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Voyage immobile dans le temps et l'espace (I)

Une magnifique enquête sur la Bienheureuse Catherine Emerich, par Tea Lancellotti, sur le site <Papale papale>, traduite par Anna. Première étape (4/2/2015)

Voici le premier des 4 articles, daté du 10 février 2012, dans la traduction de Anna, que je remercie infiniment pour ce travail.

Voyage immobile.
Dans le passé et le futur de l'Eglise: Catherine Emmerich

Sainte Thérèse d'Avila

papalepapale.com
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Avant d'entrer au cœur de la vie de cette Bienheureuse Anne Catherine Emmerich, clarifions d'emblée ce qu'est la Mystique (le mysticisme).
Bien que le latin "mysticus" résonne comme mystérieux, ésotérique, il faut immédiatement clarifier que dans la foi catholique le concept d'ésotérique et de mystérieux ne signifie pas un mur infranchissable, inaccessible, ou bien réservé à un petit nombre: au contraire, il signifie "un horizon" que nous n'arrivons pas à voir, à cause du péché et des ténèbres du monde. Mais que, grâce au Baptême, aux Sacrements, et à une vie chrétienne conçue et vécue correctement, nous pouvons "entrevoir" et en quelques cas "approcher", c'est à dire à savourer par avance ici sur terre depuis que "le Verbe se fit chair et habita parmi nous". Dans les cinq paragraphes numérotés qui suivent, nous allons faire cette nécessaire prémisse, qui est également une introduction à la vie de notre Bienheureuse (et qu'il serait utile de lire pour ceux qui n'ont pas des bases de théologie suffisantes)

Marie-madeleine

1. MYSTIQUE COMME CONTEMPLATION DU MYSTÈRE

Nous envions souvent les saints, les mystiques, croyant ne jamais pouvoir parvenir à leur état. Mais cela est faux. S'il est vrai que Dieu choisit quelques personnes pour se révéler plus directement et se servir d'elles afin de nous faire parvenir des messages importants, il est tout aussi vrai que beaucoup dépend de nous, de notre volonté. Comme nous le rappelle Jésus dans la scène de l'Evangile où il indique au jeune la voie pour se sentir vraiment complet: « Va, vends tout ce que tu possèdes et donne le aux pauvres et, après, suis-moi »…mais le jeune ne le suivit pas. Ou bien lorsque, dans le chapitre 19 de Matthieu, Jésus indique comme voie de la perfection et de l'ascèse le célibat, la parfaite continence. Dans ce cas aussi, le discours n'est pas facile et Jésus le dit: « Tous ne le comprennent pas, mais vous… »

Il ne faut pas envier les saints, les considérer comme s'ils avaient été des extraterrestres, pour ce à quoi ils sont parvenus et la façon dont ils ont vécu; mais plutôt à cause de leur force de volonté suivant le Christ et les imitant dans cette volonté; le reste adviendra comme Dieu le veut. « Que ta volonté doit faite », et toujours selon ses projets: nous ne sommes que des instruments.

Le mysticisme, donc, le fait d'être des mystiques, est cette pratique par laquelle une personne décide de « tout laisser » et de se dédier à la contemplation de Dieu et de Son projet, aux œuvres de charité au nom de Dieu, sans "si" ni "mais", sans aucun obstacle matériel. La personne « meurt à elle-même », se soustrayant, par des exercices constants (jeûne, pénitente, prière, confession fréquente, sainte Eucharistie, bonnes œuvres, mettant même à profit la maladie si elle survenait), aux intérêts mondains, en pratiquant ce qu'on appelle l'"ascèse".

2. MYSTIQUE COMME INITIATIVE PARTANT DE DE DIEU

Mais attention, la mystique ne se limite pas aux pratiques énumérées ci-dessus. Elles servent à tout homme dans l'exercice des vertus et, au mieux, dans le perfectionnement de la mystique, de la foi chrétienne, des commandements. La mystique n'est pas une chose qu'on acquiert par ses propres mérites ou par moyen d'"exercices" ou d'étude, et dans ce but, il est nécessaire de ne pas confondre la mystique catholique avec les pratiques d'autres religions ou sectes, surtout orientales.
Les mystiques eux-mêmes nous disent: « On ne s'élève pas à Dieu si Dieu ne nous élève pas à Lui ». L'initiative est toujours de Dieu, qui choisit les personnes à qui se révéler et confier un projet; à elles de l'accepter ou de le refuser.

