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Une homélie du cardinal Burke

Le 30 mai dernier, le Cardinal Burke célébrait la Fête de St Philippe à l'Oratoire d'Oxford (4/6/2015)

>>> Biographie de Saint Philippe Neri sur le site de l’Oratoire qui lui est consacré à Hyères: oratoire-hyeres.fr/congregation-de-loratoire/saint-philippe-neri

Le Cardinal Burke a célébré une messe pontificale solennelle pour la fête de saint Philippe Neri à l'Oratoire d'Oxford, à l'occasion du 5ème centenaire de la naissance du saint.
Durant l'homélie, splendide (qui a vraiment quelque chose de ratzingérien, dans son explication des textes Sacrés dans les lectures du jour, qui, tout en conservant une profonde spiritualité, prend bien soin de les ancrer dans la situation de l’Eglise ici et maintenant), le Cardinal Burke a parlé de l'exemple de Saint Philippe dans la lutte contre la culture laïque et a rappelé les paroles célèbres du Cardinal Ratzinger juste avant le conclave 2005 (la fameuse homélie lors de la Missa pro eligendo Pontefice, cf. benoit-et-moi.fr/2013-I.

Il est évidemment significatif que le cardinal conclut son homélie par une référence aux attaques dont la famille est la cible, un rappel de Benoît XVI, et un rejet vigoureux des reproches de "fondamentalisme".

Voici l'homélie, dans la traduction d'Anna. Le texte original en anglais et les photos sont issus du site New Liturgical Movement.

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Lectures du jour:
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¤ Livre de la Sagesse, ch 7, 7-14
¤ Epitre de Saint Paul apôtre aux Philippiens ch4, 4-9
¤ Jean, ch 15, 1-8

Combien de vents de la doctrine avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de modes de la pensée... La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens a été souvent ballottée par ces vagues - jetée d'un extrême à l'autre: du marxisme au libéralisme, jusqu'au libertinisme; du collectivisme à l'individualisme radical; de l'athéïsme à un vague mysticisme religieux; de l'agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour naissent de nouvelles sectes et se réalise ce que dit saint Paul à propos de l'imposture des hommes, de l'astuce qui tend à les induire en erreur (cf. Ep 4, 14). Posséder une foi claire, selon le Credo de l'Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c'est-à-dire se laisser entraîner "à tout vent de la doctrine", apparaît comme l'unique attitude à la hauteur de l'époque actuelle. L'on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs.

(Cardinal Ratzinger, Missa pro eligendo Pontefice, 18 avril 2005

Homélie du cardinal Burke

C'est pour moi la source de la joie plus profonde que d'offrir la Sainte Messe dans la Fête de Saint Philippe Neri, Fondateur et Patron de l'Oratoire, en ce cinquième centenaire de sa naissance, ici à l'Oratoire d'Oxford. J'exprime au très Révérend Père Daniel Seward, Prévôt et Curé de la Paroisse, ma très profonde gratitude pour l'invitation à célébrer la Messe Pontificale à l'occasion de la Solennité, et je remercie tous les Pères de l'Oratoire de leur hospitalité chaleureuse et généreuse.

Je remercie Dieu pour l'occasion extraordinaire de pouvoir invoquer, par l'intercession de Notre Dame et de Saint Philippe, Ses bénédictions abondantes sur l'Oratoire d'Oxford, sur sa vie et son œuvre si importants. D'une manière particulière, je demande à Dieu de bénir l'Université d'Oxford, centre renommé de formation pendant des siècles, et de le rendre généreusement réceptif au ministère sacerdotal qui est ici offert grâce à l'exemple et à la protection de Saint Philippe Neri.

Je remercie de leur présence les Chevaliers et les Dames de Malte, dont je m'honore d'être le Cardinal Patron. Puisse ma visite être pour eux la confirmation de la double mission de notre Ordre à Oxford, la défense de la foi et l'aide aux pauvres.

