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Comment une Eglise meurt

A propos de l'Eglise en Belgique et de la succession de Mgr Léonard (mais pas seulement), relire un article du Père Scalese, datant de juin 2010

>>> Voir aussi:
¤ Démission de Mgr Léonard
¤ Mgr Léonard s'en va. Qui, pour lui succèder?

Le 24 juin 2010, la police perquisitionnait le siège de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles et le domicile du cardinal Godfried Danneels dans le cadre d'une enquête concernant des abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres.
J'avais consacré à cet épisode un dossier que l'on pourra relire ici: benoit-et-moi.fr/2010-II

Apparemment, «l'Eglise belge à la dérive», évoquée alors, n'a pas compris la leçon, et n'a pas tourné la page. Pire, elle persiste dans l'erreur.
Il faudra donc observer avec attention qui succèdera à Mgr Léonard.
Je me risque à un pari (mais sans conviction...): si le Pape est aussi habile qu'on le dit, il prendra son temps (comme il l'a fait pour la Congrégation au Culte divin, où certains attendaient Mgr Piero Marini, et où il a finalement nommé le cardinal Sarah), et au final, il ne nommera pas Mgr Bonny. Cela lui assurera au moins une popularité provisoire parmi la base "conservatrice" (toujours légitimiste et prompte à rentrer dans le rang), dont il a besoin, pour mener à bien ses réformes dans un semblant de consensus.
Ou alors...

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Comme très souvent, la réaction du Père Scalese, au moment des évènements de juin 2010, n'a pas pris une ride. Et même, avec le recul, elle prend un caractère prophétique, et pas seulement pour ce qui venait de se passer en Belgique. A relire et à conserver.

Comment une Église meurt

Samedi 26 Juin 2010
querculanus.blogspot.fr/2010/06/come-muore-una-chiesa
Ma traduction d'alors
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On pourrait faire de l'ironie facile sur ce qui s'est passé les jours derniers à Bruxelles. Il suffirait de citer quelques proverbes. A l'Etat belge, on pourrait retourner: "Le boeuf accuse l'âne de porter des cornes" (ndt: en français, c'est à peu près l'équivalent de "c'est l'hopital qui se moque de la charité"). Aux évêques belges, on pourrait rappeler que "celui qui se fait brebis, le loup le mange." Et la Secrétairerie d'Etat pourrait être accusé d'avoir fermé la porte de l'écurie après que les boeufs se soient échappés. Mais la réalité est si grave qu'elle n'autorise pas un sourire insouciant. Elle devrait plutôt stimuler quelques réflexions .

1. Voilà à quoi se réduit une Eglise qui avait fait de l'ouverture et de l'aggiornamento sa bannière. Ils semblaient les premiers de classe. Rome semblait toujours à la traîne, liée au passé, incapable de saisir la nouveauté et de marcher au pas avec le temps. Eux, au contraire, inspirateurs et artisans du renouveau conciliaire, avaient tout compris; ils étaient en train de façonner une nouvelle Église enfin adaptée à l'homme contemporain. Nous avons vu les résultats: une Eglise moribonde, qui refuse de reconnaître son échec, et préfère mourir plutôt que de reconnaître humblement ses erreurs. L'image de la conférence des évêques "séquestrée" pendant une journée entière et qui ne sait rien dire de mieux que "ce n'était pas une expérience agréable, mais tout s'est passé correctement", décrit bien l'agonie d'une église qui se meurt et accepte, résignée, sa propre fin .

2. Voilà l'Europe où nous vivons . Nous pensions que nous vivions dans des pays démocratiques, où on peut exprimer librement sa foi et où l'Église jouit d'une autonomie complète. Nous sommes en fait dans un système totalitaire, où la liberté d'action de l'Eglise diminue progressivement. Le pouvoir (qui, malgré les apparences, n'est pas un pouvoir démocratique) ne peut pas tolérer qu'il existe des réalités qui échappent à son contrôle. L'Eglise peut exister, bien sûr, mais comme simple association de citoyens; comme un club de tennis, en quelque sorte. L'Eglise doit se limiter à l'organisation de certaines activités de culte; pour le reste , il n'existe que l'Etat, porteur d'un pouvoir absolu auquel personne ne peut se soustraire. Voilà l'avenir qui attend l'Église en Europe. Inutile de faire semblant.

3. Quand on en arrive à ce point, c'est certainement le résultat d'une conspiration qui a ses racines loin dans le temps, mais c'est aussi la faute de l'Eglise, qui a prêté le flanc à une telle attaque. Tout d'abord, en niant qu'il y avait un complot bien planifié contre elle. Deuxièmement, en contribuant activement à sa propre démolition.
Depuis des décennies, on continue de répéter que l'Église doit se débarrasser du pouvoir, doit renoncer à ses privilèges, doit devenir pauvre, etc. De toute évidence, les partisans de ces théories passionnantes n'ont pas étudié l'histoire, et ne savent pas que si l'Eglise, au fil des siècles, a acquis un certain «pouvoir temporel», elle ne l'a fait que pour se garantir ce minimum de liberté nécessaire pour accomplir sa mission. Ils n'ont pas compris que le monde a toujours tout fait pour empêcher l'Eglise de se mouvoir librement. Eh oui, mais les bonnes âmes n'ont jamais pensé que certains pouvaient en avoir après l'Eglise, après tout le bien qu'elle fait ... Regardez ce qui se passe ces jours-ci en Allemagne: la Cour suprême a déclaré l'euthanasie légale dans le cas où il y a la volonté du patient. Pensez-vous que les évêques allemands pourront dire quelque chose après ce qui s'est passé ces derniers mois? (ndt: les affaires de pédophilie) Et s'il y avait une guerre avec l'Iran, pensez-vous que le Pape pourrait seulement souffler? Le message véhiculé par la campagne contre la pédophilie dans l'Eglise a été très clair.

4. Beaucoup sont convaincus que, tout compte fait, ce remue-ménage ne peut que faire du bien à l'Église, la contraignant à la purification. Que tout rentre dans un dessein divin mystérieux et que tout concourra au bien de ceux qui aiment Dieu ( Romains 8:28); ce n'est certes pas moi qui vais le nier. Que l'Église ait toujours besoin de purification , on ne peut en aucune manière le remettre en question. Mais, comme je l'ai déjà dit, il serait illusoire de penser qu'on puisse atteindre en ce monde un Église entièrement pure: le péché dans l'Eglise a toujours été et sera toujours. Nous savons à quoi a conduit la fureur des Jacobins contre la corruption: à la guillotine (qui a d'ailleurs été incapable d'éliminer la corruption elle-même). L'Église , dans sa sagesse séculaire , a toujours préféré suivre un autre chemin: elle a préfèré «gérer» certaines situations en interne, jalouse de son autonomie, parce qu'elle savait à quoi ménerait la renonciation à certains «privilèges». Mieux vaut courir le risque d'avoir en son sein quelques éléments indignes que de devenir l'otage d'un pouvoir sans scrupules et d'être ainsi empêché de proclamer l'Évangile et de servir l'humanité.

J'inviterais les partisans passionnés d'une politique irresponsable de «transparence» et de «tolérance zéro» à prendre garde à ce qui est arrivé à Bruxelles, pour voir à quoi mène inévitablement ce genre de politique.
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