Page d'accueil | Pourquoi ce site

Qui est Jeffrey Sachs ?

Portrait de l'économiste américain contesté, théoricien de "la fin de la pauvreté" grâce aux contributions des pays "riches'. François aurait fait appel à ses conseils pour l'élaboration de son encyclique sur l'écologie à paraître prochainement

La prémisse implicite du raisonnement de Sachs, riche de notations anthropologiques, est que la fin de la pauvreté est possible, qu'il est même facile d'y parvenir. Il suffit d'un effort de volonté de la part de ceux qui disposent des ressources et d'un plan bien conçu par les ingénieurs du développement durable. Et le plan bien conçu existe déjà. " La fin de la pauvreté est à portée de main, mais seulement si nous saisissons l'opportunité qui se présente à nous ", a-t-il écrit. L'objectif de sortir du poverty trap "est plus abordable qu'il n'y paraît", et une fois atteint, l'homme pourra réaliser sur cette terre ce que les grands théoriciens des Lumières avaient à peine osé espérer. Un monde de paix, prospérité et harmonie: " Quelques-uns de ses fruits les plus doux sont à portée de main ".

Image ci-dessus et commentaire dans Il Foglio:
Jeff Sachs essaie de sauver le monde en Afrique

Ce long article publié le 24 février dernier dans Il Foglio dresse un intéressant portrait de Jeffrey Sachs, brillant économiste auquel la rumeur – évidemment non confirmée - attribue le rôle de collaborateur (ou au moins l’un des collaborateurs) de François pour la rédaction de sa prochaine encyclique sur l’écologie.
Il est l’homme des lobbies onusiens, l'un des gourous planétaires de l'idéologie du développement durable, mais il est aussi connu pour être le théoricien de la « fin de la pauvreté ». Une utopie qui n’est pas forcément en syntonie avec les paroles du Christ. Dans un article récent sur le site www.causeur.fr, Eugénie Bastié lui suggère de relire l’évangile. Et renvoie aux mots de Jésus à ses apôtres:

Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. (Mathieu 26 :11)

Si le rôle de consultant du Pape de Jeff Sachs se confirme, il sera piquant de constater que sous un Pape qui a fait de la "démondanisation" de l'Eglise l'un de ses chevaux de bataille, celle-ci n'a jamais été aussi proche des instances du monde globalisé.

Derrière l'encyclique écologique du pape, il y a Jeff Sachs
Portrait du technocrate qui veut redresser le bois tordu de l'humanité, et qui cherche un cadre éthique du côté de François

