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L'humilité enseignée par le cardinal Merry del Val

Roberto de Mattei consacre un article à la splendide figure du secrétaire d'Etat du Saint Pape Pie X. Traduction de Anna

Rappel

En mars 2010, à l’occasion du 80e anniversaire de la mort du cardinal Rafael Merry del Val, secrétaire d’état de saint Pie X de 1903 à 1914, "L'Osservatore Romano" en publiait un beau portrait.
Sandro Magister en proposait la traduction en français, et profitait de l'occasion pour passer en revue sans indulgence les "hommes du premier cercle" des derniers papes, autrement dit les Secrétaires d'Etat, et leur secrétaire particulier (cf. chiesa.espresso.repubblica.it), laissant entendre que Benoît XVI n'avait pas eu la chance de trouver un collaborateur à son niveau. Il est vrai que la barre était placée très haut...

Le secrétaire personnel du pape, l’Allemand Georg Gänswein, s’en tient strictement à son rôle, de même que le porte-parole du Saint-Siège, qui n’est plus l'exubérant Joaquín Navarro-Valls, mais un jésuite pondéré, Federico Lombardi.
Mais cette redistribution des rôles n’a pas entraîné un accroissement de l'efficacité de la machine curiale. La passation des consignes de Sodano à Bertone, en septembre 2006, a coïncidé avec le discours controversé du pape Joseph Ratzinger à Ratisbonne : ni l'un ni l'autre n’ont brillé dans la gestion des contrecoups politiques et religieux de cette affaire.
Plusieurs fois, au cours des années suivantes, Benoît XVI a été mal soutenu. Le cardinal Bertone, malgré son très grand dévouement au pape et sa bonne volonté, ne s’est pas toujours montré capable de piloter la curie au service de celui-ci.
...
Par comparaison, l’entente harmonieuse et efficace qui régnait il y a un siècle entre un pape comme Pie X et un secrétaire d’état comme Merry del Val semble avoir existé sur une autre planète.
La chose est rendue encore plus surprenante par les affinités entre le pape d’alors et celui d’aujourd’hui. L’un et l’autre sont peu ou pas politiques, mais très concentrés sur leur mission religieuse, en réponse à de vastes crises de la foi qui présentent elles aussi beaucoup de points communs.

L'humilité enseignée par le cardinal Merry del Val

Roberto de Mattei
www.corrispondenzaromana.it/lumilta-insegnata-dal-cardinal-merry-del-val/
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Second fils du marquis Rafael et le comtesse Josefina de Zulueta, Rafael Merry del Val naquit le 10 octobre 1865 à Londres, où son père était à l'époque en poste comme /en tant que Secrétaire de l'Ambassade espagnole. De par les différentes nationalités de ses ancêtres, dans ses veines coulait le sang de familles illustres d'Irlande, d'Espagne, de l'Angleterre, d'Écosse et de la Hollande: le sang de sa famille paternelle notamment avait été anobli par celui d'un glorieux ancêtre: saint Dominguito del Val, crucifié, alors qu'il n'avait pas sept ans, dans la cathédrale de Saragosse par des Juifs, en haine de la foi du Christ le Vendredi Saint de l'an 1250.

Depuis sa première jeunesse il n'eut aucun doute sur sa vocation ecclésiastique que la Providence lui déploya de manière fulgurante: chargé de Missions pontificales à 22 ans, avec le titre de "monsignore" et avant même d'être ordonné prêtre; président de l'Académie Pontificale des Nobles Ecclésiastiques à 34 an; archevêque à 35 ans; cardinal et Secrétaire d'Etat à 38 ans, aux côtés d'un Pape qui allait devenir un géant dans l'histoire de l'Eglise! Et pourtant, Rafael Merry del Val suivit cette route par obéissance, non pas par sa propre disposition: son rêve - qui se résume dans l'épigraphe qu'il voulut gravée sur sa tombe: "Da mihi animas, cetera tolle" (donne-moi les âmes, prend tout le reste) - avait été de se consacrer à l'apostolat.

Son zèle pour la conversion des protestants, surtout les anglicans, l'avait amené à choisir pour ses études le Collège Écossais de Rome, mais Léon XIII, le recevant en audience, lui avait ordonné avec fermeté: "Non, pas au Collège Écossais, mais à l'Académie des Nobles Ecclésiastiques!". Le futur cardinal Merry del Val obéit au désir du Pontife, et trouva dans l'obéissance la perfection de sa vocation. Arrivé presque à la fin de sa vie terrestre, il écrivait en conclusion d'une lettre datée du 28 octobre 1928: "Que les années se sont envolées! Quarante ans prêtre, depuis vingt-huit évêque et vingt-cinq cardinal. Que ma vie a été différente de celle que j'avais espérée et pour laquelle j'avais prié. Que la volonté de Dieu soit faite!".

