Pape, le lendemain, le 24 Décembre 2014, veille de Noël - date qui n'est choisie au hasard - le journaliste Vittorio Messori publie sur Il Corriere «une sorte de confession que j'aurais volontiers reportée, si on ne me l'avait pas demandée» intitulée «Doutes sur le virage de François», assaisonnée par le chapeau «Bergoglio est imprévisible pour le catholique moyen. Il suscite un large intérêt, mais dans quelle mesure sincère?».

L'attaque ciblée et frontale, «demandée», une véritable déclaration de guerre, feutrée dans le style clérical, mais menaçante dans la substance d'un avertissement de type mafieux: le Pape est dangereux, «imprévisible pour le catholique moyen». Il est temps qu'il fasse à nouveau le Pape et laisse la Curie gouverner. L'auteur ne donne pas les noms des «mandataires», mais il se met à l'abri en disant que son discours, «lui a été demandé».

Nous nous opposons à ces manœuvres, expression d'un conservatisme qui a souvent empêché l'Eglise de remplir sa mission «unique» d'évangéliser. François est dangereux parce qu'il annonce l'Évangile, en partant du Concile Vatican II, pendant trop longtemps congelé. Les clercs et les conservateurs qui s'opposent à lui sont les mêmes qui ont enterré le Concile et qui, jusqu'à récemment, étaient des fermes défenseurs de la «primauté de Pierre» et de «l'infaillibilité du pape» juste parce que les papes, incidemment, pensaient comme eux.

Nous ne pouvons pas rester silencieux et avec force nous crions que nous sommes du côté de François. Par notre appel aux femmes et aux hommes (ndt: galanterie, ou concession au langage du politiquement correct?) de bonne volonté, sans distinction d'aucune sorte, nous voulons faire autour de lui un cercle de soutien et de prière, d'affection et de solidarité convaincues.

Le «tournant de François» n'engendre aucun doute, au contraire, il entraîne et stimule la majorité des croyants à le suivre avec respect et affection. Le ministère de l'Évêque de Rome et sa théologie pastorale suscitent espoir et aspiration de renouveau dans tout le Peuple de Dieu et son message est écouté avec attention (???) par de nombreux femmes et hommes (même remarque) de bonne volonté, non-croyants ou de différentes religions et croyances.
Nous désirons dire au pape qu'il n'est pas seul, mais que, en réponse à son invitation incessante, l'Église toute entière prie pour lui (cf. Ac 12,2). C'est l'Église des simples, des paroisses, des trottoirs, l'Église des pauvres, des sans-voix, des sans pasteurs, de l'Eglise «du tablier» (ndt: sans doute pas ce que vous croyez, mais référence à un discours du pape) qui vit de service, de témoignage et de générosité, à l'écoute des «signes des temps» (Matthieu 16 , 3) et marchant avec les temps pour arriver à temps.
De même, de nombreux non-croyants, athées ou d'autres religions, des hommes et des femmes libres (!!), lui expriment publiquement leur estime et leur amitié. La secte de «ceux qui portent des vêtements somptueux, vivent dans le luxe dans les palais des rois» (Luc 7:25) ne peut pas être avec un pape nommé François qui parle l'Evangile «sine glossa».

Pape François, reçois notre accolade et notre bénédiction.

Rome, 25 Décembre, 2014. Naissance de Jésus

     

Riccardo Cascioli laisse éclater son indignation, et je partage évidemment largement son analyse.
Sauf quand il parle du "vrai [magistère], pas celui qui est véhiculé par les médias intéressés": le problème, c'est justement que Messori, qu'on ne peut certainement pas soupçonner de se fier aux médias pour suivre le magistère, a des doutes, et que nous en avons aussi, car où finit le "magistère médiatique" et où commence le vrai n'est décidément clair pour personne.
J'ai également des réserves quand il accuse ces gens de prendre le Pape en otage, comme si ce dernier, par ses choix, son attitude, et beaucoup de ses propos, ne se prêtaient pas à leur jeu et n'y était donc absolument pour rien.

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Un air de tribunal du peuple dans l'Eglise

Riccardo Cascioli
03.01.2015
www.lanuovabq.it/it/articoli-ce-aria-di-tribunale-del-popolo-nella-chiesa
Ma traduction
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C'est un fait. Ceux qui vivent d'idéologie perdent le sens du ridicule. Ce n'est que de cette façon qu'on peut expliquer le crescendo des attaques - et même des insultes - à Vittorio Messori pour l'article publié le 24 Décembre par le Corriere della Sera. Commentaires féroces dont nous avons déjà donné donné un échantillon, mais qui sont extraordinairement amples et qui ont trouvé leur sommet dans une pétition en ligne pour «Arrêter les attaques contre François», dans lequel on va jusqu'à qualifier l'article de Messori de «déclaration de guerre» et d'«avertissement de type mafieux», évoquant des «commanditaires» non spécifiés.