Anne Catherine Emmerich elle-même, comme tant d'autres mystiques, ne reçut les visions que par l'initiative divine, par la grâce divine, sans intervention des sens ni de l'intellect. Lorsque cela arrive, l'âme est immergée en Dieu, elle n'a plus la perception des réalités matérielles et intellectuelles: c'est un signe de la crédibilité des faits. Ce n'est pas sans raison que les mystiques éprouvent eux-mêmes des difficultés dans la description des visions. Ils déclarent souvent: « Je ne me souviens pas, je ne peux pas les dire, je n'arrive pas à expliquer avec des paroles humaines… ».
Dans le cas que nous voulons examiner, c'est le Seigneur qui conduisit vers Catherine Emmerich le poète Clemens Brentano qui, s'y étant rendu en visite occasionnelle, finira par y rester six ans, pendant lesquels il deviendra le transcripteur des visions de la Bienheureuse. Cela aussi advint par la volonté divine: elle ne vint ni d'une volonté personnelle de Catherine Emmerich ni d'une requête de Brentano.

3. MYSTIQUE COMME IRRUPTION VIOLENTE DU DIVIN

La mystique est une expérience parfois "violente", lorsque Dieu fait irruption dans l'âme qu'il a choisie, souvent affligée par des peines corporelles. L'âme est toutefois immédiatement enrichie de dons surnaturels et du réconfort direct du Seigneur, de la Vierge Marie, des saints, des anges: nous pouvons dire que le mystique entre dans le Règne des Cieux et la plus grande souffrance est de ne pas y vivre toujours pleinement, car après avoir goûté un avant-goût du ciel, il voudrait tout de suite pouvoir y vivre éternellement.
Les plus belles pages de la mystique parlent de: illumination de la Grâce, divinisation de l'âme, feu de l'Amour, incendie de l'Ame après, comme l'explique le mystique Saint Jean de la Croix, après avoir vécu lui aussi « la nuit obscure de l'âme », la tribulation, la tentation, le « silence de Dieu », comme Jésus qui expérimenta sur la Croix cet éloignement disant: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? ».

La mystique n'est autre que le fait de vivre l'expérience directe et passive de Dieu, dans Sa présence: expérience directe car sans intermédiaires et passive car rien ne dépend de l'âme ou de l'intellect mais de la Grâce, de la gratuité de Dieu. Soyons clairs: la mystique part d'un acte de Dieu qui fait irruption dans l'âme et dépasse même le libre arbitre de l'homme, lequel, frappé directement par cette irruption ne peut qu'agir en conséquence, à savoir changer, se convertir, obéir à ce qu'il voit ou ressent; directe et passive cette irruption change complètement le cœur de celui qui la vit, comme nous le rappelle Saint Paul, le mystique par excellence: « Ce n'est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi ». Dans ce sens l'âme concernée ne vit pas par images ou avec ses propres opinions présumées être la vérité: la Vérité au contraire fait irruption et clarifie tout mystère. A partir ce moment, l'âme ne vit plus par elle-même et devient un simple instrument de Dieu. La mystique n'est donc pas simplement une expérience personnelle: elle est un instrument pour l'Eglise et un canal que Dieu a mis à disposition pour l'édification de tous ses membres.