À travers la Parabole de la Vigne et des Sarments, notre Seigneur exprime la réalité de notre communion avec Lui dans l'Église, dès le baptême. Lui seul est notre salut, et il a choisi d'unir nos cœurs à son glorieux Cœur transpercé. De son trône à la droite du Père, en permanence et sans mesure, il répand de Son Cœur dans nos cœurs les sept dons de l’Esprit Saint. Il demeure parmi nous car l'Esprit Saint demeure dans l'Église, son Corps Mystique, dans les cœurs de Ses membres vivants. Écoutons encore les paroles claires et fermes de notre Seigneur dans la Parabole:

"Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits: car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire". (Jn, 15,5)

L'exhortation de Saint Paul de mettre de côté toute anxiété et d'adresser notre prière confiante à Dieu est solidement fondée dans la parole du Christ, dans la réalité de notre vie en Lui. Nous pouvons avoir la certitude que "la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. (Phil. 4, 8)

Comme les sarments vivants greffés dans le Christ, qui est la Vigne, nos vies sont ordonnées et remplies de vie, afin que nous produisions le fruit pour lequel Dieu nous a créés à son image et ressemblance. Dieu le Vigneron, qui nous a donné la vie dans Son unique Fils, nous émonde, nous, Ses Branches, afin que nous demeurions vivants dans le Christ et "portions davantage de fruits" (Jn. 15,2). L'émondage de la souffrance, du repentir et de la réparation nous donne la certitude qu'en dépit de nos craintes, doutes, erreurs et péchés, le Christ vit en nous et nous conduit toujours davantage vers "tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui est de bonne renommée" (Phil, 4, 8). Dieu le Père nous attire a Lui, à l'excellence de Son Être, à qui nous participons grâce à Son amour miséricordieux, abondant et inépuisable. Si nous pensons, comme Saint Paul nous y incite, à "ce qui est plein de vertu", à "ce qui est digne de louange" (Phil. 4,8), nous sommes amenés à leur source dans le Fils Incarné de Dieu, notre Seigneur et Sauveur. Saint Paul nous demande en effet d'imiter sa propre obéissance à la grâce qui jaillit du Cœur du Christ dans son cœur afin que nous vivions en Dieu, comme les véritables sarments de la Vigne: "Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous m'avez entendu dire et vu faire à moi-même, pratiquez-le, et le Dieu de paix sera avec vous." (Phil. 4, 9)

Dans le Christ, la Parole qui s'est fait chair, nous comprenons de plus en plus la vérité, la beauté et la bonté de toutes choses. L’auteur sacré du Livre de la Sagesse, anticipant l'Incarnation du Verbe par laquelle le Père a créé toutes les choses et les soutient dans leur être, nous raconte comment la sagesse de Dieu lui a révélé la source pérenne de son attraction vers les réalités créées:

"J'ai aimé [la sagesse] plus que la santé et la beauté;
j'ai préféré la posséder plutôt que la lumière,
car son flambeau ne s'éteint jamais.
Avec elle me sont venus tous les biens
et des richesses innombrables sont dans ses mains.
Et je me suis réjoui de tous ces biens, car la sagesse les amène avec elle;
j'ignorais pourtant qu'elle en était la mère." (Sagesse 7, 10-12)


Dans le Christ seul, par la vérité de Son enseignement et l'amour de Sa discipline, nous connaissons la Sagesse de Dieu. Par le Christ seul, les sept dons du Saint Esprit, qui est sa Sagesse première, sont déversés sans cesse et sans mesure dans nos cœurs.

Saint Philippe Neri a été greffé par Dieu le Père dans la Vigne vivante de Son Fils Unique, d'une manière remarquable et à un degré héroïque. En célébrant le cinquième centenaire de sa naissance, nous réfléchissons à la corruption du monde de la Renaissance dans lequel il était né. Jeune vertueux et bon, il aurait pu facilement abandonner la bonté du Christ et conduire une vie mondaine, selon les attentes de la culture où il vivait. Mais il connut le Christ, source de toute grâce, et à son appel il renonça à ce qui qui était considéré comme un avenir économique solide pour s'abandonner complètement au Christ. Bien que doué pour l'étude de la philosophie et de la théologie, il comprit que son appel était pour évangéliser directement, pour conduire les autres au Christ, leur transmettant les vérités de la foi et sa beauté dans la vie de prière et, surtout, dans le culte divin.