Léon XIII avait deviné les vertus et les aptitudes du jeune ecclésiastique, mais ce sera son successeur qui le liera de manière indissoluble à son propre pontificat. Lors du conclave suivant la mort de Léon XIII, les voix du Sacré Collège s'étaient rassemblées sur le nom du cardinal Giuseppe Sarto, Patriarche de Venise. Dans le silence de la chapelle Paoline, alors qu'il implorait le Seigneur d'éloigner de lui le terrible calice du pontificat, le futur Pie X vit une silhouette s'approcher à son coté: c'était Mgr Merry del Val, le secrétaire du Conclave, qui venait par ordre du cardinal doyen lui renouveler la demande, lui murmurant ces simples mots: "Courage, Éminence!" ("Coraggio, Eminenza").

Le jour suivant, le Patriarche de Venise monta sur la chaire de Pierre avec le nom de Pie X. Le soir, le nouveau Pape accorda sa première audience à Mgr Merry des Val qui venait prendre congé de lui. Posant sa main sur l'épaule du jeune prélat il lui dit presque sur un ton de reproche: "Monseigneur, voulez-vous m'abandonner? Non, non, restez avec moi. Je n'ai rien décidé encore: je ne sais pas ce que je ferai. Je n'ai personne pour le moment, restez avec moi comme Pro Secrétaire d'Etat,… après on verra. Faites-moi cette charité". ("Monsignore, mi vuole abbandonare? No, no: resti con me. Non ho deciso nulla ancora: non so che cosa farò. Per ora non ho nessuno: rimanga con me come Pro Segretario di Stato…, poi vedremo. Mi faccia questa carità"). En cette première rencontre fut décidé le destin de deux hommes si différents par naissance, éducation et tempérament, mais unis dans un seul esprit et un seul cœur par les desseins impénétrables de la Providence.

Le 18 octobre 1903, dans une lettre écrite de sa main, Saint Pie X nomma Monseigneur Merry del Val Secrétaire d'État et cardinal. Lorsque Mgr Merry del Val reçut la nouvelle il supplia vivement le Pape d’affecter quelqu'un d'autre à cette charge. Après avoir écouté ses raisons/observations, Saint Pie X se contenta de lui répondre: "Acceptez! C'est la volonté de Dieu. Nous travaillerons et pâtirons ensemble pour l'amour de l'Église" ("Accetti! È la volontà di Dio. Lavoreremo e soffriremo insieme per amore della Chiesa".)

D'aucuns furent surpris dans la cour vaticane par le fait que le Pape ait promu à un tel poste un prélat si jeune et, en plus, non italien. À un cardinal qui s'était permis une timide remarque au sujet du jeune âge de Mgr Merry del Val, Pie X répondit avec ces mots: "Je l'ai choisi parce que il est un polyglotte. Né en Angleterre, éduqué en Belgique, espagnol de nationalité, il a vécu en Italie, fils d'un diplomate et lui-même diplomate, il connaît les problèmes de tous les pays. Il est très modeste, il est un saint. Il vient ici tous les matins et m'informe de toutes les questions du monde. Je ne dois jamais lui faire une observation. Et puis, il n'a pas de compromissions."

Depuis lors, pendant onze ans, dans une intime et profonde union d'esprit et de cœur, sans interruptions et sans hésitations, le cardinal Merry del Val lia sa propre vie à celle de l'intrépide Pontife, l'accompagnant dans toutes ses batailles, commençant par celle, épique, contre le modernisme. "Onze ans - remarque Mgr Dal Gal - "cor unum et anima una" avec son Pape et son Souverain, son Maître et son Père, en tout événement et en toute question, dans la joie et la douleur, entre les angoisses du Gethsémani et la gloire de la Résurrection, entre l'éphémère réjouissance des ennemis de l'Eglise et la grandeur d'une même foi et d'une même espérance immortelle".

Le soir du 19 août 1914, le cardinal Merry del Val eut le réconfort de recueillir le dernier souffle du Pape mourant. Le saint Pontife, qui avait perdu la parole mais avait encore l'esprit lucide, garda longtemps entre ses mains celles de secrétaire d'État, lui exprimant par ce geste silencieux toute sa reconnaissance pour le dévouement sans limite au Trône pontifical et à sa personne.
Jusqu'au jour de sa mort imprévue, le 26 février 1930, alors qu'il était encore dans le plein de ses forces, le cardinal Merry del Val resta à l'intérieur de l'Église le point de référence de tous ceux qui se référaient au lumineux pontificat de Saint Pie X.