4. ON DONNE DU "MYSTIQUE" AUJOURD'HUI À TOUT RÊVEUR: LA MYSTIQUE TOUTEFOIS EST "PASSIVITÉ" QUI REND ACTIFS

On pense aujourd'hui que le fait d'être mystique, car "passif" de cette irruption divine, signifie perdre du temps dans des rêves, dans l'imaginaire, les rêveries, dans des heures de prière. On a fini par discréditer ces âmes privilégiées. En réalité, cette même passivité engendre une activité irrésistible et irrépressible qui, de toute époque, a contribué aux réformes au sein de l'Eglise, a enrichi son Magistère, a revitalisé chaque fois sa véritable Tradition, a suscité la conversion des âmes et contribué à leur sanctification, a créé de nombreuses fondations laïques et religieuses. Ce n'est pas un hasard que la majorité des fondateurs et fondatrices étaient des mystiques. En est un exemple le récit de l'origine de l'habit religieux dominicain qui a son origine justement dans une expérience mystique: la tradition attache en effet à la Sainte Vierge le don de l'habit à Saint Dominique Gusman, pendant un de ces moments d'intense colloque spirituel de l'âme avec Dieu.
Il est finalement à la mode d'affirmer que les apparitions et les visions, la mystique donc, ne sont pas contraignantes pour le catholique. Il faut clarifier ce concept:
Il est vrai que ces aspects ne sont pas contraignants surtout si les visions et apparitions n'ont pas encore été officialisées par la voix de l'Eglise. Dès que l'Eglise se prononce, comme dans le cas des apparitions de Lourdes ou de Fatima, bien qu'il ne soit pas contraignant d'y croire, le message qui en dérive est contraignant. Dans le cas de Lourdes, par exemple, il est contraignant de croire en l'Immaculée Conception, un dogme qui rendit l'apparition d'Aquerò (ainsi la définit Bernadette) [Aquerò signifie "Celle-là" en patois] d'autant plus tangible; et encore, dans le cas de Fatima, il est contraignant de croire en l'enfer, comme l'expliqua la Vierge aux petits bergers, et que cet aspect de la doctrine soit fondamental pour nous, nous le savons du catéchisme. De la même manière, est contraignant le fait que pour avoir la paix il nous faut la demander et supplier, prier sans cesse et réciter même le rosaire, non pas parce que c'est une obligation, mais bien un instrument précieux, défini comme tel par l'Eglise, soit par expérience directe, soit par la révélation dans la mystique.

5. LA MYSTIQUE N'EST PAS DE LA SUGGESTION

Après cette prémisse, nécessaire afin de de comprendre non seulement l'expérience des mystiques mais, dans notre cas, afin d'approfondir aussi la figure de la Bienheureuse Catherine Emmerich et de ses « visions », il faut dire que dans la Mystique est immédiatement conjuré le risque de cette présence de Dieu « donnée par les suggestions, par un dieu imaginé, rêvé ou créé pas ses propres opinions ». La Mystique dont nous parlons écarte les doutes dès que l'Eglise, en tant que maître, désigne ces personnes au culte et à la vénération, pas tellement pour les grâces qu'elles ont expérimentées mais pour ce qui a découlé et découle de ces grâces, en tout temps, pour notre propre bien et l'avantage de tous. Les « visions », les apparitions, les « confidences de Dieu » sont en soi secondaires: édifiantes, certes, mais marginales et, dans ce sens « non contraignantes ». Elles ne sont toutefois pas négligeables: le Seigneur permet ces moments mystiques pour notre édification, afin de nous corriger, et nous mettre en garde des fausses routes où nous nous sommes engagés…
Dieu est Amour! Avec cet amour Il met tout en œuvre, Il fait irruption dans les âmes afin de venir à notre rencontre. Clemens Brentano, son biographe et transcripteur des visions, écrivit à propos d'Anne Catharine Emmerich: « Elle se tient comme une croix au bord de la route » nous indiquant le centre de notre foi chrétienne, le secret de la croix.
Dans cet esprit les mystiques doivent être lus, et dans le même esprit nous allons lire la figure de la bienheureuse Catharine Emmerich.

