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Un philosophe catholique allemand critique le pape

Robert Spaeman, le doyen des philosophes catholiques allemands, ami de Benoît XVI, rompt son silence sur le pontificat de François. Et il ne mâche pas ses mots. Interview dans la presse allemande, traduite par Isabelle

Spaemann, né lui aussi en 1927, avait été invité par Benoît XVI à Castelgandolfo, pour un exposé au Schülerkreis de 2006 sur le thème "Création et évolution" (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II-1).

Critiques de Spaemann : Le pape François, «une avancée» ou «un dérapage»?
«Culte de la spontanéité»

Le 16 avril 2015
Giuseppe Nardi
www.katholisches.info
Traduction Isabelle
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Robert Spaemann, âgé de 87 ans et doyen des philosophes catholiques de langue allemande, a longtemps observé le silence à propos du « phénomène François ». Directement sollicité à ce sujet dans le dernier <Herder Korrespondenz Spezial>, il a mis un terme à sa réserve polie.
Herder (la maison d'édition de Benoît XVI, entre autres) a publié un double entretien, avec Robert Spaemann et
Hans Joas, qui reflète des positions antagonistes à l’égard du pape en exercice. A Joas revient le couplet jubilatoire, de plus en plus obligé partout depuis mars 2013, à l’égard du chef de l’Eglise venu d’Argentine.

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Robert Spaemann attribue au pape François la notation la plus mauvaise que l’on puisse imaginer. Une voix autorisée, qui après deux années de silence et d’observation, ne fait plus mystère ni de sa déception, ni surtout de sa préoccupation. Le grand philosophe allemand ne reproche pas seulement au pape François son ministère « chaotique », mais encore — et c’est beaucoup plus grave — un désintérêt pour la théologie.

La Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a, voici peu, qualifié le pape François, en langage journalistique, de « pape des bavures » (Pannenpapst) et parlé d’un « risque pour la sécurité » de l’Eglise catholique. Un jugement que Spaemann semble partager.

UN MINISTÈRE CHAOTIQUE ET UN DÉSINTÉRÊT POUR LA THÉOLOGIE
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Selon Spaemann, le pape se livre à un « culte de la spontanéité ». Le pape argentin recherche la symbolique superficielle, mais en même temps — à l’égard d’un pape un jugement proprement dévastateur – il ne montre « guère de goût » pour la théologie.

Le grand penseur Spaemann considère avec une véritable indignation l’ex-cardinal Jorge Mario Bergoglio qu’une majorité de cardinaux élut au siège de Pierre pour des raisons qui demeurent incompréhensibles.

Le philosophe allemand puise aux paroles prophétiques de l’Ecriture Sainte pour exprimer sa distanciation : « Il viendra des maîtres qui diront des choses qui sonneront bien aux oreilles, et les hommes suivront ces maîtres ». Paroles de blâme pour un parcours indéfinissable, ambivalent et donc préoccupant de l’actuel Souverain pontife.

Spaemann reproche à François, à qui depuis son élection les medias ont accordé le label d’« ouvert », d’être en réalité un pape autoritaire : François est « l’un des papes les plus autoritaires que nous ayons eu depuis longtemps ». « Si Benoît s’était exprimé ainsi, il y aurait eu de grands cris. Mais, avec François, le pouvoir absolu est à nouveau plus manifeste. Et il n’y a pas un seul journal pour s’en émouvoir ».

« ON N’ARRIVE PAS À SE DÉBARRASSER DU SENTIMENT DE CHAOS »
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Personne ne sait, dit Spaemann, « ce que le Saint Père a maintenant en tête ». Sur ce point, même Hans Joas doit lui donner raison. En d’autres termes : même les enthousiastes du pape François ne savent pas, en réalité, vers quelle destination le « train Bergoglio » se dirige. « On n’arrive pas à se débarrasser du sentiment de chaos », selon Spaemann.

Cela vaut aussi, continue-t-il, pour le synode de la famille, dont la seconde session doit se tenir à Rome, au mois d’octobre prochain, à l’invitation du pape. Tout ce synode est pour lui une « source d’irritation », dans la mesure où le pape prendrait parti unilatéralement.

Il n’est pas du tout certain si la manière d’agir de François sera considérée, à l’avenir, comme une « avancée » ou plutôt comme un « dérapage ».

Cette interview avec Spaemann arrivera-t-elle jusqu’au pape ? De toute façon, le penseur Spaemann reproche au pape venu d’Argentine de lire peu. Trop peu.

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