www.ilfoglio.it
Mattia Ferraresi
24 février 2015
(notre traduction)
-----

Parmi les économistes italiens les plus attentifs aux questions de climat et de développement durable, la rumeur court que, dans la prochaine encyclique de François, qui s'articulera autour du thème de l'écologie, on remarquera distinctement la touche de l'économiste américain Jeffrey Sachs, directeur de l'Earth Institute à la Columbia University. Certaines sources bien connectées dans les cercles internationaux confirment à Il Foglio le rôle de Sachs dans la conception du texte. L'intéressé n'a pas répondu à la demande de Il Foglio de confirmer sa collaboration à la rédaction de l'encyclique, qui devrait voir le jour à l'été ou au plus tard à l'automne, mais la nouvelle est tout sauf invraisemblable: l'année dernière Sachs participé à une conférence sur le développement durable organisée par l'Académie pontificale des Sciences, tandis que l'année précédente, c'était au tour de l'Académie internationale pour le développement économique et social de l'inviter à une rencontre au Vatican sur le thème «Pauvreté, biens publics et développement durable», organisée en collaboration avec l'Association GREENACCORD.
Sachs, né dans une famille juive de Detroit, ne se définit pas comme religieux, mais soutient que «la doctrine sociale de l'Église offre une voie décisive pour une éthique globale du développement durable». Il a accueilli très favorablement les critiques de la «trickle down economics» (Théorie du ruissellement, cf. http://fr.wikipedia.org) exposées par le Pape dans l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium. Sur la revue des jésuite américains, America, il s'est fendu d'un éloge du «message d'espoir et de justice sociale» de François: «Nous sommes confrontés à une crise morale plus qu'à une crise financière ou économique. Et donc nous devons être reconnaissants à François. Il nous a rappelé avec amour que nos aspirations les plus élevées sont à notre portée».
Les rapports de l’économiste amoureux du «cadre éthique» offert par la doctrine sociale de l'Église, avec le Vatican, n'ont pas commencé avec François. En 1991, il a prêté ses conseils à Jean-Paul II pour la préparation de Centesimus Annus (encyclique écrite pour le centième anniversaire de Rerum Novarum), mais alors il n'avait pas encore exposé l'ampleur de ses ambitions universelles, c'était juste un brillant économiste qui avait sauvé l'économie de la Pologne en une nuit par l'administration d'une dose de sa «thérapie de choc».
Dans cette encyclique, le pape faisait valoir, entre autres choses, que sur les causes de la pauvreté, Marx avait tort: les pauvres ne sont pas pauvres parce qu'ils sont exploités par les riches, mais principalement parce qu'ils sont exclus du cycle de la productivité.
Il avait moins de quarante ans, quand le Boston Globe l'appela «le plus grand ingénieur économique après Keynes» et le New York Times l'a nommé «probablement l'économiste le plus important dans le monde».
Aujourd'hui, il s'occupe du «défi le plus grand et le plus complexe auquel l'humanité ait jamais été confrontée», le développement durable, auquel il a consacré d'énormes quantités d'énergie et concentré dans un livre qui sortira le mois prochain: «The Age of Sustainable Development» , préfacé par le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.

Le concept de développement durable, explique Sachs, «nécessite une approche unitaire des changements dans la société plutôt qu'une simple recherche de la croissance économique. Cette approche combine le développement économique, l'inclusion sociale, la durabilité environnementale et la bonne gouvernance». Selon Sachs, qu’il s'agisse de changement climatique, de pauvreté, d'inégalité économique, de justice sociale et d'autres menaces structurelles à un développement à visage humain, il n'y a pas de problèmes individuels, mais un réseau interconnecté de rapports problématiques de causalité, qui exige un regard d'ensemble pour être compris et une attaque simultanée sur plusieurs fronts pour être affronté efficacement. On ne peut pas parler de climat sans parler de production et de consommation, on ne peut pas parler de croissance sans parler d'inclusion et d'attention aux derniers. Tout a à voir avec tout.

Sur Radio Vatican, il a déclaré que les changements climatiques sont liés aux crises qui affligent de nombreuses régions du monde et il a parlé de la nécessité de «réorienter l'économie afin de ne pas causer d'autres dommages à la planète». Pour éliminer la pauvreté d'ici 2030, objectif que l'économiste a déclaré en 2005, avec quelques ajustements en cours de route, «nous devons construire une société socialement inclusive, investir dans l'égalité des sexes (genres?), l'accès aux services d'éducation et de santé, exécuter une transition vers des économies à faibles émissions de CO2, réaliser une agriculture durable».
Sachs est à la recherche d'un «framework», un cadre éthique solide sur lequel construire son plan d'action pour sortir l'humanité du tunnel de la souffrance auto-infligée dans lequel elle s'est fourrée, et depuis quelques années maintenant, il s'est convaincu que la doctrine sociale de l'Église est ce qu'il lui faut. Il n'est pas impossible d'imaginer une assonance entre le développement durable de Sachs et le concept de l'écologie humaine, pierre angulaire de la prochaine encyclique papale, selon ce qu'a suggéré par le Saint-Siège.