* * *

DÉBUTS. FÉROCITÉ DE SES CONSOEURS ET DES RÉVOLUTIONNAIRES, PUIS UN AMI: BRENTANO

Ann » Catherine Emmerich naquit en Allemagne, près de Munster, à Flamske, le 8 septembre (jour de la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie) en 1774. Cinquième de neuf enfants, elle eut des visions depuis l'enfance. Dès l'âge de neuf ans la Saint Vierge et l'Enfant Jésus lui apparaissaient, ainsi que son ange gardien et plusieurs saints. Depuis qu'elle était petite, le Seigneur lui donna une grande sensibilité et dévotion au crucifix; elle s'émouvait alors des récits de la Passion du Seigneur, délicatesse qui ne la quittera jamais. En 1803, âgée d'un peu plus que 20 ans, elle décida d'entrer au couvent des Augustiniennes d'Agnetenberg. Sa vie fut immédiatement confrontée aux incompréhensions, jalousies et maltraitantes justement à cause des dons spéciaux et surnaturels par lesquels le Seigneur la visitait souvent, la consolait, l'instruisait. On raconte en effet qu'elle pouvait discerner les objets sacrés des profanes, qu'elle pouvait lire dans la pensée des personnes et qu'elle avait des visions des événements qui se passaient dans le monde. Elle vit par exemple dans le détail toute la révolution française. Ses expériences mystiques étaient souvent accompagnées de phénomènes de lévitation et de bilocation. Catherine avait également le don de connaître les maladies des personnes: elle pouvait ainsi leur prescrire des remèdes qui se révélaient toujours efficaces.
Ce fut une très grande douleur pour Catherine lorsque, à cause des lois napoléoniennes de 1811, de nombreux couvents subirent la violence révolutionnaire et furent contraints de fermer, l'obligeant à un transfert humiliant. Elle fut accueillie comme domestique par l'abbé Lambert, un prêtre qui avait lui aussi fui la France et s'était établi près de Dulmen.
Catherine décida de vivre ici comme si elle était au couvent, s'offrant sans limites et endurant toute chose pour le bien de l'Eglise, pour la fin des répressions et le salut des âmes.

A partir de 1812 elle fut prise au mot. Jésus lui apparut lui offrant sa couronne d'épines qu'elle accepta et eut ainsi sur son front les premiers stigmates. S'ouvrirent ensuite les plaies aux mains, aux pieds et au côté, l'obligeant à rester au lit. S'ajoutèrent une série de maladies continuelles qui l'affaiblirent profondément dans le corps mais jamais dans l'esprit, comme l'expliqua Clemens Brentano qui à partir de 1818 resta au chevet de la bienheureuse. En plus d'avoir été le témoin des grandes souffrances physiques qu'elle endurait, il sut transcrire toutes les visions de Catherine et les grâces dont elle bénéficiait, restant auprès d'elle jusqu'à sa mort. Brentano fut lui aussi objet des visions de Catherine Emmerich. Elle lui avait prédit en effet qu'il vivrait jusqu'à la conclusion de sa tâche (la transcription de toutes les visions qu'elle avait partagées avec lui). La prophétie se réalisa et Brentano mourut en 1842 après avoir achevé la transcription de toutes les visions, ainsi que la rédaction de la "Vie de Jésus Christ" tirée des visions de la religieuse. Il était lui aussi né le 8 septembre.

CLOUÉE AU CRUCIFIX

On parle beaucoup des visions de la bienheureuse Catherine concernant l'Eglise, la grave apostasie, l'Antéchrist, et moins d'autres visions aussi importantes comme par exemple celles concernant la Passion de Jésus, qui n'ont pu être approfondies que grâce au film de Mel Gibson, La Passion du Christ.

Généralement, Catherine, contrainte au lit, tenait un crucifix dans ses mains qu'elle ne se lassait pas de contempler: elle le gardait avec dévotion au point qu'un stigmate en forme de crucifix se forma sur son sternum. Dès que de fortes douleurs survenaient, elle réfléchissait aux Très Saintes Plaies, surtout celle du côté, et essayait de ne penser qu'aux douleurs que le Seigneur dut éprouver lorsqu'il se laissa livrer aux mains des hommes, pour leur salut.

