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Synode: que décidera le Pape?

Le dernier article de Sandro Magister écrit avant la polémique sur l'Encyclique qui a conduit à la sanction que l'on sait

>>> Cf. Soutien à Sandro Magister

Espérons que Sandro Magister, suspendu a divinis par le Père Lombardi de son titre de journaliste accrédité par le Saint-Siège, recommencera vite à écrire des articles (*).
A vrai dire, rien ne l'en empêche: contrairement à ce que prétendent les mauvaises langues qu'il gênait, et qui se réjouissent aujourd'hui bruyamment que cette sanction le réduise au chômage par défaut de matière, Sandro Magister n'était pas (à l'instar de certain(e)s) de ses ennemis) un concierge rôdant dans les couloirs des Palais Sacrés dans l'espoir d'y recueillir des ragots croustillants. Au contraire, il a toujours été le réceptacle naturel de contributions de haut niveau au débat ecclésial, à travers les courriers de lecteurs souvent prestigieux du monde entier, ecclésiastiques de haut rang ou simples prêtres apportant leur témoignage de vécu, et universitaires de premier plan.
Comme c'est le cas ici, pour cet article datant du 10 juin, cinq jours avant la sanction.
Il faisait état d'une lettre d'un magistrat romain, Francesco Arzillo, spécialiste de philosophie, de théologie et de droit.

Il n'y a aucune raison que cette source se tarisse. Et que cela ne continue pas.

Ce que le pape décidera après le synode. Une prévision motivée

Settimo Cielo
10/6/2015
(ma traduction)
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Le débat public de plus en plus serré sur le thème des divorcés remariés montre à quel point est complexe le chemin qui devrait conduire au changement des règles en vigueur, souhaité (par certains) ou redouté (par d'autres).
Ce débat a fait émerger la position de dissidence d'une partie significative du catholicisme.
Le fait que l'autorité suprême de l'Eglise se prépare à prononcer une nouvelle parole autoritaire et contraignante sur cette question implique que la position des Eglises locales devra se clarifier définitivement par rapport à la nouvelle décision magistérielle, quel que soit son contenu. Et ce sera de toute façon un effet positif.
Il est évident que, si le pape François devait confirmer la position traditionnelle dans son contenu essentiel, l'irrecevabilité des pratiques dissidentes serait confirmée, avec toutes ses conséquences, y compris sur le plan disciplinaire et canonique, sur un pluralisme ecclésial mal compris.

Je n'arrive pas à penser à ce qui se passerait, en revanche, dans le cas - très hypothétique - d'une décision en substance véritablement innovante. Il s'agirait en réalité d'une situation inédite, vraiment difficile à imaginer dans son articulation concrète et même dans sa version «technique»: dans l'Eglise aussi, dans les instants les plus importants et les plus solennels, le moment vient où il faut «mettre les choses noir sur blanc», ce qui implique de nombreuses exigences et beaucoup de précautions.

Il semble que la recherche d'une «solution pastorale» n'ait pas l'intention de remettre en question les énoncés stricts du Conseil de Trente concernant à la fois le sacrement du mariage, celui de la pénitence et celui de l'Eucharistie: énoncés par ailleurs dotés d'un relief dogmatique et doctrinal très élevé (sans rentrer dans les détails...).

Si j'ai bien compris, les novateurs n'auraient l'intention de contredire, formellement et expressément, aucune des doctrines classiques: on ne veut pas considérer le premier mariage comme officiellement dissous; on ne veut pas révoquer la nécessité de s'engager à ne plus pécher mortellement pour obtenir l'absolution; on ne veut pas nier que pour accèder à la communion, on ne doit pas être dans une situation de péché mortel, par surcroit manifeste; on ne veut pas reconnaître le rang de mariage à la deuxième union, tant que perdure un mariage précédent valide et en l'absence d'une nouvelle célébration publique sous la forme tridentine; on ne veut pas porter atteinte à la doctrine classique sur la gravité objective du péché contre le sixième commandement. On ne veut rien de tout cela, parce que - à bien y regarder - ces choses ne sont pas possibles sans affecter la continuité doctrinale substantielle (j'utilise ce terme dans un sens technique) dans l'Église, du reste bien mise en évidence par Jean XXIII dans le magnifique discours d'ouverture de Vatican II, pas toujours cité à ce propos

Mais alors, à quoi pouvons-nous nous attendre? Probablement à quelque nouveauté qui mette davantage en lumière le lien des frères pénitents - certainement pas excommuniés - avec la communauté ecclésiale dans la période où ils sont éloignés de l'Eucharistie, mais sur la voie de la pleine réconciliation avec Dieu et avec l'Église.

Vraiment, je ne réussis pas à imaginer quelque chose de plus et de différent.

D'autre part, toute solution de simple for intérieur ne serait, par définition, pas généralisable, dans la mesure où elle est destinée à se mouvoir sur le fil très délicat qui concerne l'évaluation de l'élément subjectif de péchés qui restent de toute façon graves du point de vue de la matière objectivement considérée; et toujours ancrée au critère d'éviter le scandale public. Et d'ailleurs, il s'agit depuis toujours de questions destinées aux confesseurs, mais aussi aux organes compétents (pénitencerie et Saint-Office) par leur nature même.

Si l'intention est d'innover de façon incisive dans la pratique publique sans toucher la doctrine, il convient de bien s'entendre sur ce que cela signifie. Il y a des espaces pour les changements (du reste déjà largement advenus) qui ne touchent pas les pierres angulaires. Mais les innovations les plus notables, celles dont on parle aujourd'hui, se placent sur un autre niveau, qui est celui de la «contradiction performative»: proclamer une vérité en paroles tout en en affirmant une autre implicitement présupposée par un comportement incompatible avec celle-ci.

Cela ne veut pas dire nier le pouvoir de l'Eglise de définir encore mieux - dans la mesure où il y a un espace pour cela - la portée des doctrines définies. Mais il ne semble pas que la discussion actuelle se place sur ce plan dogmatique contraignant: cela confirme une fois de plus qu'il semble hors de propos de placer des attentes excessives dans les résultats du Synode. Aussi parce qu'on a l'impression - pour incroyable que cela puisse paraître - que les propositions des novateurs n'ont pas été préparées par un travail historique, théologique et canonique d'une ampleur et d'une profondeur suffisantes, et donc adapté à la nature de son objet.

Francesco Arzillo

Addendum

(*) A l'instant, je vois que sur <Chiesa>, Magister publie un florilège de passages de l'Encyclique: chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1351072

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