Union sacrée autour de Charlie Hebdo
Oui, mais.... (7/1/2015, mise à jour ultérieure)
Liberté d'expression:
Fusillade ce matin à Charlie Hebdo. Au moins douze morts, dont les figures "emblématiques" du journal, et deux policiers. Des appels à l'"union sacrée" des français.
Je déplore bien sûr ce qui s'est passé aujourd'hui à Paris (c'est plus facile que de se poser des questions sur les causes).
Mais j'ai de la mémoire.
Voici par exemple la une du n° du 6 novembre 2012, en plein débat sur le "mariage" gay (*).
Les "intégristes" catholiques n'ont pourtant pas été mettre de bombes, ni débarqué avec des armes lourdes dans les locaux du journal satirique.
Ce serait bien qu'on s'en souvienne, avant de nous interdire les "amalgames", mais de les pratiquer de façon éhontée en dénonçant selon une métode bien rôdée "tous les intégrismes".
Et je ne peux m'empêcher de penser aux réactions qu'avaient provoqué le 12 septembre 2006, chez les mêmes qui n'ont aujourd'hui pas de mots assez durs pour invoquer le droit "sacré" à la liberté d'expression" et "condamner la babarie", ces propos de Benoît XVI dans son discours de Ratisbonne:
(...)
Le dialogue embrasse tout le domaine de la structure de la foi couvert par la Bible et le Coran ; il s'intéresse en particulier à l'image de Dieu et de l'homme, mais revient nécessairement sans cesse sur le rapport de ce qu'on appelait les « trois Lois » ou les « trois ordres de vie» : Ancien Testament – Nouveau Testament – Coran. Je ne voudrais pas en faire ici l'objet de cette conférence, mais relever seulement un point – au demeurant marginal dans l'ensemble du dialogue – qui m'a fasciné par rapport au thème ‘foi et raison’, et qui servira de point de départ de mes réflexions sur ce sujet.
Dans le septième entretien publié par le professeur Khoury, l'empereur en vient à parler du thème du djihad, de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que, dans la sourate 2,256, on lit : pas de contrainte en matière de foi – c'est probablement l'une des plus anciennes sourates de la période initiale qui, nous dit une partie des spécialistes, remonte au temps où Mahomet lui-même était encore privé de pouvoir et menacé. Mais, naturellement, l'empereur connaissait aussi les dispositions – d'origine plus tardive – sur la guerre sainte, retenues par le Coran. Sans entrer dans des détails comme le traitement différent des « détenteurs d'Écritures » et des « infidèles », il s'adresse à son interlocuteur d'une manière étonnamment abrupte – abrupte au point d’être pour nous inacceptable –, qui nous surprend et pose tout simplement la question centrale du rapport entre religion et violence en général. Il dit : « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l'inhumain comme ceci, qu'il a prescrit de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait ».
(*) Je préfère ne pas insister trop sur d'autres "images" immondes: stripsjournal.canalblog.com/tag/Benoit%20XVI
Mise à jour
Une amie me signale la réaction du vice-directeur de la Salle de presse du Vatican le père Ciro Benedettini, qui condamne cette action "doublement condamnable, parce qu’il s’agit d’une attaque terroriste et contre la liberté d’expression".
Le P. Benedettini souligne que "des personnes sans défense et innocentes ont été frappées", en même temps que la liberté de la presse.
L'attentat au kalachnikov a visé la réunion hebdomadaire de la rédaction et a tué la fine fleur des satiristes. (**)
(Source)
* * *
La fine fleur? Le Père Benedettini est peut-être mal informé.... Il devrait jeter un oeil sur la page que je viens juste d'évoquer.
Il est vrai que CH est bien vu depuis longtemps dans la maison du Père Lombardi, comme en témoigne cet article paru sur la "radio du Pape" en novembre 2011, au beau milieu de l'affaire Castellucci (cf. benoit-et-moi.fr/2011-III ), et dont l'auteur ne craignait pas de faire les amalgames les plus odieux (avant de donner la parole à l'ineffable Odon Vallet):
Gros plan : Quand religion rime avec crispation
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Charlie Hebdo sort un numéro rebaptisé « Charia Hebdo », ses bureaux sont détruits par le feu. Une salle de spectacle parisienne présente la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci, et des catholiques traditionnalistes manifestent leur colère jour après jour devant et dans le théâtre, en tentant d'empêcher les représentations. Il semble bien qu'une « crispation » autour des sujets religieux est à nouveau d'actualité. Comme si la religion et la liberté d'expression ne pouvaient pas toujours faire bon ménage.
(**) Jeudi 8 janvier:
Zenit a modifié son article, remplaçant la phrase incriminée par celle-ci, plus soft:
L'attentat au kalachnikov a visé la réunion hebdomadaire de la rédaction et a tué quatre des meilleurs crayons satiriques de la publication.