Les Pères de l'Eglise, les saints, les mystiques, tous, surtout Saint Alphonse Marie de Liguori, nous enseignent que la méditation de la Passion de Jésus Christ est l'acte le plus noble et méritoire dans l'élévation à Dieu et l'acte de rentrer en soi même. L' "Imitation du Christ" elle-même nous rappelle: si tu ne peux pas contempler les choses sublimes et célestes, repose-toi dans la Passion du Christ et demeure volontiers dans Ses saintes Plaies. Car si tu te réfugies dans les plaies et les saints stigmates de Jésus, tu sentiras un grand réconfort dans la tribulation, et n'auras pas cure du mépris des hommes et supporteras en paix leurs médisances.

VOYAGE IMMOBILE EN TERRE SAINTE

En plus de la Passion du Christ, Catherine nous décrivit aussi la "Vie de la Bienheureuse Vierge Marie", et peu de gens savent, par exemple, que la découverte de la Maison d'Ephèse , en Turquie, où habita la Vierge après l'ascension de Jésus au ciel, lorsque « Jean la prit avec lui » comme Jésus lui avait demandé sur la croix, a été possible grâce à la minutieuse reconstruction des visions de Catherine.

Ces « confidences divines » qu'elle recevait étaient réellement d'un genre particulier. Voici ce qui se produisait essentiellement: elle se séparait spirituellement de son corps après avoir été « appelée » par son ange gardien (son corps restait évidemment dans le lit, visible aux présents, y compris Brentano qui en est témoin) pendant que son esprit voyageait en Terre Sainte et assistait aux épisodes de l'Evangile comme s'ils se déroulaient au même moment. Faisant une comparaison avec les techniques du cinéma, que ni elle ni Brentano ne connaissaient, nous pourrions dire que c'était comme si Sœur Emmerich remontait dans le temps et expérimentait un flashback; ensuite, elle décrivait dans le détail les faits à Brentano qui les transcrivait.

Ni la religieuse ni Brentano n'avaient jamais été en Terre Sainte: et pourtant Catherine a décrit avec une étonnante précision les lieux de la vie de Jésus et de la Sainte Vierge, les vêtements, le mobilier, même les paysages. Sur la base des descriptions de Sœur Emmerich a été retrouvée à Ephèse la maison où Marie vécut après la mort de Jésus. C'était une maison rectangulaire en pierre à un seul étage, avec le toit plat et le foyer au milieu, située dans les bois aux marges de la ville, car Marie voulait vivre à l'écart. Le prêtre français, Julien Dubiet, donnant du crédit à ces visions, alla jusqu'en Asie Mineure à la recherche de la maison décrite par Catherine. Dubiet trouva effectivement les restes de l'édifice, malgré les modifications subies au cours du temps, à neuf kilomètres au sud d'Ephèse, sur un des flancs de l'ancien mont Solmisso (Dolmen) en face de la mer, exactement comme cela avait été indiqué par Sœur Emmerich. La validité des affirmations de Catherine fut confirmée par des recherches archéologiques menées en 1898 par des chercheurs autrichiens. Les archéologues ont pu établir que le bâtiment - au moins dans ses fondations - remontait effectivement au 1er siècle après Jésus. L'Eglise n'eut aucun doute en élevant cette maison en sanctuaire et tant Jean-Paul II que Benoît XVI s'y rendirent en pèlerinage.

TOUTE UNE ARMÉE DE MYSTIQUES POUR LES TEMPS SOMBRES

Chaque saint, martyr ou bienheureux a sa particularité: d'ailleurs, Dieu a un projet pour chacun de nous. S'il est donc vrai que le sécularisme le plus radical, la déesse de la Raison des Lumières, la naissance et la diffusion de sectes et d'antéchrists, toutes les théories matérialistes les plus aliénantes ont caractérisé l'époque dans laquelle a vécu la pieuse religieuse, il est tout autant vrai que, en réfléchissant à cet événement et à d'autres, cette période fut marquée par la floraison de nombreuses mystiques, béatifiées ou non, stigmatisées et toujours vénérables, dont il est bon de rappeler quelques noms: Maria Luisa Biagini (1770-1811), Maria Josepha Kumi de St. Gallo (1782-1826), Bernarda de la Croix de Lyon (1820-1847) et Rosa Maria Andriani (1786-1848); ainsi que les stigmatisées dominicaines Colomba Schanolt de Bamberga, décédée en 1787, et Maddalena Lorger de Adamar, décédée en 1806; et aussi la capucine Soeur Rosa Serra de Ozieri en Sardaigne et Marie Bertina Bouquillon, toujours entre 1800 et 1862, et lahollandaise Dorothea Visser, en 1820, et de nombreuses autres.

