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Benoît XVI, la joie de croire

Le 19 avril 2005 de Chantal et Paul Colonge. Et une petite leçon de déontologie aux journalistes qui confondent information et ragots, et qui n'hésitent pas à donner la parole à ceux qui ont brisé le secret du Conclave

J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais de la magnifique biographie de Benoît XVI qu’un couple d’universitaires germanistes, Chantal et Paul Colonge a publiée en 2011 sous le titre « La joie de croire » (benoit-et-moi.fr/2011-II).

Dans la série des « mon 19 avril », j’ai eu l’idée de ressortir le gros volume (qui est en fait parmi mes livres de chevet) et de scanner le bref mais très intense et très personnel récit qu’ils font de ce jour mémorable.
En principe, j’aurais pu m’arrêter en bas de la première page du chapitre intitulé « Avril 2005 », mais à la réflexion, j’ai rajouté un petit supplément, qui témoigne chez les auteurs d’un sens de la déontologie souvent absent chez les écrivains, même catholiques, et évidemment encore plus chez les journalistes qui couvrent les sujets religieux (je ne parle même pas des autres...).
J’en veux pour preuve ceux qui, pour commémorer le dixième anniversaire de l’élection, n’ont rien trouvé de mieux que d’exhumer des articles de 2005 dévoilant les prétendus secrets du Conclave, allant jusqu’à accréditer l’idée (reprise par certains blogs) que le cardinal Ratzinger devrait son élection à ... Jorge Mario Bergoglio.
Emblématique à cet égard l’ « hommage » de La Croix (sous le titre IL Y A DIX ANS, BENOÎT XVI ÉTAIT ÉLU) que me signale Marie-Christine - qui ajoute ce commentaire: «C'est beau le secret du Conclave et les serments des princes de l'Eglise sur l'Evangile!»

LE DÉROULEMENT DU CONCLAVE DE 2005
À cette occasion du 10e anniversaire de l’élection de Benoît XVI, le vaticaniste Luigi Accattoli a posté à nouveau sur son blog le texte qu’il avait publié le 23 septembre 2005 dans lequel il avait reconstruit, à force de recouper ses sources, le déroulement du conclave de 2005.
Selon le journaliste italien, les cardinaux Ratzinger et Bergoglio arrivaient en tête, avec respectivement 47 et 10 votes lors du premier scrutin du 18 avril après-midi. Le quorum étant de 77 votes, il manquait donc 30 voix au cardinal Ratzinger pour être élu.

PENDANT LA PAUSE DÉJEUNER
Au deuxième tour, les votes exprimés pour Bergoglio atteignaient 40. Si bien qu’au troisième scrutin, ces 40 votes auraient été suffisants pour bloquer l’élection de Ratzinger. Mais le cardinal argentin, effrayé par la comparaison avec le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait profité de la pause du déjeuner pour conjurer ses partisans de ne pas voter pour lui. C’est ainsi qu’au quatrième et dernier scrutin, le cardinal Ratzinger a été élu avec 84 voix.

Ainsi donc, c’est tout ce dont La Croix se souvient de cette journée extraordinaire, et tout ce qu'elle trouve à dire de huit ans de pontificat !!!

La Joie de Croire
Avril 2005

Chantal et Paul Colonge, éditions du Cerf, 2011, pp 275 et suivantes
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19 avril 2005.
Cette date marque, pour beaucoup d'entre nous, un immense souvenir. Nous nous souvenons avec émotion, pour notre part, de ce mardi, vers 18 h 30, où nous avons soudain entendu sonner, à toute volée et longuement, les cloches de notre cathédrale de Lille, Notre-Dame-de-la-Treille. A cette heure insolite, elles ne pouvaient annoncer que l'élection du nouveau pape. Nous ne l'espérions pas si rapide ! Nous nous sommes aussitôt précipités vers notre téléviseur, qui s'est allumé au moment même où le cardinal protodiacre apparaissait au balcon de Saint-Pierre. Le cœur battant, nous l'avons entendu prononcer le fameux : «Annuntio vobis gaudium magnum. » On attendait, en retenant son souffle. Lorsqu'il a prononcé ensuite le prénom « Josephum », on a immédiatement compris, puis le nom, « Ratzinger » leva toute hésitation, et, comme les milliers de fidèles et de spectateurs présents sur la pLace Saint-Pierre, nous avons applaudi frénétiquement - tout bonnement, devant notre poste de télévision.
Et les applaudissements redoublèrent, évidemment, lorsqu'il apparut au balcon, revêtu en hâte d'une soutane blanche qui ne lui allait pas très bien avec un camail mal ajusté, et les manches de sa chemise noire qui dépassaient sur ses poignets. Cela avait quelque chose de touchant, et nous fûmes tous encore plus touchés quand nous l'entendîmes prononcer, au balcon de Saint-Pierre, ses premières paroles de pape - ces paroles humbles, modestes, un peu timides, de celui qui prenait le gouvernail de l'Église avec le courage et l'humilité d'un simple vendangeur allant travailler dans la vigne de Dieu, en faisant pleine confiance à son Seigneur. Ces premières paroles du nouveau pape sont si belles, et ont tant frappé les esprits, que nous ne pouvons nous empêcher de les rappeler ici:

Chers frères et soeurs, après le grand pape Jean-Paul, Messieurs les cardinaux m'ont élu, moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Ce qui me console, c'est que le Seigneur sait agir même avec des instruments insuffisants. Aussi, je me recommande avant tout à vos prières. Dans la joie du Seigneur Jésus-Christ ressuscité, et pleins de confiance en son aide constante, allons de l'avant. Notre Seigneur Dieu nous aidera, et sa très sainte Mère Marie sera aussi à nos côtés. Merci.

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Nous ne nous attarderons pas ici sur les détails de ces journées, sur ce qui a pu transpirer des conversations cardinalices pendant ces jours, ni même sur la messe solennelle Pro eligendo Pontefice à la basilique Saint-Pierre, le 18 avril, avant l'ouverture du conclave. Certains ont vu dans l'homélie du cardinal Ratzinger en ce jour-là une sorte d'acte de candidature à ce poste si difficile. Mais il n'en était rien, bien sûr. S'il dressait un sombre tableau de la situation, par lequel il ne craignait pas de déplaire, - preuve qu'il ne cherchait pas à monter sur le trône de Pierre -, en évoquant tous ces « -ismes » menaçants, dont le relativisme, aussi bien que l'athéisme et l'agnosticisme n'étaient pas les moindres, il ne voulait pas dire qu'il se voyait capable de les affronter, mais il souhaitait faire réfléchir ses confrères sur l'importance de leur choix : il veut leur en donner une conscience aigüe. Il ne faudrait pas opter pour un personnage incapable de remédier à une situation si difficile à gérer. La barque de 1'Église était en grand danger. Il importait donc de voter avec beaucoup de prudence et de discernement... Il fut très bien entendu, on le sait. Mais de tout cela, les journalistes ont tellement parlé !
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Nous ne parlerons pas davantage, évidemment, du conclave même, sur lequel les cardinaux sont tenus au secret, et d'où, par conséquent, rien, en principe, ne doit transpirer
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