À la Pentecôte de 1544, dans les Catacombes de Saint Sébastien, il reçut du Christ non seulement la confirmation de son appel mais la grâce d'accomplir sa mission. La "boule de feu" que Saint Philippe vit entrer dans sa bouche et qui agrandit son cœur pour un plus grand amour de Dieu et de tous les fils de Dieu se manifesta plus tard dans la lumière que Saint Philippe apporta à la Ville de Rome qui, à l'époque, était enveloppée dans une si grande obscurité. Le Christ a ainsi intensifié la vie du Saint Esprit que le cœur de Saint Philippe abritait en vue du salut de beaucoup d'âmes, non seulement par son activité apostolique, mais aussi par la continuation de son activité apostolique dans la Congrégation de l'Oratoire, la compagnie de ses fils spirituels.

Lorsqu'on réfléchit à la grande richesse de sa vie apostolique, on est toujours conduit à la source de sa sainteté héroïque: Jésus Christ vivant dans son cœur par l'effusion de l’Esprit Saint. Ce que Saint Philippe écrivit dans une lettre à sa nièce est un reflet de sa vie quotidienne, dans laquelle il s'efforçait de vivre plus pleinement et parfaitement. Il lui écrivit ces mots:

"Que Dieu te donne la grâce de pouvoir te rassembler en Son amour divin, et d'entrer si profondément par la blessure de Son côté dans la Source vivante du Dieu fait homme, que tu puisses anéantir toi-même et tout amour de toi, et ne plus jamais trouver la voie pour en sortir".

Saint Philippe avait réellement, par la grâce de Dieu, donné son propre cœur dans le glorieux Cœur transpercé de Jésus, et il y trouva la purification du péché et la vivification de l'amour divin. Comme il exhortait sa nièce, ainsi il vécut, de façon à ne jamais "trouver la voie" pour sortir du Cœur de Jésus.

C’est ainsi que nous comprenons ainsi l'exhortation constante de Saint Philippe à pratiquer l'humilité et la purification de toute forme d'amour de soi, afin que la grâce qui vient du Cœur de Jésus puisse vivifier le cœur de l'homme.
C’est ainsi que nous comprenons aussi l'importance que Saint Philippe attribuait aux rencontres spirituelles où les vérités de la foi sont méditées, à l'étude des vies des saint où ces mêmes vérités se manifestent par l'héroïque sainteté de vie, et aux Sacrements, surtout la Pénitence et la Sainte Eucharistie où nous rencontrons réellement le Christ, la Voie, la Vérité et la Vie.

C’est ainsi que nous pouvons également comprendre la forme particulière de la vie apostolique que Saint Philippe avait établie pour ses frères de l'Oratoire. Il voulait que leur vie ressemble autant que possible à la vie commune des Apôtres pendant la vie publique du Christ. La communauté de l'Oratoire est formée par la grâce du Christ et en Sa personne chaque Oratorien exerce Sa charité pastorale à l'égard des âmes des tous les hommes. Je rappelle les paroles de Saint Jean-Paul II, que nous voyons données en exemple dans la vie de Saint Philippe Neri et dans sa fondation de l'Oratoire:

"Le principe intérieur, la vertu qui anime et guide la vie spirituelle du prêtre, en tant que configuré au Christ Chef et Pasteur, est la charité pastorale, participation à la charité pastorale du Christ Jésus : don gratuit de l'Esprit Saint, et, en même temps, engagement et appel à une réponse libre et responsable de la part du prêtre."