Les critiques sombrent dans le ridicule, mettant le Corriere della Sera au centre d'un sombre complot qui viserait à boycotter le Pontificat de François. Evidemment ces messieurs ne lisent pas très souvent le Corriere, sinon ils auraient réalisé à quel point le quotidien milanais a contribué à mettre à l'index tous les évêques et cardinaux qui, lors du récent Synode ont osé critiquer les positions du cardinal Kasper, les étiquetetant comme «ennemis du Pape».

Ainsi, quelqu'un qui n'aurait pas lu l'article de Messori serait enclin à penser qu'il contiendrait qui sait quelles terribles critique de François, alors que le cœur du discours est bien différent: à partir de l'observation d'une «contradiction apparente» dans plusieurs interventions du Pape qui désorienterait beaucoup de catholiques, Messori rappelle que le croyant «sait qu'on ne regarde pas un pontife comme un président élu de la République ou comme un roi, héritier fortuit d'un autre roi. Bien sûr, dans le conclave, ces instruments de l'Esprit Saint que sont, selon la foi, les cardinaux électeurs partagent les limites, les erreurs, peut-être les péchés qui marquent l'humanité toute entière. Mais la tête unique et vraie de l'Eglise est ce Christ omnipotent et omniscient, qui sait un peu mieux que nous quel est le meilleur choix, pour son représentant terrestre temporaire. Un choix qui peut sembler déconcertant à la vue limitée des contemporains mais qui ensuite, dans la perspective historique, révèle ses raisons».

En somme Messori - de manière très catholique - rappelle que les papes, tous les papes, peuvent être plus ou moins sympathiques, plus ou moins abordables, plus ou moins clairs, mais ce n'est pas pour leurs qualités personnelles ou pour leurs idées en matière de pastorale que nous les suivons. Le Pape est le vicaire du Christ, il est le signe visible de l'unité de l'Eglise et il ne peut y avoir de véritable appartenance à l'Eglise sans unité avec le pape. Point. Cela n'empêche pas la possibilité d'exprimer des réserves ou des préoccupations au sujet de certains comportements ou actions (chose également prévue par le Code de droit canonique), toujours dans l'humilité et le respect que requiert la mission de Pierre.

Mais c'est justement cela la vraie raison pour laquelle nous assistons à l'agression contre Messori.
Certains «Pasdaran» du Pape François sont en en effet les mêmes que ceux qui ont jeté de la boue à la pelle sur ses prédécesseurs.
Il suffit de parcourir la liste des signataires de la pétition, parmi lesquels - pour n'en nommer que quelques-uns - on relève don Luigi Ciotti (ndt: le prêtre anti-mafia ami de François, déjà rencontré dans ces pages) et l'association Nous sommes Eglise. En somme, tout ce beau monde qui s'est toujours vanté de tirer à boulets rouges sur l'Église institutionnelle, de ne pas se soucier de la doctrine catholique la remplaçant par la leur, méprisant publiquement les papes précédents.
Pour eux, le Pape est exactement comme le Président de la République, cela dépend s'il est de mon parti ou du parti adverse. Il suffit de lire ce que disait don Farinella (ndt: voir ce qu'en disait il y a déjà quelques années le Père Scalese, benoit-et-moi.fr/2009-II) sur son blog hébergé par [le journal gauchiste] Il fatto quotidiano: «Je combat le pontificat de Benoît XVI que je considère comme un désastre pour l'Église, car il ne sait que regarder en arrière sans se laisser subjuguer par l'Esprit qui regarde vers l'avenir sur la perspective du Royaume de Dieu».

Ces gens essaient de prendre François en otage, ils l'utilisent contre les papes précédents, comme ils l'avouent dans la pétition quand ils disent que François annonce l'Évangile «repartant de Vatican II, trop longtemps congelé» comme si Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI avaient été anti-conciliaires. Ce n'est pas pour rien que ce sont les mêmes qui appellent à l'annulation des encycliques Humanae Vitae et Familiaris consortio. En François, ils voient l'occasion de réaliser le projet de l'Église «protestante» qu'ils appellent de leurs voeux, ils comptent pouvoir utiliser le pape contre l'Eglise elle-même: ce sont les pires ennemis de François, et de ceux qui veulent suivre son magistère (le vrai, pas celui qui est véhiculé par les médias intéressés).

Ils seraient ridicules s'ils n'étaient pas inquiétants dans leurs intentions: que signifie «arrêter les attaques» si toutefois il s'agit d'attaques? Veulent-ils occuper la typographie du Corriere, la résiliation du contrat de Messori (ndt: qui collabore avec ce journal)? Ou bien veulent-ils faire taire Messori et tous ceux qui le lisent et partageant ses jugements? Ou peut-être s'agit-il de la méthode classique «en frapper un afin d'éduquer une centaine».

Il y a comme un air de «tribunal du peuple» dans l'Église, et, malheureusement, même des évêques ne sont pas étrangers à cette atmosphère.
(...)

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