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L'équation gagnante de Benoît XVI

Un article du Père Pascal Ide, dans la revue Feu et Lumière de juin 2005. Retrouvé au terme d'une série de coïncidences

Le monde est petit

Je trouve aujourd'hui sur le site de Teresa sa traduction d'un article qui était paru en avril 2005 dans la revue Feu et Lumière. J'étais prête à le re-traduire en français. J'avoue que je l'avais oublié, et que je n'aurais pas retrouvé le texte original sans Google (donc, merci Google, malgré tout le mal qu'il nous arrive d'en dire). Je l'avais archivé à l'époque, et posté parmi les premières pages de mon site, en 2006.
Teresa identifie l'auteur comme "un prêtre français", sans autre précision, mais le monde est petit!
Le prêtre en question est le père Pascal Ide, auteur d'un livre magnifique "Le Christ donne tout", dont j'ai parlé ici: benoit-et-moi.fr/2008-I.
Et le même père Ide a préfacé le livre "La pensée de Benoît XVI" du théologien dominicain anglais Aidan Nichols... Nous en avons parlé tout récemment, car le traducteur de cet ouvrage n'est autre que l'abbé Iborra, qui est désormais un invité récurrent de ces pages (cf. Un familier de Benoît XVI)

Voici donc ce qu'écrivait le père Pascal Ide en juin 2005:

L'équation gagnante de Benoît XVI

Beaucoup de choses ont été dites sur Benoît XVI à la suite de son élection. Il nous semblait important de permettre à nos lecteurs de porter un autre jugement sur cet événement. Le père Ide, qui vit à Rome, nous livre la façon dont il a vécu ces dernières semaines et l'immense espérance qui habite son coeur.
(Feu et Lumière)

Je pense que je me souviendrai toute ma vie du moment de l'élection de Benoît XVI. Je me trouve à mon bureau qui donne sur la place Saint-Pierre. Il est 17h50. Je dois passer un coup de téléphone pour l'étranger; la standardiste me répond.

« Nous avons un nouveau pape ! - Non ! -Si ! » Alors, mon coup de téléphone peut attendre !

Je regarde par la fenêtre : la police dégage le sagrado, lieu où se déroulent les célébrations, devant la Basilique. La foule déjà s'amasse. Soudain, je vois le bourdon de Saint-Pierre se balancer, faisant voler en éclats tous mes doutes : après quatre scrutins et le temps très bref de vingt-quatre heures, un nouveau pape a été élu. La place Saint-Pierre se remplit alors à une vitesse inouïe : hommes d'affaire, enfants, familles, tous les Romains arrivent en courant.

18h 40. La fenêtre de l'Aula des bénédictions s'ouvre à peine qu'un intense cri de joie parcourt toute l'assemblée.
La suite, vous l'avez vue. Nous découvrons d'abord qui est le pape : « Josephum Ratzinger » ; puis le nom qu'il s'est choisi « Benedictus XVI ».

Opinions diverses
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Pourtant, étrangement, je me sentais divisé. D'un côté, je me disais : « Quel bien constitue ce nouveau pape ! » De l'autre, je n'arrivais pas à me réjouir. Pour moi, le cardinal Ratzinger était et ne pouvait être que le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, choisi par Jean-Paul II pour l'aider à veiller sur le dépôt de la foi, avec une ouverture doctrinale incomparable.
De plus, je gardais en mémoire certaines opinions sur les trois ans qu'il avait passés comme archevêque de Munich : il semblait plus être docteur que pasteur. Enfin, j'imaginais déjà se lever nombre de réactions négatives et je m'en attristais d'avance.
Malheureusement, je ne me trompais pas. Le soir même commençaient à fuser les jugements, les caricatures, les critiques injustes. Depuis, nous avons tout entendu, même l'inimaginable et l'insupportable.
Ces critiques appellent toutefois un discernement, car elles recouvrent des attitudes intérieures différentes.
À un extrême, nous trouvons la haine destructrice, mensongère. Elle ose affirmer que Benoît XVI eut des collusions avec le nazisme. Faire un tel rapprochement relève de la calomnie la plus totalement inadmissible. L'admirable autobiographie du Cardinal Ratzinger, traduite en français, montre par exemple combien, sous les huées de ses camarades, il refuse, à l'âge de dix-sept ans, d'entrer dans les milices SS en affirmant qu'il veut devenir prêtre catholique.
Plus modérée, la colère est souvent alimentée par des arguments usés jusqu'à la corde : « Ce Pape est un conservateur ».
Derrière ces ires mal informées, sectaires, se dit souvent une crainte. Je songe à une personne me disant : « J'aime l'Église ; j'aimais Jean-Paul II. Je n'ai pas du tout de rejet a priori de Benoît XVI que je ne connais pas ; au contraire, quand j'ai vu son visage à la télévision, il m'a plu, d'emblée. Pourtant, depuis, tout ce que j'entends sur lui me fait craindre que nous perdions la belle ouverture qu'avait apportée son prédécesseur. »
Nous avons alors parlé de la personnalité du nouveau pape et j'ai vu la confiance progressivement remplacer la crainte. Enfin, il y a la tristesse. Il nous faudra un peu de temps pour faire le deuil de Jean-Paul II et accueillir pleinement son successeur, avec son originalité, sans comparer : aucun Vicaire du Christ n'est le Christ et si Benoît XVI n'a pas toutes les qualités de Jean-Paul II, l'inverse est aussi vrai.