Cette série d' « envoyées du Christ » (nous n'avons mentionné que la branche féminine de l'époque) sont le témoignage le plus tangible et concret de la foi et de l'Amour de Dieu et de comment on pâtit pour Sa cause; la réponse de Dieu aux hommes inquiets de toutes les époques, la réponse à son Eglise militante et souffrante, fut toujours celle-ci, et pas d'autres.
Tous ces « instruments de Dieu » ne doivent jamais être dissociés de tant de figures de l'Eglise de tous les temps, surtout du Moyen Age avec la naissance et la floraison des Ordres Mendiants.

CHAQUE JOUR, LA VISITE D'UN SAINT

Comme ce fut le cas pour Sainte Catherine de Sienne, l'instruction ne fut pas importante non plus pour Catherine Emmerich; le crucifix devint son livre, éternellement ouvert, et son cœur fut attendri par la souffrance, totalement plongé dans la dimension de l'Esprit Saint. De même, ce furent d'autres saints qui l'éduquèrent et la guidèrent, et son ange gardien sera son guide pendant toute sa vie et dans toutes ses visions. Son amour envers des âmes du Purgatoire, de l'Eglise triomphante et militante, lui permettront depuis son plus jeune âge de s'éloigner des distractions matérielles. Elle ne se sentit jamais seule, et en effet ne le fut jamais, pouvant compter chaque jour sur la visite de quelque saint, comme Sainte Rita da Cascia, Giuliana di Liegi (Julienne de Cornillon), Saint Ignace de Loyola, Saint Antoine et Saint Augustin, qui la dirigèrent depuis son jeune âge vers la vénération des reliques.

Sa vénération spéciale pour la Vierge Marie, qu'elle appelait « ma Reine », la soutiendra dans les moments de l'épreuve, sera son continuel réconfort et la conduira par la main dans cette « confiance de Dieu », par laquelle elle pourra « voir » comme dans un film, avec elle-même vraiment sur place, tous les événements de la vie de Marie et de Jésus, des apôtres, de l'Eglise naissante.

POURQUOI CETTE TRÈS LONGUE TENTATIVE DE L'OCCULTER?

Pourquoi a-t-il fallu 130 ans pour la béatification commencée en 1892?
Difficile à dire. Emmerich est une figure incommode. Incommodes furent également une partie des prophéties de la Vierge de la Salette (qui reprennent dans certains détails les visions de la bienheureuse allemande): le 19 septembre 1849 (environs 20 ans après les visions de Catharine) deux bergers de 15 et 11 ans devinrent les confidents de la Vierge Marie. Quelques messages immédiats et quelques prophéties concernant l'apostasie dans l'Eglise furent occultés. Le parcours bureaucratique fut ici aussi très difficile et douloureux et, si d'une part il faut remercier l'Eglise de l'énorme prudence par laquelle elle examine ces faits, de l'autre il doit être clair pour nous que l'attente même d'une confirmation de l'Eglise est nécessaire afin d'être "essayés comme l'or dans la fournaise" (livre de la Sagesse,3,6), afin de vérifier que les prophéties sont authentiques ou ne proviennent pas d'un menteur.

