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Laudato si' : considérations générales

Une réflexion personnelle, et une autre de Carlota

>>> Ci-contre: illustration sur le site du Saint-Siège.

C'est par une fissure, et non par un trou béant, que les fumées de Satan sont entrées dans l'Eglise.


D’abord, une question : en tant que catholiques, doit-on lire, comme certains nous y enjoignent sévèrement, l’encyclique en entier ?
La question est ouverte.
Durant des siècles, le catholique lambda ignorait jusqu’à l’existence d’encycliques, ce qui ne l’empêchait pas de mieux connaître les vérités de la foi que les catholiques adultes d’aujourd’hui.
C’est une affaire de goût. Personnellement, j’ai lu les trois encycliques de Benoît XVI (plus Lumen Fidei), pas par devoir de catholique, mais par motivation : curieusement, d’ailleurs, personne ne nous y encourageait.
Depuis lors, et par souci d’information, j’ai lu très attentivement Humanae Vitae, que je ne connaissais que par ouï-dire, comme la plupart des gens qui en parlaient..

Aujourd’hui, en revanche, la motivation est absente.
Une des raisons, c’est que ne trouve pas que Laudato si’ s’adresse spécialement à moi : c’est sans doute pécher par orgueil, mais comme beaucoup de gens, j’essaie à mon petit niveau, le plus souvent sans y penser, de ne pas trop malmener la « planète », vis confortablement mais dans une relative sobriété, voyage peu, consomme modérément, et ne tire (à ma connaissance) pas de profits directs du libéralisme économique débridé et de la finance-casino. Bref, je ne ressens pas spécialement de culpabilité pour « la planète en danger », refusant le concept de culpabilité collective, ou de responsabilité collective; au contraire je ne nie pas les bienfaits du progrès, et je n’ai pas spécialement envie de me les voir rogner, à cause des excès de certains - parmi lesquels probablement les donneurs de leçons d'aujourd'hui.

Ceci étant posé, rien n’empêche de commenter l'esprit de cette fameuse encyclique, et les réactions et analyses qu'elle suscite.

Beaucoup de sites normalistes se sont lancés dans une course effrénée pour montrer que Laudato Si’ s'inscrit dans la parfaite continuité du Magistère bimillénaire de l'Eglise, et en particulier des deux prédécesseurs immédiats de François, Jean Paul II et Benoît XVI. Dénonçant au passage, une fois de plus, la partialité des media qui, en faisant une lecture sélective, tromperaient les gens. Et exhibant laborieusement, paragraphe par paragraphe, les nombreux passages qui seraient « parfaitement conformes à la Tradition », notamment des citations de ces deux papes.
Inutile d’énumérer les sites qui se sont livrés à cette « lecture »: sur internet, en particulier dans la « cathosphère » francophone, on ne voit qu'eux.

Il y a là, de leur part, au choix, beaucoup de naïveté - ou beaucoup de cynisme.

D'abord, il n'est pas difficile de dresser une contre-liste, avec tous les points constituant un changement de perspective, une modification des priorités, et donc une remise en cause, ou au moins une relativisation de cette Tradition: Antonio Socci l'a fait (cf. L'Encyclique qu'a lue Antonio Socci), quoique de façon non systématique ; on aura beau jeu de l'accuser de partialité ou de mauvais foi, mais tout ce qu'il cite est vérifiable dans le texte (à comparer ce qu’il écrit avec les commentaires cités plus haut, on a l’impression qu’il s’agit de deux textes différents, et même parfaitement étangers !).
Et Sandro Magister a dressé sa propre liste, qui "fusionne" les deux: on croit y déceler une pointe d'ironie, perceptible dans les sous-titres, malgré son caractère apparemment factuel (cf. chiesa.espresso.repubblica.it).

Ensuite, on pourrait chercher ce dont l’Encyclique ne parle pas, ou dont elle parle trop peu, ou sans nommer les choses, ou en les "neutralisant" - voir à ce sujet les attentes de Monique, formulées deux semaines avant sa sortie (cf. Chronique d’une encyclique annoncée, 5 juin) - notamment tout ce qui concerne l’écologie humaine.

Surtout, il est évident que s'agissant d'un texte aussi solennel, revêtu de toute l'autorité magistérielle, dans un environnement aussi "balisé" que l'Eglise-institution, et à la rédaction duquel ont travaillé de nombreuses personnes, y compris des éléments de la Curie qui peuvent être critiques envers le cours actuel, il ne peut y avoir de rupture totale, sauf à perdre toute crédibilité, et à "forcer" un schisme immédiat.
On peut donc (mais on n’y est pas obligés) admettre tranquillement que l'Encyclique a par endroits de très beaux accents. Mettons même qu'il y aurait 80% de très bon (je dis ce chiffre pour donner un exemple) et 15% de discutable dans une perspective authentiquement catholique. Resterait 5% d'effectivement problématique, où le Pape, en plus de donner imprudemment des gages aux pires ennemis de l'Eglise, déplace délibérément le centre de gravité de la doctrine sociale de l'Eglise, du salut des âmes (et de la vie éternelle) vers le bien-être matériel, ou son absence (et vers la vie terrestre), allant ainsi à la rencontre du monde alors que la démondanisation était le slogan de tout le début de son Pontificat.