Personnalité remarquable
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Quelques anecdotes révèlent souvent plus un homme que de longs discours. Des pèlerins américains, place Saint-Pierre, avisent un prêtre et lui demandent de les prendre en photo. Celui-ci accepte de bon coeur. Puis ils lui demandent de poser avec eux sur la photo. Quelle a dû être leur surprise de se rendre compte que c'est aujourd'hui le pape !
Remarque émerveillée d'un homme très simple, sachant à peine écrire, après la messe d'intronisation : « J'ai tout compris de son homélie. Pourtant, elle a duré trente-cinq minutes ! »
Un des théologiens de la prestigieuse Commission Théologique Internationale que le cardinal Ratzinger présidait, notait : « Il nous arrivait de nous perdre dans des débats de plus en plus - complexes. Après avoir écouté, le Cardinal intervenait, offrait son point de vue qui, presque toujours, réconciliait les points de vue opposés et les éclairait par en haut. »
Enfin, une personne me disait : « À l'enterrement du Cardinal Ratzinger, certains grands de ce monde seront embarrassés, quand ils se rendront compte qu'ils sont entourés de clochards, ceux que le Cardinal salue tous les jours dans son immeuble de la Città Leonina, avec qui ils parlent et à qui il donne volontiers de l'argent ».

Comment mieux dire la simplicité, le souci des plus pauvres, l'ouverture, l'intelligence exceptionnelle ?
Ce sont ces qualités que les fidèles découvrent en ces premiers jours de pontificat. Elles étaient déjà présentes chez le Cardinal.
On s'inquiète de son intransigeance. Ne la confondons pas avec le sens de la vérité ! Aujourd'hui, parler d'amour, de solidarité, de compassion fait l'unanimité. Et on oppose cet amour tolérant à la vérité prétendue excluante. Mais le plus grand bien dont l'âme a besoin n'est-il pas celui de la vérité ? Benoît XVI qui, dans son homélie du dimanche 24 avril, a longuement rappelé le sens du pallium, ne séparera pas amour et vérité.

On s'inquiète de son conservatisme. Mais le Christ n'a-t-il pas affirmé que pas un iota de la Loi ne passerait (Mt 5,18) ? Pourtant, qui oserait dire qu'il est conservateur ?
On s'inquiète de ses fermetures en matière d'oecuménisme ou de dialogue interreligieux. C'est oublier que Benoît XVI a côtoyé de près la théologie protestante à la Faculté de Tübingen, a envoyé son premier télégramme à la communauté juive de Rome, qu'il parle couramment le grec moderne et est ami du patriarche allemand de Moscou, que les différentes célébrations, depuis le décès de Jean-Paul II jusqu'à la messe d'inauguration du pontificat, ont fait largement respirer les deux poumons, oriental et occidental, de l'Église.

Immense espérance
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Je crois que l'espérance ne pourra vaincre la crainte que si nous adoptons un regard résolument théologal sur l'élection de l'évêque de Rome. D'abord, celle-ci requiert les deux tiers des suffrages.
De plus, chaque cardinal, avant de mettre son bulletin dans l'urne, prononce à haute voix le serment suivant : « Je prends à témoin le Christ Seigneur qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu ».
Benoît XVI a été choisi par une grande majorité de ses frères cardinaux du monde entier. Le fait est rendu encore plus évident et plus signifiant par la brièveté de l'élection.

Ensuite, une parole prononcée lors de l'homélie du 24 avril me donne une joyeuse espérance dans le nouveau pape : « Je n'ai pas besoin de présenter un programme de gouvernement... Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l'Église, de me mettre à l'écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l'Église en cette heure de notre histoire ».

Un homme humainement aussi doué qui remet ses talents entre les mains de Dieu, c'est l'équation gagnante ! Depuis plus de vingt ans, les épreuves, les calomnies en tous genres l'on creusé, et lui ont appris à pardonner sans condition. Homme doux et humble, son cceur s'est "christifié" à sa précédente fonction, le préparant à son insu à la nouvelle et écrasante mission de Vicaire du Christ.

Enfin, nombre de fioretti attestent la stupéfiante et imprévisible fécondité du départ de Jean-Paul II. Comment ne pas imaginer que celui-ci a prié et prie tout particulièrement pour son successeur ?
Tout de suite, Benoît XVI a dit sentir que son prédécesseur le tient fermement par la main. Dès le lendemain de l'élection de Benoît XVI, mon coeur était plus léger ; maintenant il est dans l'action de grâces et une profonde confiance. Le passé prouve que tous nos pronostics ont été déjoués : qui aurait pensé que Jean XXIII, dont on disait qu'il était un pape de transition, aurait l'audace d'annoncer un second Concile du Vatican ? L'histoire de ces deux derniers siècles montre aussi que l'Église a eu l'immense grâce d'avoir eu des papes d'une sainteté de vie incontestable.

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