Il faut bien le dire: souvent, ce n'est pas l'héroïcité des voyants qui est mise en discussion, dès que leur moralité et crédibilité ont étés établies, mais bien ce qu'ils ont vraiment vu et s'ils n'ont pas étés trompés. Pour prendre un exemple: Saint Philippe Neri avait un dialogue excellent avec son ange gardien et accomplissait des miracles pendant sa vie mais, lorsqu'un jour la Sainte Vierge lui apparut, il lui cracha dans la figure! L'apparition lui demanda, d'un air douloureux, une explication de ce geste de blasphème, mais Saint Philippe qui était humble lui dit qu'il était impossible que la Vierge puisse apparaître à un pécheur et pouilleux comme lui. A l'instant l'apparition se révéla: c'était le démon en personne. Un autre exemple d'une longue et douloureuse reconnaissance de la part de l'Eglise est le parcours douloureux du Saint Padre Pio da Pietrelcina parvenu, finalement, à sa très attendue issue finale.
Pourquoi donc tant de temps pour reconnaître la béatitude de Catherine Emmerich?

Les voix officielles parlent d'une routine normale qui a fini par aller se coincer dans la politique de l'époque, et qui aurait ralenti le processus. On dit que le Pape Léon XIII parla de « prudence » à cause de la force explosive de ses « prophéties » et que, vu la politique du 20ème siècle - avec les frictions européennes, l'éclatement de l'empire austro-hongrois, la situation de l'empire germanique perdurant, etc. - il valait mieux attendre des temps meilleurs et patienter afin d'éviter toute instrumentalisation des visions.

Quelques-uns affirment que Clemens Brentano, le poète qui œuvra à la transcription des visions, les aurait falsifiées, les enrichissant, leur donnant de la couleur et entrainant ainsi un arrêt du processus de béatification. Cette « voix » nous paraît toutefois improbable, puisque Sœur Emmerich avait confiance en Brentano. Au lieu de s'arrêter aux nombreux "si ou mais" avec qui on ne fait pas l'histoire, il nous semble croire bien plus normal que l'Eglise, dans sa prudence doctrinale et proverbiale, et s'étant aussi engagée avec les Accords du Latran dans une nouvelle politique internationale, ait simplement voulu « geler » toutes les béatifications ayant un rapport avec les politiques d'autres Pays. Il ne faut non plus se cacher que l'Eglise va commencer elle aussi sa "politique correcte", à tous les niveaux, surtout au sujet de la gestion des diocèses et de la fameuse « collégialité » des évêques, afin de donner plus de liberté aux diocèses de s'occuper directement de ces procès. On voit en effet que s'il y a eu des retards, ils proviennent bien du diocèse et non de Rome.

Ce qui est sûr, c'est qu'un certain cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (devenu ensuite Pontife), confronté à de nombreuses autres apparitions et révélations, porta une attention particulière au processus de béatification de Sœur Emmerich. La définissant « digne de confiance et crédible » et affirmant que dans ses visions, dans le livre sur la vie de Marie et dans celui sur la vie de Jésus, « il n'y a pas d'erreurs » et qu'ils « contiennent des messages édifiants », il contribua a balayer les derniers doutes et lui permit d'être reconnue bienheureuse.

Ne s'agissant que d'un article, nous n'allons pas nous attarder sur les deux textes, dont nous vous recommandons toutefois une lecture approfondie et contemplative (ndt : je ne les ai pas trouvés).
Saint Augustin consolait ainsi la bienheureuse pendant ces visions: « Tu ne seras jamais entièrement aidée car ta vie est celle de la douleur. Néanmoins, si tu demandes du soulagement et de l'aide souviens-toi que je suis prêt à te les donner ».
Prions nous aussi, afin d'obtenir dès aujourd'hui le même secours de la part des saints.

Un ange mettait ainsi en garde la bienheureuse: « Tu diras être ce que tu pourras, mais il te sera impossible de calculer le nombre des âmes qui liront ce que tu auras dit, et qui seront inspirées au point de se consacrer à l'authentique vie dévote »
Nous pouvons affirmer que, sous le signe de cette pratique chrétienne et de cette foi, Catherine Emmerich a été envoyée par Jésus Christ afin de s'offrir, mystiquement, pour le salut des âmes, le bien de l'Eglise, s'immolant sur cette terre, dans un lit de douleurs, dans le but d'être témoin et donner témoignage au même temps de l'éternité de la foi, l'Amour bouleversant de Dieu, de Sa Justice, de Sa Miséricorde.

à suivre...

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