Le Card. Merry del Val fut le parfait exemple d'un véritable aristocrate, non seulement par le sang, mais surtout dans l'âme. Comme il est propre de la vraie noblesse, la magnificence et la grandeur s'associaient en lui à la plus profonde simplicité et humilité. Lorsque il allait dans les rues de Rome, notait l'académicien de France René Bazin, "il était l'objet de l'admiration universelle: on le regardait avec intérêt, on le saluait avec sympathie"; mais lorsque il apparaissait dans la splendeur de la Basilique Vaticane, de sa personne semblait émaner une fascination irrésistible.

Aux cérémonies liturgiques qu'il célébra jusqu'à sa mort, en tant qu'Archiprêtre de la Basilique Vaticane, avec scrupuleuse exactitude et incomparable dignité, accouraient en foule les romains et les étrangers, comme à un événement. Dans sa dignité princière il incarnait, contre tout misérabilisme et égalitarisme, la splendeur de l'Église romaine. Cette magnificence ne fut jamais séparée d'une très profonde humilité: elle fut en fait le fruit de sa vie intérieure. "La Sainte Messe du très pieux Cardinal - témoigne un prélat - était la révélation de sa vie intérieure et l'âme de tout son apostolat". Une princesse polonaise pouvait dire: "Je n'ai vu qu'une seule fois le cardinal Merry del Val prier dans Saint Pierre. C'est à lui que je dois mon retour à l'Église catholique".

Les litanies de l'humilité qu'il récitait tous les jours, ainsi que le cilice qu'il portait sous la soutane, étaient l'expression de ce profond esprit catholique qui se manifeste dans la négation de tout à soi-même, afin d'offrir toute grandeur et toute splendeur à l'Église, dans un abandon parfait à la Divine Providence.

Dans les prières du matin qu'il récitait chaque jour avant de célébrer la Messe, ce Prince de l'Église priait ainsi: "Je suis prêt, ô mon Dieu, à accepter de Vos mains et de la manière qu'il vous plaira, santé ou maladie, richesse ou pauvreté, vie longue ou vie brève/courte, honneurs ou malheurs, amitiés ou inimitiés, et ainsi avec toutes autres choses, choisissant uniquement ce qui est plus conforme à votre gloire. Et puisque vous êtes si bon de m'appeler à vous imiter plus étroitement et intimement dans la pauvreté, l'ignominie et la souffrance, mon cher Jésus, me voici prêt".

Accueillant les honneurs comme une croix, le cardinal Merry del Val poursuivit son propre effacement et l'exaltation de la Sainte Eglise. Il attend maintenant, à coté de Saint Pie X, l'heure du triomphe de cette Église qu'il a si fidèlement servi.

Les litanies de l'humilité du cardinal Merry del Val

En ce temps de Carême méritent d'être méditées les Litanies de l'Humilité du Serviteur de Dieu Rafael Merry del Val (1865-1930), secrétaire d'Etat et collaborateur très fidèle de Saint Pie X (texte en français repris du site de la Porte Latine)

Ô Jésus, doux et humble de cœur, exaucez-moi.



Du désir d’être estimé, délivrez-moi Seigneur,
Du désir d’être affectionné,
Du désir d’être recherché,
Du désir d’être honoré,
Du désir d’être loué,
Du désir d’être préféré,
Du désir d’être consulté,
Du désir d’être approuvé,
Du désir d’être compris,
Du désir d’être visité,
De la crainte d’être humilié,
De la crainte d’être méprisé,
De la crainte d’être rebuté,
De la crainte d’être calomnié,
De la crainte d’être oublié,
De la crainte d’être raillé,
De la crainte d’être soupçonné,
De la crainte d’être injurié,
De la crainte d’être abandonné,
De la crainte d’être refusé,
Que d’autres soient plus aimés que moi,
accordez-moi, Seigneur, de le désirer,
Que d’autres soient plus estimés que moi,
Que d’autres grandissent dans l’opinion et que je diminue,
Que d’autres soient loués et que je sois oublié,
Que d’autres soient employés et que je sois mis de côté,
Que d’autres soient préférés en tout,
Que d’autres soient plus saints que moi,
pourvu que je le soit autant que je puis l’être,
accordez-moi, Seigneur, de le désirer.

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