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Le legs de Benoît XVI

Un entretien datant d'avril 2008 avec le fondateur des éditions Ignatius, le Père Jésuite Joseph Fessio

Cet hommage, écrit à la veille du voyage aux Etats-Unis, prolonge ceux qui ont salué le quatre-vingtième anniversaire de Benoît XVI, et le dixième de son élection au Pontificat.
Je l'avais trouvé sur le site de Teresa (ICI; on trouve aussi sur cette page de nombreuses pépites)

Le pape Benoît XVI a déjà un legs qui va durer des siècles.
Il l'a apporté avec lui quand il est devenu Pape

Julie L. RATTEY
Catholic Digest
Avril 2008
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En 1974, Joseph Fessio était un doctorant en théologie à la recherche d'un directeur de thèse. Il demanda à une connaissance s'il avait des suggestions à lui faire.

«Eh bien, déclara le prêtre, il y a une très bon jeune théologien à l'Université de Ratisbonne, le Père Joseph Ratzinger».

Le reste, comme on dit, appartient à l'histoire. Non seulement Fessio est devenu l'un des futurs étudiants du Pape, mais quand il fonda Ignatius Press en 1978, il est également devenu l'éditeur d'une grande partie du travail du pape - 45 livres à ce jour.

En vue de la prochaine visite de Benoît XVI aux États-Unis, Catholic Digest a interrogé récemment le Père Fessio sur ce que cela faisait d'étudier avec le futur pape, comment il pense que le pape est mal compris, et ce que cela représente d'être l'éditeur du pape .
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CD: Quelles ont été vos premières impressions sur Joseph Ratzinger lorsque vous l'avez rencontré en 1974 à Ratisbonne ?
FESSIO: A cette époque, il devait avoir autour de 45 ans, et il était déjà très mûr dans sa pensée et dans sa personne. C'est le même que j'ai toujours connu. Il est très aimable, très réceptif - il écoute très bien - et très aimable. Bien sûr, il est très intelligent et a un merveilleux sens de l'humour. Et il est également très transparent.
Une des raisons pour lesquelles beaucoup de ceux qui le connaissent ont été si heureux quand il a été élu pape, c’était qu’ils ont réalisé, « maintenant le monde va savoir ce que nous savons - quel genre de personne il est ».

CD: Certes, le public ne connaît pas le Pape Benoît XVI autant que son prédécesseur, et nous avons une idée limitée de ce qu'il est au quotidien. Quels détails sur le Pape Benoît XVI pourraient, selon vous, surprendre les gens, dans le bon sens?
FESSIO: D'une certaine façon, je ne pense pas qu'il y ait encore des surprises. Quand il a été élu en avril 2005, les gens m'ont dit: «Eh bien, qu'est-ce que vous pensez qui va se passer? Le pape est impitoyable en matière de discipline, quelqu'un de dur, le 'rottweiler de Dieu' ».
J'ai dit: «Eh bien, non, vous allez être surpris ».
Et quelques jours plus tard, on m'a demandé: «Eh bien, mon Père, qu'est-ce qui a causé ce grand changement? »
J'ai répondu: «Rien n'a changé, sauf que vous voyez maintenant qui il est vraiment »

CD: Vous avez parlé de sa gentillesse, de son sens de l'humour. Avez-vous des exemples de ces qualités, tout particulièrement des anecdotes qui vous viennent à l'esprit?
FESSIO: On m'a posé cette question plusieurs fois et elle me trotte dans la tête. Mais vous savez, ce n'est pas le genre de personne qui se met à sauter, ou à faire quelque chose de surprenant dont vous vous souvenez. C'est juste une sorte de présence constante.
Lorsque vous célébrez la Messe avec lui, il y a un sens du sacré que vous ne pouvez pas expliquer. Et quand il délivre ses homélies, apparemment sans aucune note, elles sont si organisées et si belles. Ou bien à la fin d'un séminaire, après avoir écouté l'ensemble de ses élèves, il vous résume les choses et, vous savez, vous pourriez l'écrire tel quel et le publier comme article. Il pense si clairement, organise si bien sa pensée. Mais je ne peux pas penser à telle ou telle chose qui se démarque.

CD: Comment le trouviez-vous comme professeur et mentor?
FESSIO: Dans les séminaires et les cours, il était certainement un professeur exceptionnel, c'est pourquoi il avait beaucoup d'étudiants et de nombreux étudiants en doctorat.
Ensuite, quand il a été nommé Archevêque de Munich-Freising en 1977, ses étudiants en doctorat ont décidé de former un groupe d'anciens appelée Schülerkreis. Nous nous réunissions chaque année pour discuter de certains thèmes théologiques et faire venir quelques orateurs. Nous l'avons donc fait chaque année depuis lors. Cela a été un moyen de le connaître un peu mieux.
Puis, en 1989, avec trois des prêtres et j'avais rencontré par le cardinal Ratzinger et avec lui comme notre "patron", nous avons créé à Rome un institut de formation appelé Casa Balthasar. Nous devions le rencontrer chaque année, de sorte de sorte que j'ai eu la chance de le voir personnellement de beaucoup plus près, et en privé. Dans tous ces contacts, il était toujours le même, très chaleureux et très ouvert. Il donne à chacun l'impression qu'il n'a pas d'arrogance, ou de fierté. Il est juste très naturel avec nous.
C'est un peu plus formel maintenant qu'il est pape. Nous avons un discours et puis nous discutons. Ensuite, il va à la rencontre de petits groupes, ou en privé s'il y a des points particuliers dont il veut parler avec nous.
Et puis, bien sûr, la messe avec lui est toujours belle.
Mais ce qu'il y a de "chouette", c'est que nous faisons un pique-nique dans le Jardin de Castel Gandolfo, un déjeuner en plein air. Le cadre est magnifique, le temps est magnifique en Septembre, et c'est un très beau, et très agréable repas avec de bons plats, du bon vin, de l'eau pétillante. C'est bon, simplement de le voir heureux dans un environnement informel.