Mais qui est Jeffrey Sachs? Quelle est sa conception de l'homme, sa vision du monde? Difficile de saisir dans un regard d'ensemble toutes les faces d'un polyèdre humain aussi complexe. A coup sûr, il est beaucoup plus qu'un simple économiste. En plus d'enseigner à Columbia, où il dirige l'Earth Institute, Sachs est conseiller du Secrétaire général del'ONU pour le Millennium Development Goals (les Objectifs du Millénaire pour le développement, cf. fr.wikipedia.org/wiki), le plan que le Palais de verre a élaboré en 2000 pour mettre en œuvre huit objectifs fondamentaux: éradiquer la pauvreté, assurer l'accès universel à l'éducation primaire, promouvoir l'égalité des sexes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le SIDA et d'autres maladies, assurer un environnement durable et forger une alliance mondiale pour le développement. De 2002 à 2006, à la demande de Kofi Annan, il a dirigé le «Millennium Project» (Projet du Millénaire), un projet visant à mettre en œuvre les principes énoncés par l'ONU dans le but d'améliorer substantiellement la «condition humaine» d'ici à 2015. Le Projet du Millénaire prévoit d'appliquer dans les pays en voie de développement les standards de santé prévus par l'ONU, y compris la soi-disant «santé sexuelle et reproductive», un euphémisme pour désigner la distribution massive de contraceptifs pour contrôler la croissance de la population.
Du reste, depuis des années, Sachs tire la sonnette d'alarme de la surpopulation et dit que la pauvreté se combat avant tout par le contrôle des naissances. Benoît XVI mettait en garde contre les risques potentiels de cette position: «L'extermination de millions d'enfants à naître, au nom de la lutte contre la pauvreté, constitue en réalité l'élimination des plus pauvres parmi les êtres humains».

En diffusant cette parole, le professeur s'est gagné la position de superconsultant onusien, et il n'y a aucune agence internationale, association pour le développement durable, partenariat transnational pour l'éradication de la pauvreté ou panel contre le réchauffement climatique qui ne se réfère à la thèse de l’ économiste. La liste des Etats, des institutions, des entreprises et des corps intermédiaires auxquels il fournit des conseils est très longue, tout comme celle des conseils d'administration des organismes qui œuvrent pour la promotion du développement humain dans lesquels il siège.

Dans un premier temps, il s'est occupé de proposer aux ex-pays de l'Union soviétique, des recettes pour la transition radicale de l'étatisme à une économie de marché, et l'exemple le plus lumineux - du moins à ce qu'il semblait alors - est celui de la Pologne. C'est lui qui fournit à Solidarnosc un plan économique qui devait «causer des dommages à court terme et sans doute des souffrances pour certains éléments de la société», mais l'alternative, autrement dit le passage graduel vers le marché, aurait été «un désastre total», comme il l'a écrit dans le mémorandum adressé au gouvernement polonais. L'historien Maciej Kozlowski a écrit: «La thérapie de choc polonaise a été décrite comme un plongeon depuis une tour sans savoir s'il y avait de l'eau dans la piscine en-dessous. Sachs était la personne qui nous garantissait qu'il y avait bien de l'eau dans la piscine».
Il parle moins volontiers de l'échec de la tentative de répéter l'exploit en Russie: si la thérapie n'a pas fonctionné, a-t-il dit, c'est la faute de l'administration de Bush père, qui a refusé de mettre pleinement en œuvre le modèle théorique de l'économiste.
À ce stade, cependant, Sachs avait déjà exporté la thérapie de choc de l'Europe de l'Est vers d'autres pays en voie de développement à travers le monde, qui voulaient soudain les conseils d'un professeur qui savait expliquer le sens des théories macroéconomiques sophistiquées même à ceux qui n'étaient pas particulièrement familiers avec les rouages de l'économie.

Le voyage en Zambie en 1995 est une étape cruciale, le seuil qui sépare la vie de Sachs en un avant et un après.
«C'était le premier endroit où j'ai vu vraiment le sida, et le premier endroit où j'ai vu vraiment la malaria, et c'était le premier endroit où j'ai commencé à me demander ''qu'est-ce qui se passe?'', je n'avais aucune idée que nous laissions des millions de personnes mourir chaque année».
Le contact avec la pauvreté, avec l'indigence sur une grande échelle, avec la malnutrition et la souffrance secoua sa conscience, créant ce qu'il a parfois qualifié de «conversion spirituelle». A ce moment a commencé sa croisade pour combattre, et même pour éradiquer la pauvreté. A ce moment, un des plus jeunes professeurs jamais nommés à Harvard et membre du trio de jeunes superstars de l'économie mondiale - avec Larry Summers et Paul Krugman - a décidé de s'occuper du bien de l'humanité. Un esprit si brillant ne pouvait pas se contenter de 'tamponner' le problème de la pauvreté, d'y mettre un frein, mais il ambitionnait de trouver une solution totale et définitive à ce qu'il considère comme un problème «technique», lequel requiert donc des solutions techniques.

