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Ces Messes célébrées devant des foules immenses

Six ou sept millions de personnes à Manille, dimanche, pour la messe du pape. En 2007, Benoît XVI répondait aux interrogations d'un prêtre sur les célébrations "océaniques" (19/1/2015, mise à jour ultérieure)

>>> Image ci-contre: messe à Venise, le 8 mai 2011 (voir ici)

Les médias, parlant de la messe célébré dimanche à Manille par le Pape François, ne se lassent pas de répéter qu'il s'est agi de la "plus grande messe de l'histoire", avec plus de six millions de présents.

Manille (AFP) - Le pape François a célébré la messe dimanche à Manille devant une foule record du six millions de Philippins enthousiastes, qui se sont reconnus dans son exaltation d'une foi populaire et ses dénonciations de la corruption et de la pauvreté.
(tempsreel.nouvelobs.com)

La messe de Manille va-t-elle être inscrite au Guiness des records, comme le suggèrent certains blogs anglophones?
Antonio Socci, de son côté, relève le titre de Vatican Insider: "Manille: jamais autant de fidèles pour un Pape".
Et il commente: "Pour un Pape? Pas pour le Christ?".

Cette affluence extraordinaire prouve que l'Eglise garde encore une grande force d'attraction, et comme catholique, on ne peut que s'en réjouir.
L'affluence aurait peut-être été la même sous Benoît XVI, mais les compte-rendus de l'AFP sans doute moins enthousiastes. Sans compter les campagnes médiatiques anticipées faisant à chaque fois tout pour refroidir l'enthousiasme populaire.

Benoît XVI était conscient des problèmes que posaient les Messes "océaniques".

Petit rappel:
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Les 1er et 2 septembre 2007, le Pape s'était rendu à Lorette, un lieu de pélerinage marial du centre de l'Italie, pour un voyage pastoral de 2 jours, à l'occasion de 'L'Agora des Jeunes', sorte de répétition des JMJ de Sidney.
Le dimanche 2 septembre, il célébrait la messe devant près de 500 mille personnes.
Le 7 février suivant, il recevait comme d'habitude au début du Carême le clergé romain, et répondait aux questions de ses prêtres.
Parmi eux, il y en avait un qui s’était rendu avec les jeunes de sa paroisse à Loreto pour la veillée et la messe avec Benoît XVI; il disait avoir relevé "une certaine distance entre le pape et les jeunes" et un écart encore plus grand entre la solennité de la messe et le sentiment de participation des centaines de milliers de jeunes qui étaient présents à ce rassemblement. Il concluait par cette question: "Comment concilier le trésor de la liturgie dans toute sa solennité avec le sentiment, la sensibilité et l’émotivité des masses des jeunes appelés à y participer?".

Voici la réponse de Benoît XVI (texte complet ici: www.vatican.va)

Le premier point que vous m'avez soumis est lié à l'organisation: je l'ai trouvée ainsi, et je ne sais pas s'il était possible de l'organiser éventuellement d'une meilleure manière. Vu les milliers de personnes qui étaient présentes, il était impossible, me semble-t-il, de parvenir à ce que tous puissent être proches de la même façon. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons suivi un itinéraire en voiture, pour essayer d'être proche de chacun. Mais nous prendrons cela en compte et nous verrons si à l'avenir, lors d'autres rencontres avec des milliers et des milliers de personnes, il sera possible de faire quelque chose de différent. Il me semble toutefois important que grandisse le sentiment d'une proximité intérieure, qui sache trouver le pont qui unit même lorsque l'on est éloigné dans l'espace.

En revanche, un grand problème se pose pour les liturgies auxquelles participent des milliers de personnes.
Je me souviens qu'en 1960, au cours du grand congrès eucharistique international de Münich, on tentait de donner une nouvelle physionomie aux congrès eucharistiques, qui jusqu'alors étaient seulement des actes d'adoration. On souhaitait placer au cœur la célébration de l'Eucharistie comme acte de la présence du mystère célébré.
Mais s'est immédiatement posée la question de savoir comment cela serait possible. Pour adorer, disait-on, on peut aussi être à distance; mais pour célébrer, une communauté limitée est nécessaire, qui puisse interagir avec le mystère, donc une communauté qui devait constituer une assemblée autour de la célébration du mystère.
Beaucoup étaient contraires à la célébration en public avec cent mille personnes. Ils disaient que cela n'était pas possible en raison de la structure même de l'Eucharistie, qui exige la communauté pour la communion.
Il y avait également de grandes personnalités, très respectables, qui étaient contraires à cette solution.
Puis le Professeur Jungmann, un grand liturgiste, l'un des grands architectes de la réforme liturgique, a créé le concept de statio orbis, c'est-à-dire il est revenu à la statio Romae où, précisément à l'époque du Carême, les fidèles se réunissent à un endroit, la statio: ils sont donc en statio comme les soldats pour le Christ, puis ils se rendent ensemble à l'Eucharistie. Si cela, a-t-il dit, était la statio de la ville de Rome, où la ville de Rome se réunit, alors il s'agit de la statio orbis. Et depuis lors, nous avons des célébrations eucharistiques avec la participation des foules.
Selon moi, je dois dire, cela reste un problème, parce que la communion concrète dans la célébration est fondamentale et donc je ne pense pas que la réponse définitive ait vraiment été trouvée.
J'ai également soulevé cette question lors du dernier Synode, qui n'a toutefois pas trouvé de réponse.
J'ai fait poser une autre question, sur la concélébration en masse: parce que si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas si subsiste encore la structure voulue par le Seigneur.
Mais dans tous les cas, ce sont des questions. Et ainsi s'est présentée à vous la difficulté de participer à une célébration de masse au cours de laquelle il n'est pas possible que tous soient également impliqués. Il faut par conséquent choisir un certain style, pour conserver la dignité qui est toujours nécessaire à l'Eucharistie, et donc la communauté n'est pas uniforme et l'expérience de la participation à l'événement est différente; pour certains elle est assurément insuffisante. Mais cela ne dépendait pas de moi, mais plutôt de ceux qui se sont chargés de la préparation.