LES FUMÉES DE SATAN
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Même s'il n'y avait que 1% de problématique, ce serait encore trop: n'oublions pas que, selon les mots de Paul VI lui-même, c'est par une fissure (et non par un trou béant), que les fumées de Satan sont entrées dans l'Eglise.

Le Pape pouvait-il ignorer que ce que retiendraient les médias (qui ne s'y sont pas trompés, et ont sauté sur l'occasion) c'est LE paragraphe où il reconnaît comme certitude scientifique (peu importe qu'il l'ait mise en doute à un autre endroit, issu peut-être d'une autre plume) à la double hypothèse du réchauffement de la planète et de ses causes humaines: celui que j'ai traduit (cf. L'encyclique Laudato si' a "fuité"), sur la version pirate, et qui s'est trouvé confirmé mot pour mot par la version officielle.

A d'autres moments, on a l'impression qu'après avoir affirmé des vérités qu'aucun catholique ne songerait à contester, par un tout petit glissement, le texte les neutralise subrepticement par un ajout inattendu.
Un exemple frappant est le §50 que j'avais également noté dans la première lecture que j'avais faite dans la version pirate (cf. Une lecture sélective).
Après avoir dénoncé à juste titre ceux qui "au lieu de résoudre les problèmes des pauvres et de penser à un monde différent (..) se limitent à proposer une réduction du taux de natalité" et constaté l'existence "de pressions internationales sur les pays en voie de développement, qui conditionnent l'aide économique à des politiques déterminées de 'santé reproductive'", (le tout est doctrinalement et moralement impeccable), l'encyclique, loin de rappeler que les enfants sont une richesse et une bénédiction de Dieu, et un facteur de développement, transfère une fois de plus toute la faute sur la richesse excessive de certains - toujours les mêmes ("Accuser l'augmentation démographique et non le consumérisme extrême et sélectif de certains, est un moyen d'éviter de faire face aux problèmes"), mettant l'accent sur le gaspillage effréné, qui pourtant n'explique pas tout: "nous savons que l'on gaspille à peu près un tiers des aliments qui sont produits, et «la nourriture que l'on jette, c'est comme si on la volait à la table des pauvres»".
Mais surtout, le paragraphe se conclut par une concession évidente aux ghost-writers de l'Encyclique comme Jeff Sachs ou l'allemand de la dernière heure dont le nom m'échappe à l'instant où j'écris.

« Quoi qu'il en soit, il est certain que nous devons prêter attention au déséquilibre dans la distribution de la population sur le territoire, tant au niveau national qu'à celui mondial, car l'augmentation de la consommation conduirait à des situations régionales complexes, par les combinaisons des problèmes liés à la pollution de l'environnement, aux transports, à l'élimination des déchets, à la perte des ressources, à la qualité de vie».

A mon avis, cette phrase sibylline, par ses implications, est l'exemple-type d'une "neutralisation", et d'une fissure : comment prête-t-on attention au « déséquilibre dans la distribution de la population sur le territoire, tant au niveau national qu'à celui mondial »… sinon par des mesures coercitives en contradiction avec l’Evangile, parmi lesquelles évidemment le contrôle des naissances ?.

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Pour terminer sur des réserves, mais d'une autre nature, et concernant moins le contenu que la réception de l’Encyclique (mais les deux sont liés), je laisse la parole à Carlota.
Elle éclaire comment les mêmes (ou leurs « grands » ancêtres) qui se sont acharnés à détruire un ordre millénaire et à créer toutes les conditions de la catastrophe écologique présumée qu’ils annoncent aujourd’hui bruyamment, et à laquelle le pape en personne vient d’apporter la caution de l’Eglise en « sacralisant » des concepts qui ne sont pas de sa compétence, déplorent les effets sans remonter aux causes.

(Carlota, 20 juin)
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À lire les commentaires dithyrambiques qui pleuvent sur l’encyclique verte du Pape François, l’encyclique franciscaine, etc. j’avoue me sentir mal à l’aise. Ai-je lu le même document, suis-je devenue si mauvais esprit que je n’arrive même plus à voir ce que renferme ce texte qui en enthousiasme tant. Et si je ne m’enthousiasme pas, ne devrais-je pas rester silencieuse et laisser les autres à la joie de leur encyclique verte enfin venue, au pape vert (les autres évidemment ne l’étaient pas) ayant enfin parlé ? Ce n’est pas non plus une solution à mon questionnement.

