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Conversation avec le cardinal Ratzinger

Une interviewe de Radio Vatican datant de 2001, au moment de la sortie du second livre d'entretiens avec P. Seewald, et au lendemain du 11 septembre

Antonella Palermo de Radio Vatican, s'était entretenue avec le cardinal Ratzinger peu de temps après la sortie en Italie du livre-interview avec Peter Seewald paru en français sous le titre "Voici quel est notre Dieu", publié deux jours après les attentats du 11 septembre 2001.
A l'époque, la guerre menée par les USA contre le terrorisme en Afghanistan entrait dans son deuxième mois, et une partie de l'interview lui était consacrée - le cardinal répondant aux questions sur sa conception de la «guerre juste».
L'interview avait été réalisée en italien, et après le 19 avril 2005, elle avait été republiée dans la section en anglais, d'où je l'avais traduite (à relire ici: benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/conversation-avec-le-cardinal-ratzinger). On peut entendre ici la version audio de l'article, la voix du cardinal est malheureusement couverte par la traduction: en.radiovaticana.va/storico/2013/02/files/audiomp3/00359442.MP3.

Je viens de trouver sur un très beau site en italien (le titre, à lui seul, justifierait mon enthousiasme!!!! "Ridateci Ratzinger" - Rendez-nous Ratzinger) une version légèrement différente, avec d'autres échanges qui n'avaient pas été repris en anglais.
L'évocation de Jean Paul II est particulièrement émouvante.

Pour moi, la bonté implique la capacité de dire "non"

http://papst.pro/it/s/2976/
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[Q: Que dirait le cardinal Joseph Ratzinger à propos de lui-même s'il avait à peindre un autoportrait? ]
R: Un autoportrait serait impossible, il est difficile de se juger soi-même. Je peux seulement dire que je viens d'une très simple, très humble famille et donc je ne me sens pas vraiment un cardinal. Je me sens un homme simple. En Allemagne, je vivais dans une petite ville avec des gens qui travaillent dans l'agriculture, l'artisanat et là je me sens chez moi. En même temps j'essaie d'être comme cela aussi dans mon office. Si je réussis, ce n'est pas à moi de le dire. Je me souviens toujours avec beaucoup d'affection de la bonté profonde de mon père et de ma mère et naturellement pour moi la bonté implique aussi la capacité à dire «non» - parce que la bonté qui laisse tout aller peut ne pas être bonne pour l'autre. Parfois, la bonté peut aussi signifier dire «non» et donc risquer la contradiction. Mais même cela doit être vraiment nourri, non par un sentiment de puissance, de revendication, mais doit venir de la bonté ultime: le désir de faire du bien aux autres. Ce sont mes critères, c'est mon expérience - d'autres doivent y ajouter ce qu'ils veulent.

Q: Vous avez peur de Dieu?
R: Je n'ai pas peur de Dieu parce que Dieu est bon. Bien sûr, je suis conscient de ma faiblesse, de mes péchés. En ce sens, il y a une crainte de Dieu qui est différente de la peur comprise dans le sens humain. Saint Hilaire dit: «Toute notre peur est dans l'amour.» Ainsi, l'amour implique non pas la peur, mais, disons, le souci de ne pas s'opposer au don de l'amour, de ne rien faire qui pourrait détruire l'amour. En ce sens, il y a autre chose qui n'est pas la peur: c'est la révérence (le profond respect), beaucoup de révérence, de sorte qu'on se sent obligé de bien répondre à cet amour et de ne rien faire qui pourrait le détruire.

Q: De nombreuses années à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en contact étroit avec Jean-Paul II: vos souvenirs les plus forts ...
R: Les souvenirs les plus forts sont liés aux rencontres avec le pape dans les grands voyages; puis au grand drame de la théologie de la libération, où nous avons cherché la voie juste; et puis tout l'engagement œcuménique du Saint-Père, cette recherche d'une grande ouverture de l'Eglise dans laquelle en même temps elle ne perde pas son identité. Les rencontres normales avec le Pape sont peut-être la plus belle expérience parce que là, on parle cœur à cœur et nous voyons l'intention commune de servir le Seigneur, et nous voyons comment le Seigneur nous aide à trouver de la compagnie dans notre voyage: parce que rien n'est fait seulement par moi, et c'est très important, ne pas prendre seulement des décisions personnelles, mais dans une grande collaboration. C'est toujours dans un chemin de communion avec le Pape qui a une grande vision de l'avenir. Il me confirme et me guide sur mon chemin.

Q: Mais comment est le pape, y a-t-il quelques adjectifs qui pourraient nous le rendre encore plus familier ...
R: Le Pape est surtout très bon. C'est un homme qui a un cœur ouvert, un homme qui aime à plaisanter, avec qui on peut parler joyeusement et de façon détendue. Nous ne sommes pas toujours sur les grands nuages, nous sommes dans cette vie ... Cette bonté personnelle du pape me convainc toujours à nouveau, sans oublier sa grande culture, sa normalité et le fait qu'il a les deux pieds sur le terrain.

Q: Vous dites que l'Église «n'a pas encore effectué le saut dans le présent»: que voulez-vous dire?
R: Il y a encore à faire un grand travail de traduction des grands dons de la foi dans le langage d'aujourd'hui, dans la pensée d'aujourd'hui. Les grandes vérités sont les mêmes: le péché originel, la création, la rédemption, la vie éternelle ... mais beaucoup de ces choses s'expriment encore avec une pensée qui n'est plus la nôtre et nous devons les faire arriver dans la pensée de notre temps et les rendre accessibles pour l'homme, afin qu'il voie vraiment la logique de la foi. C'est un travail à faire.

Q: Que faut-il dire aux nouvelles générations?
R: Qu'elles doivent avoir confiance, que l'Église est toujours jeune et que le futur appartient toujours à l'Eglise. Tous les autres régimes qui semblaient beaucoup plus forts sont tombés, ils n'existent plus, survit l'Église; toujours, une nouvelle naissance appartient aux générations. Confiance, là est réellement le bateau qui mène au port.

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