Il faut bien réfléchir sur ce qu'il faut faire dans ces situations, comment répondre aux défis de cette situation. Si je ne me trompe pas, c'était un orchestre de personnes handicapées qui interprétait la musique et les chants et sans doute l'idée était précisément de faire comprendre que les handicapés peuvent être les animateurs de la sainte célébration et qu'ils ne doivent absolument pas en être exclus mais en être les premiers agents. Et tous ainsi, puisqu'on les aimait, ne se sont pas sentis exclus mais impliqués. Cela me semble une réflexion tout à fait respectable et je la partage.
Mais naturellement, le problème fondamental demeure. Ici aussi, toutefois, me semble-t-il, en sachant ce qu'est l'Eucharistie, même si l'on n'a pas la possibilité d'une activité extérieure comme on le désirerait pour ressentir une participation, on y entre avec le cœur, comme dit l'antique impératif de l'Eglise, créé peut-être précisément pour ceux qui étaient derrière la basilique: "Hauts les cœurs! A présent nous sortons tous de nous-mêmes, ainsi sommes-nous tous avec le Seigneur et nous sommes ensemble".
Comme je l'ai dit, je ne nie pas le problème, mais si nous suivons réellement cette parole "Hauts les cœurs" nous trouverons tous, même dans des situations difficiles et parfois discutables, la vraie participation active.

Mise à jour

A propos de l'affluence à la messe de Manille

Les précisions (précieuses) de mon amie Teresa, sur son site: elle est américaine et vit à New York, mais d'origine philippine, elle connaît bien Manille.
Elle s'est livrée à des calculs. Les résultats sont très convaincants.

Quant à la taille de la foule signalée pour la messe célébrée à Manille par le pape, je laisserai à d'autres de s'extasier sur elle. Tout ce que je voudrais dire, c'est que le Grand Manille a une population d'environ 12 millions d'habitants. Dire que six millions ont assisté à la messe, c'est dire que la moitié de la population de la mégalopole est sortie, et pouvait tenir dans le parc qui est l'endoit le plus vaste (il fait 140 acres - environ 57 hectares - moins d'un cinquième de la taille de Central Park à New York, mais 80% de celui-ci est un espace ouvert pouvant accueillir des gens) et dans les rues adjacentes, qui sont toutes de petites rues, très courtes.

Le fait que six millions de Philippins soient sortis pour assister à une messe papale n'est pas en cause, mais six millions de personnes pouvaient-elles effectivement tenir dans l'espace disponible?
Un compte-rendu de l'AP en 2014 intitulé «Les chiffres ne s'additionnent pas pour l'affluence à la messe papale» soulignait combien les 3,7 millions de personnes signalées par le Vatican comme ayant assisté à la messe finale du pape à Rio de Janeiro était trompeurs. Des experts en foules brésiliennes déclarait que le nombre réel était probablement de 1,4 à 1,7 millions, se basant sur la superficie effectivement occupée par l'assistance, qui était dense près de l'autel, mais clairsemée plus loin sur la plage de Copacabana.
La règle de base est que dans les foules, chaque personne occupe un espace d'au moins trois pieds carrés (soit 0,27 mètres carrés).

Sur cette base, les 112 acres du Parc Rizal à Manille pouvant accueillir des personnes (à 43 560 pieds carrés par acre) pourraient contenir environ 1,6 millions de personnes en foule compacte, sans séparations ou couloirs de sécurité de quelque sorte. Si nous estimons généreusement un autre million dans les rues voisines et le long du boulevard de Bayside, on arrive à 2,6 millions au plus. Qui aurait pu être la taille de la foule pour la messe de clôture des JMJ à Manille par Jean-Paul II en 1995 - estimée alors à 4 millions.

Toutefois, les responsables de l'Eglise à Manille avaient prédit 6 millions de personnes pour la messe de François. Prévision pobablement fondée sur rien d'autre que la pensée que, puisque ce pape est «beaucoup plus populaire que Jean-Paul II» ne l'a jamais été, son public devait être en conséquence plus grand que les 4 millions qui avaient été estimés pour Jean-Paul II en 1995. Et une fois l'estimation donnée, personne ne dira jamais que la présence réelle était moindre.

Dans tous les cas, même avec des nombres ajustés plus réalistes, il semble que les deux messes papales à Manille détiennent le record du monde pour le plus grand événement religieux à ce jour. Et sur la base des rapports de presse, que Wikipedia, pour une fois, utilise comme source pour son estimation de foule , François est le détenteur incontesté du record pour la messe la plus fréquentée jamais célébrée par un pape.

La messe à Manille

Sur la photo les étendues de vert au-delà de la zone de la messe sont les pelouses entourant l'ancienne Cité fortifiée coloniale du 16ème siècle de Manille - et à moins que les parterres n'aient été gorgés d'eau par la pluie - l'espace est un endroit plus logique pour une foule débordante que les rues secondaires qui ne donnent aucune vue sur le parc, ou le boulevard proche du parc qui longela baie de Manille, que j'ai quand même pris en compte dans l'estimation.


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