Les manières parfois excentriques de Saint Philippe étaient, me semble-t-il, sa façon de toujours mettre en évidence que c'était le Christ qui agissait en lui, pour que ses frères et les fidèles ne pensent pas que c'était Philippe, au lieu du Christ, qui accomplissait la mission de salut. De la même façon, il me semble que la simplicité de la structure canonique de l'Oratoire, avec son insistance sur la vie commune, avait le but de manifester le Christ aux autres de la manière la plus directe possible, et de rappeler à la compagnie des Oratoriens que, malgré les dons particuliers de chacun, c'est toujours le seul Christ qui reste Chef et Pasteur du Troupeau, Celui qui accomplit la mission.

En célébrant le cinquième centenaire de la naissance de Saint Philippe Neri, prenons comme exemple particulier la manière dans laquelle il affrontait la culture sécularisée et donc corrompue.
Implorons son intercession car nous affrontons nous-mêmes une culture où les vérités les plus fondamentales, la vérité sur la vie humaine et la vérité sur son berceau qui est la famille constituée dans le mariage, sont systématiquement ignorées, bravées et gravement violées.

Je rappelle comment le cardinal Joseph Ratzinger aborda la culture sécularisée contemporaine lors de la Messe pour l'Élection du Romain Pontife, célébrée avant le conclave où il allait être élu au Siège de Pierre. Il parla de la façon dont "la pensée de nombreux chrétiens" était à notre époque, ballottée par différents "courants idéologiques", constatant que nous sommes témoins du "mensonge humain et de la supercherie qui visent à attirer les gens dans l'erreur", dont Saint Paul parlait dans la Lettre aux Éphésiens. Il observa que, de nos jours, ceux qui vivent selon "une foi claire fondée sur le Credo de l'Église" sont considérés comme des fondamentalistes, des extrémistes, tandis que le relativisme, c'est à dire "se laisser ballotter ici et là, entrainés par chaque vent de doctrine " est exalté.
Concernant la source des graves maux moraux de notre temps, il conclut: "Une dictature du relativisme se constitue, qui ne reconnaît rien comme définitif et dont le but ultime consiste uniquement dans la satisfaction de son propre égo et ses désirs".

Appelés à transformer le monde dans le Christ, avec Saint Philippe Neri, adressons-nous au Christ, à Sa vérité et son amour qui nous sont transmis dans Son Corps Mystique, l'Église. Pratiquons l'humilité qui reconnaît que seule la grâce de Dieu nous sauve de nos péchés et nous remplit de l'amour pur et dévoué qui vainc le péché et la mort éternelle. Suivons le conseil que Saint Philippe Neri donna à sa nièce. Entrons avec nos cœurs dans le Sacré Cœur de Jésus, à travers l'ouverture de Son glorieux Côté transpercé, et efforçons nous, par la prière et la pénitence, de ne jamais quitter la seule maison où il y ait pour nous pardon, paix et force. Ce n'est pas du fondamentalisme. Ce n'est pas de l'extrémisme. C'est vivre dans le Christ, dans la Sagesse de Dieu. Comme le Christ a sanctifié les temps de Saint Philippe par une abondante effusion des sept dons de l’Esprit Saint dans le cœur de Saint Philippe, qu'Il sanctifie aussi notre époque par l'effusion de l’Esprit Saint dans nos cœurs.

Le Christ descend à présent de Sa maison céleste pour faire Sa maison avec nous, pour actualiser sacramentellement Son Sacrifice sur le Calvaire par lequel il nous libère du péché et nous renforce avec l'incomparable fruit du Sacrifice: Son Corps, Sang et Divinité. À travers Son glorieux Côté transpercé, offrons à présent nos cœurs à Son Cœur Sacré. Suivant l'exemple de Saint Philippe Neri et aidés par ses prières, puissions-nous trouver dans le Cœur Eucharistique de Jésus la guérison et la force pour transformer nos vies, pour transformer la culture qui voudrait nous entrainer loin de ce Cœur Très Saint.

Cœur de Jésus, source de vie et de sainteté, ayez pitié de nous.
Notre Dame de Walsingham, priez pour nous.
Saint Joseph, Père Putatif de Jésus et vrai Époux de la Vierge Marie, priez pour nous.
Saint Philippe Neri, Fondateur et Patron de l'Oratoire, priez pour nous.

Raymond Leo, Cardinal Burke

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