CD: Y a t-il des idées que vous pensez avoir découvertes sous sa tutelle, et qui ont été importantes pour vous dans votre parcours théologique ou dans votre vie en général?
FESSIO: Je dirais deux choses: l'une générale, une plus spécifique.
De façon générale, lui, le Père et Hans Urs von Balthasar et le Père Henri de Lubac (ces deux derniers étaient de très proches amis qui l'ont influencé), m'ont inspiré un grand amour pour l'étendue de la tradition de l'Eglise - non seulement en théologie, mais aussi en philosophie, littérature et histoire et beaux-arts.
Plus précisément, le Saint-Père est vraiment, vraiment un homme de liturgie. Il est né le matin du samedi Saint, vers 4h15 heures du matin. A cette époque, ils avaient la Veillée pascale à 8 heures du matin. Ainsi, il est allé de l'endroit où il est né jusqu'à l'église et il a été baptisé.
Et il a toujours considéré cela comme un signe de Dieu lui demandant de faire que sa vie soit immergée et centré dans la liturgie. Il est apparu dans son discours, puis quand il a été élu pape, que la messe serait le coeur de son pontificat. Ses idées sur la messe ont eu une énorme influence sur moi.

CD: Une idée en particulier?
FESSIO: Une idée très symbolique, qui émerge: la plupart des gens pensent que le Concile Vatican II a aboli le latin et a demandé que l'autel soit retourné pour dire la messe face au peuple. Mais en fait, Vatican II a demandé le maintien du latin avec un peu de vernaculaire pour les lectures et autres, et ne dit rien du tout sur la direction de la prière.
Eh bien, dans "L'esprit de la Liturgie", il y a tout un chapitre sur l'orientation de la prière et il dit vraiment que l'idée du prêtre face au peuple était basée sur des erreurs historiques, et que dans la mesure du possible, nous devrions restaurer l'ancienne tradition de faire face au Seigneur ensemble, en face du soleil levant, pendant la messe
Donc, c'est une très grande idée qui gagne de plus en plus de soutien au fur et à mesure que le temps passe. Il l'a mentionnée durant la veillée du Samedi Saint, il y a quelques semaines.

CD: Comment le fait de travailler avec le pape au cours des années sur ses livres a-t'il influencé votre foi?
FESSIO: Je suis un vieux barbon (??) (CURMUDGEON), Julie, dans la mesure où j'étais catholique au berceau, j'ai toujours accepté les enseignements de l'Église et toujours essayé de mieux les comprendre. Et je suppose que c'est bien de me donner l'encouragement de savoir qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus talentueux que moi et qui peuvent dire les choses de façon si belle, et faire savoir clairement ce que je sais déjà dans mon coeur, et ouvrir de nouvelles perspectives pour moi.

CD: Quel a été votre réaction lorsque vous avez entendu que Benoît allait venir aux États-Unis ?
FESSIO: J'étais heureux. Il n'aime pas voyager et je le sais. Il s'agit d'une obligation, qu'il accepte de bonne grâce.

CD: Pourquoi le Pape n'aime-t-il pas voyager?
FESSIO: Parce qu'il aime jouer du piano, lire et écrire. C'est un érudit. Et surtout voyager à travers l'Atlantique, un long voyage, c'est un fardeau. Il va avoir 81 ans.

CD: Quel résultat espérez-vous de la visite pour les catholiques américains ou pour les Américains en général?
FESSIO: Je pense que parce que les gens aiment avoir un événement ou un pèlerinage ou quelque chose comme cela, beaucoup de gens vont regarder parce que c'est un événement et ils vont voir cette personne qui incarne vraiment ce qu'un chrétien devrait être .
Je pense que dans un pays où nous avons eu tellement de scandales avec des dirigeants qui semblent manquer de courage, de voir que quelqu'un qui est dans la position la plus haute dans l'Eglise catholique est un homme comme celui-là - vraiment intelligent, compréhensif, et qui semble vraiment être tout à fait saint- que ce sera une grande bénédiction pour les gens.

CD: Est-ce qu'il y a quelque chose que vous souhaiteriez ajouter?
FESSIO: Juste une chose. Jean-Paul II a été élu à l'âge de 58 ans et il était encore très jeune et énergique. Benoît XVI a été élu à l'âge de 78 ans et, de toute évidence il ne peut pas faire tout ce que Jean-Paul II a fait comme pape jeune.
Mais les gens disent: «Quel sera son héritage?" Et je dis qu'il l'a déjà apporté avec lui. C'est à dire, tout le travail qu'il a fait, est devenu maintenant beaucoup plus répandu et mieux connu. Et c'est un grand héritage.
Il a été en mesure de répondre aux questions de notre époque sur la foi et de donner essentiellement raison à la foi - que cela peut toucher l'homme moderne, contemporain.

J'espère donc qu'il aura une longue papauté. Mais il a déjà un héritage qui, je crois, va durer pendant des siècles.

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