Si la recette du redressement économique qui fonctionne avec la Pologne ne vaut pas automatiquement pour la Tanzanie - Sachs a compris cela immédiatement - c'est parce que l'origine du problème est différente: la première est le dysfonctionnement du système économique, la deuxième relève de causes naturelles, et doit être recherchée dans la géographie et dans la distribution des ressources plutôt que dans la politique économique. Ce sont les hypothèses du déterminisme écologiste, l'école de pensée à laquelle adhèrent également Paul Krugman et Jared Diamond, et le retard environnemental de certaines populations, surtout celles africaines, a généré une "poverty trap", une spirale de pauvreté qui s'auto-alimente et dont il est impossible de sortir sans une intervention extérieure. Le niveau de développement où les hommes se trouvent est déterminé avant tout par les conditions environnementales où la civilisation a évolué. Une des maximes de Sachs est: «L'essence de la crise de l'Afrique est fondamentalement son extrême pauvreté ». Comment résoudre ce problème technique et environnemental? Une réforme du système économique est insuffisante par la nature du problème, ce qu'il faut, c’est un déclic de conscience et de portemonnaie de la part de l'occident industrialisé qui doit contribuer à résoudre le problème par des aides économiques. Avec un plan de développement et 200 milliards de dollars donnés par le nord au sud du monde, affirme Sachs, l'humanité sortira définitivement de sa "poverty trap".
La recette pour sauver la Tanzanie est très différente de celle pour sauver la Pologne, mais le dénominateur commun est ce que Sachs appelle le "big push" (ndt : si l’on veut, un coup de pouce), une thérapie de choc, opposée aux solutions graduelles qui étouffent lentement toute tentative de développement. Sachs veut tout et tout de suite.

Son livre "The End of Poverty" , sorti en 2005, l'a couronné comme le dieu tutélaire des activistes contre la faim et la pauvreté dans le monde. Sachs a contribué à la diffusion de la campagne pour l'effacement de la dette des pays du tiers monde. Bono Vox le définit comme un "maître"; avec Angelina Jolie il a fait un show à caractère humanitaire pour le compte de MTV; que ce soit ou non à son insu, la patrouille des grands philanthropes mondiaux, de Bill Gates à George Soros, est idéologiquement débitrice de Sachs, l'économiste-activiste qui a donné à toutes ces célébrités s'embarquant dans des projets humanitaires une théorie économique adaptée à leur bonne conscience. Combinant préparation technique et énormes capacités de communication, Sachs est devenu la pop star mondiale du développement durable, prêtre d'un culte planétaire unissant l'humanisme onusien et les théories orientales sur l'harmonie universelle.
La prémisse implicite du raisonnement de Sachs, riche de notations anthropologiques, est que la fin de la pauvreté est possible, qu'il est même facile d'y parvenir. Il suffit d'un effort de volonté de la part de ceux qui disposent des ressources et d'un plan bien conçu par les ingénieurs du développement durable. Et le plan bien conçu existe déjà. « La fin de la pauvreté est à portée de main, mais seulement si nous saisissons l'opportunité qui se présente à nous », a-t-il écrit. L'objectif de sortir du poverty trap «est plus abordable qu'il n’y paraît», et une fois atteint, l'homme pourra réaliser sur cette terre ce que les grands théoriciens des Lumières avaient à peine osé espérer. Un monde de paix, prospérité et harmonie: « Quelques-uns de ses fruits les plus doux sont à portée de main ».