Je trouve l’encyclique « Laudato sii » décevante, car enfin tout avait déjà été dit et très bien dans la Genèse qui explique que nous devons croître et nous multiplier et que nous avons reçu la Terre en héritage, pour évidemment la transmettre aussi belle voire plus belle encore à nos descendants pour qu’ils puissent à leur tour croître et se multiplier. Cette mission de transmission, c’est celle du bon père de famille (terme qui était encore utilisé dans le Droit Français, jusqu’à récemment) qui doit faire à son niveau, ce que Dieu créateur a dit de faire à l’Humanité entière. Il ne me paraît donc pas vraiment nécessaire de « s’éparpiller » sur le sujet au risque de le faire moins bien, de dire des banalités du niveau du café du commerce et en tout cas de s’avancer sans suffisamment de prudence ou au risque d’être encore mal compris, sur un pseudo chemin scientifique ou économique. J’aurais aimé que soit réaffirmé simplement l’essentiel en élevant le débat au dessus de ceux qui tiennent le haut du pavé en matière d’écologie et qui ont la faveur des médias pour les sujets à la mode : il suffit de voir comment cette encyclique a été accueillie par les grands de ce monde, d’Obama à Hollande, en passant pas les responsables onusiens et les ONG habituelles qui ne sont pas des plus nettes par rapport aux ordres divins retranscrits dans la Genèse (*).

Et si donc la terre est si mal malmenée aujourd’hui, soi disant par les pays riches et l’Occident responsable de tous les maux, c’est d’abord parce que et la famille est considérée comme l’ennemi à abattre , de même que sa liberté de transmettre un héritage lui a été enlevée de différentes façons et depuis bien des décennies déjà : alors que d’autres pays ou peuples ne l’avait peut-être jamais connue sous cette forme, l’Occident concevait et appliquait depuis très longtemps cette liberté de transmettre, sans doute d’une manière imparfaite mais néanmoins réelle pour le plus grand nombre.
Apprend-on encore ce que disait le grand La Fontaine au milieu du XVIIème siècle : « Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, fit venir ses enfants, leur parla sans témoins… » ?
Et ceux d’entre nous qui ont eu la chance d’avoir une mémoire historique familiale savent parfaitement comment les familles de laboureurs ont été dévastées par la Révolution Française, des laboureurs qui n’avaient pas de particule à leur nom pourtant, des laboureurs qui ont tout perdu, et qui voyaient les nouveaux riches des villes, bien pires pour eux, que les hobereaux paysans, prendre le pouvoir et considérer comme des arrièrés, un peuple méprisable de cul terreux, ceux qui avaient pourtant tout compris. Évidemment les descendants de ces laboureurs qui avaient hérité des qualités de leurs ancêtres obligés de quitter leur terre, ont mis à profit leur force de travail et leur intelligence en s’insérant au mieux dans la société bourgeoise et industrielle du XIXème et début du XXème, mais le système pervers qui avait commencé à chambouler les règles avec les laboureurs, a poursuivi son oeuvre destructrice et les travailleurs au sens large y compris le bon maître d’école et le bon professeur, l’artisan voire l’artiste, ne peuvent désormais plus transmettre y compris leurs savoirs dans de bonnes conditions…Et nous nous retrouvons de nouveau dans une situation catastrophique que les médias et les grands « gourous » de l’écologie ne veulent pas comprendre pour mieux garder leurs privilèges ou imposer des sacrifices aux autres mais pas à eux. Les intellos révolutionnaires du Siècle des Lumières, prétendaient déjà faire le bonheur des autres, malgré eux, voire sans eux, des autres qui avaient les pieds sur terre et dans la terre…

Alors « Laudato sii », beaucoup de bruit pour rien, du médiatique et rien de transcendant ? Peut-être…Je veux bien admettre que cette encyclique n’a pas été faite pour être reçue par tous de la même façon. Certains y verront un simple rappel avec le sceau spécifique du Pape François, il faut bien qu’il marque son passage, c’est humain. D’autres en parleront comme d’un magnifique ( ?) appel à l’essentiel (ils n’y avaient pas pensé avant !) et l’encyclique verte est peut-être plus particulièrement faite pour ceux-là. D’autres encore, catholiques (non adultes, bien sûr), continueront à se poser des questions sur cette espèce de religion universelle écolo-humanitaire à la petite semaine pour le « peuple » et dont sont actuellement curieusement friands les grands de ce monde qui pourtant se réservent des réunions restreintes de haut niveau pour eux seuls et qu’ils veulent s’imposer dans une vision très Felsenburghienne (cf Le Maître de la Terre » du P. Robert Hugh Benson) à ceux qui ne doivent surtout pas être dignes de donner leur avis.

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(*) Voir à ce sujet l'éclairante "photographie" capturée par Yves Daoudal: yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2015/06/19/les-applaudissements-du-monde

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