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Le cardinal et le «tassinaro»

... ou le réchauffement climatique pour les nuls: De la conférence d'ouverture de l'Assemblée générale de Caritas Internationalis, Riccardo Cascioli a retenu les propos du cardinal Maradiaga

>>> Il Tassinaro: le titre de l'article est une allusion à un film de et avec Alberto Sordi (1983), narrant les mésaventures tragi-comiques d'un chauffeur de taxi qui tente d'entrer en contact avec les personnes qu'il transporte.

>>> L'Assemblée Générale de Caritas Internalionalis est relatée ici: Le retour de la théologie de la Libération

Le cardinal et le «tassinaro»

Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it/it/articoli-il-cardinalee-il-tassinaro
13 mai 2015
Ma traduction
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«Bonjour, Place Saint-Pierre, s'il vous plaît».
«Tout de suite, Eminé ...», répond le chauffeur de taxi au cardinal qui vient de monter dans la voiture. Quelques secondes passent et le chauffeur de taxi commence à parler: «Mmazza, il fait chaud aujourd'hui, hein?». «Très chaud, en effet» répond poliment, mais distraitement le cardinal, qui est en train de répéter les points les plus importants qu'il développera à la conférence de presse qu'il présidera une heure plus tard. «Regardez-moi ça - insiste le chauffeur en désignant le tableau de bord - il y a 29°. En mai, ça ne s'est jamais vu». «Eh oui» dit le cardinal, mais en entendant ces mots il sursaute: son visage s'éclaire d'un sourire, comme s'il avait soudainement vu s'ouvrir tout grand une fenêtre sur la vérité. Et c'est le cas, puisque d'ici peu, il annoncera à la presse les mots du «tassinaro», comme la preuve du réchauffement climatique.

Une trouvaille de film comique de série B, direz-vous. Peut-être bien... Mais en fait non, c'est vraiment arrivé hier à la conférence de presse de présentation de l'Assemblée de Caritas Internationalis, et le protagoniste était le cardinal hondurien Oscar Rodriguez Maradiaga qui - voulant ridiculiser les scientifiques qui remettent en question la théorie du réchauffement climatique - a enfilé une perle après l'autre, y compris, bien sûr, la preuve du «tassinaro».

Cela ne vaudrait même pas la peine d'en parler - étendant un voile charitable sur les affirmations de Maradiaga - sauf que les déclarations faites par le président sortant de Caritas Internationalis et coordinateur du groupe de cardinaux nommés par le pape pour l'aider à la réforme de la Curie, sont exemplaires: non seulement ils sont le symbole d'une certaine arrogance mélangée à l'ignorance qui semble avoir saisi quelques personnages qui se retranchent derrière l'amitié avec le Pape François pour donner du crédit à leurs propres idées - voir aussi l'interview de Mgr Victor Manuel Fernandez au Corriere della Sera - mais portent à des conséquences qui contredisent dans les faits cet amour pour les pauvres dont ils ont la bouche pleine (ndt: j'ai personnellement du mal à croire que le Pape ignore leurs propos... et même qu'il ne les encourage pas).

Mais procédons dans l'ordre, et lisons les répliques du cardinal Maradiaga telles que rapportées impitoyablement par Vatican Insider (cf. Le retour de la théologie de la Libération ) :

«Le Cardinal Rodriguez Maradiaga a également mentionné dans son discours, un récent voyage qu'il a fait aux Etats-Unis»: "J'ai déjà entendu des critiques contre l'encyclique du Pape, qui n'a pas encore été publiée. Il y a une idéologie sur l'environnement liée à la vision capitaliste, qui ne veut pas renoncer à polluer pour ne pas renoncer aux gains: ce sont des critiques qui n'ont aucun sens! Mais comment peuvent-ils critiquer un texte qu'ils ne connaissent pas? Je crois que l'approche - a poursuivi le cardinal du Honduras - sera essentiellement éthique. Il y a beaucoup de discussion, si le réchauffement est scientifique ou pas scientifique, mais il suffit de parler avec le chauffeur de taxi qui m'a conduit ici, la température aujourd'hui à Rome n'est pas celle d'un printemps, ou il suffit de penser qu'aux Philippines, cette année, il y eu 21 typhons, en Californie ils rationnent l'eau, pour comprendre que la question doit être prise au sérieux».

Donc, le cardinal Maradiaga était aux États-Unis et il a été scandalisé par les critiques à l'encyclique pas encore publiée. En fait, c'est vrai qu'il y a un fort risque que personne ne lira vraiment cette encyclique quand elle sortira, mais si cela arrive, c'est parce que depuis des mois Maradiaga et consorts ne cessent d'en anticiper le contenu (présumé) laissant entendre que ce sera une espèce de manifeste de la WWF. Nous sommes certains que l'encyclique sera très différente (??), mais, malheureusement, elle a déjà été largement commentée dans un sens "écologiste", tant et si bien que le 29 Avril dernier, l'ancien vice-président américain Al Gore - aujourd'hui Secrétaire du Climate Reality Project - dans une conférence à l'Université de Californie, a déclaré qu'il pourrait «devenir catholique à cause de ce pape» justement en raison de ses positions écologiques (cf. www.youtube.com). Il est étrange que ces déclarations et la myriade d'articles écrits dans lesquels on donne pour acquis que le pape va condamner l'utilisation des combustibles fossiles, aient échappé au cardinal Maradiaga lors de son séjour aux Etats-Unis.