Dans la vision de Sachs la nature humaine est d'un côté lumineuse et puissante, et de l'autre obscure et fragile. L'homme est capable de résoudre par lui-même les problèmes qui l'affligent, affirme-t-il, il laisse toutefois des centaines de millions de ses frères dans la pauvreté, il ne combat pas radicalement le réchauffement planétaire, il continue de produire les émissions qui tueront la planète. C'est donc par un défaut de volonté, par une faute morale et non par défaut de structure, que des hommes riches et plutôt blancs délaissent dans la faim leurs semblables. Le fait que la solution aux problèmes de l'humanité soit à portée de main rend aux yeux de Sachs encore plus graves les fautes de ceux qui sont de l'autre côté. Il y a deux ans, observant, démoralisé, les calamités naturelles qui frappaient à divers endroits la planète, il confia à Twitter une sobre considération: « Les menteurs du climat comme Robert Murdoch et les frères Koch ont encote plus de sang sur leurs mains maintenant que les catastrophes climatiques font d'autres victimes ».

Sachs a fait au cours des années l'objet de nombreuses critiques. Il y a deux ans, la revue Nature a durement critiqué la méthode scientifique et la lecture des résultats du projet Millennium Villages, la tentative d'appliquer le "format" théorique de l'ONU à quatorze villages africains. Une fois trouvée la formule juste, Sachs devait pouvoir exporter son modèle de lutte contre la pauvreté à tous les villages pauvres du monde.
Son adversaire plus farouche est probablement William Easterly, économiste de la New York University, auteur de "Le fardeau de l'homme blanc".
D'après Easterly, les injections humanitaires de la part des économies développées ne résolvent pas le problème de la pauvreté; elles créent au contraires une culture de la dépendance qui alimente le cycle de la pauvreté; surtout, Easterly reproche à Sachs d'avoir transformé un problème humain, plein de variables imprévisibles, de choix libres et pas toujours rationnels, en un modèle théorique qui marche parfaitement en termes mathématiques et qui est tout à fait applicable avec les méthodes technologiques adéquates.
Sachs est finalement un technocrate qui ne se contente pas de redresser un système économique tordu, mais qui vise directement le bois tordu de l'humanité. Au fil du temps, Sachs a savamment su encastrer la pauvreté dans le grand schéma du développement durable, dans lequel les changements climatiques et l'injustice sociale sont des facteurs séparés d'un même problème.

Au fil des ans son image s'est tellement chargée de fascination que Nina Munk, journaliste à Vanity Fair, avait envisagé d'abandonner le journalisme pour se lancer dans le développement durable, alors qu'en 2006 un portrait de l'économiste lui avait été commandé. À force de voyager avec Sachs, d'entendre des réponses douteuses à ses questions, de l'entendre commencer les conférences par un faux dilemne de chantage (« Voulez-vous laisser mourir des millions de personnes ou voulez-vous qu'elles vivent? »), de voir les villages africains d'où devait partir la révolution humanitaire, elle a commencé à se poser de nombreuses questions. Son "The Idealist: Jeffrey Sachs and the Quest to end Poverty" , publié en 2013, est le récit des limites de la vision de l'économiste éclairé. Les habitants des villages africains ne se comportent pas comme Sachs avait prévu, les somaliens continuent de considérer les chameaux comme le symbole de la richesse, accident irrationnel que Sachs entendait combattre; ceux qui reçoivent des filets pour protéger les lits des moustiques, et donc de la malaria, les utilisent tantôt pour protéger les animaux, tantôt pour pécher, et parfois ne les utilisent pas du tout, par fatalisme ou superstition, par simple insouciance, ou parce qu'ils n'ont pas assez de motifs pour s'accrocher à la vie. Munk documente le fiasco de l'expérience de Sachs, écrasée par la prémisse trop ambitieuse de pouvoir prévoir et régler les mécanismes humains par un système subtil d'ingénierie économique.
Après l'avoir lu, Easterly en a signé une critique triomphante: « Sachs mérite de la reconnaissance. Il a été et est toujours un très doué et prolifique avocat de la compassion envers ceux qui ne bénéficient pas encore des progrès réalisés dans le développement. Mais son idée que les aides économiques peuvent nous conduire rapidement à la fin de la pauvreté est fausse, et il est temps de passer outre ».


  Benoit et moi, tous droits réservés