Le cardinal parle ensuite des capitalistes qui ne veulent pas renoncer à polluer par pure avidité pour l'argent - le sempiternel schéma populiste qui prétend tout expliquer. Mais quelqu'un devrait expliquer à Maradiaga (ndt: et au Pape!) que la théorie du réchauffement climatique impute la responsabilité du "chaud" aux émissions de dioxyde de carbone, qui n'est pas un polluant, mais au contraire la pierre de fondement de la vie. A tel point que, dans les pays industrialisés la pollution diminue à mesure que la concentration en dioxyde de carbone augmente. Il faudrait plutôt rappeler à ce propos que c'est grâce à la logique du marché et à la richesse produite qu'on a pu abaisser les niveaux de pollution. Non pas que nous ne devrions pas faire plus et mieux, mais globalement le vrai problème est la pollution dans les pays pauvres et dans les pays émergents.

Quant à la température de Rome révélé par le «tassinaro», en dehors du fait qu'en mai 2007, le thermomètre a atteint 34°C et que le même mois de l'année 1997 il a dépassé 33°C (cf. it.wikipedia.org/wiki/Stazione_meteorologica_di_Roma_Urbe) , il serait temps de comprendre une question fondamentale: personne ne remet en question qu'au cours des 130 dernières années il y a eu une augmentation de la température, bien que non linéaire (entre 1945 et 1975, il y a eu un refroidissement et dans les 18 dernières années, il n'y a pas eu l'augmentation attendue); ce qui en revanche est contesté, c'est l'affirmation qu'il s'agit d'une augmentation sans précédent et entièrement dûe à l'activité humaine.

En ce qui concerne les typhons aux Philippines il convient de rappeler que c'est le pays du monde le plus sujet à ce genre de phénomènes météorologiques. Chaque année, il y a en moyenne une vingtaine de typhons, ce sont les statistiques qui nous le disent, un chiffre qui additionne les typhons proprement dits (cyclones tropicaux, 8-9 par an avec un pic de 19 en 1993) et les tempêtes tropicales. Pour 2014, il s'avère qu'il y a eu moins de typhons et moins de dégâts que l'année précédente (cf. en.wikipedia.org/wiki/2014_Pacific_typhoon_season).

Ensuite, la sécheresse en Californie: personne ne la nie, mais évidemment le Cardinal Maradiaga ne sait pas que les fortes sécheresses se succèdent de manière cyclique aux Etats-Unis, et que la pire période a été entre 1930 et 1940, quand la terrible crise agricole qui en fut la conséquence eut un rôle important dans la Grande Dépression.

Certains pourraient dire que ça ne vaut pas la peine de préciser toutes ces choses au sujet du discours d'un cardinal, et je le comprends. Mais le problème est que toutes ces âneries dignes de conversation de bar passant pour des vérités scientifiques, produisent ensuite des indications éthiques et politiques aux conséquences gravissimes. Maradiaga et consorts font aujourd'hui la course pour montrer que l'Eglise soutient sans réserve les politiques climatique proposées par l'ONU et objet d'un différend long et non concluant en cours depuis 18 ans. Sans trop entrer dans le détail, le schéma des politiques qu'on voudrait approuver est le suivant: le réchauffement climatique affecte les (et nuit aux) pays pauvres, le réchauffement climatique est causé par les pays riches, ergo les pays riches indemnisent les pays pauvres.

Outre le fait que les deux premiers points sont erronés, le remède est pire que le mal. Parce que le simple transfert de financements et d'aide aux pays pauvres - qui est déjà réalisé sous des formes diverses - se traduirait en grande partie par le financement de gouvernements corrompus qui sont la principale cause des conditions de misère dans lesquelles vivent de nombreuses personnes. Autrement dit, il aggraverait le problème de la pauvreté, en encourageant notamment ceux qui promeuvent le contrôle des naissances.
Et, d'ailleurs, ce n'est pas par hasard que parmi les orateurs de l'Assemblée de la Caritas International, on trouve une fois de plus Jeffrey Sachs, économiste et conseiller du Secrétaire général Ban Ki-moon pour la lutte contre la pauvreté, grand partisan des théories néo-malthusienne selon lesquelles les pauvres ne devraient pas naître. Au moins cela, le cardinal Maradiaga le sait-il?

  Benoit et moi, tous droits réservés