Page d'accueil | Pourquoi ce site

Une rencontre inoubliable entre père et fils

Mgr D'Ambrosio, archevêque de Lecce, dans les Pouilles, a rendu visite à Benoît XVI à Mater Ecclesiae en février dernier. Traduction de son très beau récit

(Merci à Gloria, du Benedetto XVI Forum: le récit est sur le site de l'archidiocèse de Lecce )

Ci-dessus: Mgr D'Ambrosio aux côtés de Benoît XVI et du cardinal Salvatore De Giorgi le 21 juin 2009 à San Giovanni Rotondo

La rencontre de l'Archevêque D'Ambrosio avec le Pape émérite

www.diocesilecce.org/lincontro-dellarcivescovo-dambrosio-con-il-papa-emerito-benedetto-xvi/

«Une conversation entre père et fils. Belle, authentique, riche de sens».
«Pendant plus d'une demi-heure sa main posée sur la mienne».

Le cadeau de Papa Ratzinger: les Opera Omnia «Jésus de Nazareth».

«A 12h30, le Saint-Père est venu à ma rencontre, marchant à petits pas, vêtu de blanc et sa canne à la main»
«Son pontificat a été plutôt difficile et je pense qu'il a souffert des nombreuses lectures déformées qui ont été faites».


(ma traduction)

Le 25 Février dernier, l'archevêque D'Ambrosio s'est rendu au Vatican pour rencontrer le pape émérite Benoît XVI, se sentant quelque peu protagoniste du récit anonyme «Compte-rendu sincère d'un pèlerin à son père spirituel»
Au terme de l'entretien, le cadeau apprécié d'un exemplaire de «Jésus de Nazareth», son œuvre littéraire la plus prestigieuse, l'édition dans un élégant coffret. Mais le cadeau le plus précieux était imprimée sur la première page du texte, la dédicace manuscrite: «A Son Excellence Mgr Domenico Umberto D'Ambrosio pour ses 25 ans d'épiscopat et ses 50 ans de prêtrise».


* * *

- Excellence, qu'est-ce qui a fait mûrir en vous l'idée de demander une rencontre avec Benoît XVI?

- Depuis quelque temps je portais en moi le désir de rencontrer le Pape émérite. L'occasion propice, ce furent mes deux anniversaires: le 25e d'épiscopat et le 50e de sacerdoce. Confiant dans une réponse positive à mon désir, j'ai écrit une lettre personnelle au pape Benoît. Je nourrissais la certitude secrète que je serais exaucé. L'été dernier, au cours de la semaine avec les jeunes prêtres, nous sommes allés en pélerinage au sanctuaire marial d'Altötting en Bavière. De là, nous avons envoyé au Pape Benoît une carte postale de souvenir et de prières avec nos signatures, accompagnée d'une lettre de moi. Quelques jours plus tard, je reçus une lettre de réponse de lui, dans laquelle il me rappelait minutieusement plusieurs détails de sa visite à San Giovanni Rotondo en Juin 2009 (ndt: lieu de pélerinage, dont l'église abrite la dépouille de padre Pio).
Un peu plus d'un mois après ma lettre, un fax de Mgr Georg Gänswein, Préfet de la Maison Pontificale et Secrétaire Particulier, m'annonçait que je je serais reçu par le pape émérite mercredi 25 Février à 12h30 pour une brève audience. J'y suis allé avec l'esprit de quelqu'un qui a reçu un don immense, en me voyant accueilli par sa tendresse, sa simplicité et sa disponibilité, impressionné par sa mémoire de fer pour se rappeler certains détails de mon service épiscopal «itinérant». Il se souvenait même de l'incendie dévastateur qui s'était déclaré il y a sept ans sur le Gargano, dont les flammes détruisirent une grande partie de la forêt et touchèrent des milliers de personnes avec quelques victimes dans mon Peschici, près de 4500 personnes qui trouvèrent refuge sur les plages entre Peschici et Vieste. Le Pape m'a demandé si j'avais eu moi aussi à souffrir de la tragédie, et je n'ai pu qu'acquiescer, faisant remarquer que c'était un pays de mon diocèse d'alors, en plus d'être mon pays natal.


- Pouvez-vous nous dire quelque chose à propos de l'état de santé du pape émérite?

- Tout d'abord, il vit vraiment dans une sorte de clôture, qu'il observe rigoureusement dans le Monastère "Mater Ecclesiae", que Jean-Paul II a fait édifier dans les Jardins du Vatican, précisément derrière le Gouvernorat, le long du chemin qui mène à Radio Vatican. Un bâtiment construit par le Saint Pontife pour avoir au cœur du catholicisme une communauté orante au bénéfice de toute l'Eglise. Le pape Benoît, après la renonciation, l'a choisi pour lui-même, pour accompagner de sa prière le chemin de l'Église. En arrivant, j'ai tout de suite remarqué l'immense silence. A 12h30, le Saint-Père est venu à ma rencontre, marchant à petits pas, vêtu de blanc et sa canne à la main. Il avait un aspect plutôt effacé et, comme une preuve de son choix fort, il portait la simple soutane blanche, avec au doigt l'anneau conciliaire, la calotte et une croix pectorale très simple.
Il m'a invité à m'asseoir à côté de lui dans le salon. Après nous être assis, il a placé sa main sur la mienne pendant toute la durée de l'entrevue, environ 35 minutes. A ce moment, j'ai senti la tendresse d'un père qui accueille un fils. Il est extrêmement lucide, je pense qu'il va assez bien, avec le poids des ans, un peu vieilli mais avec une bonne et claire mémoire qui compense tout. Il m'a également dit: «Vous avez deux pallium?» Et je lui ai répondu que oui, en expliquant que l'un était pour l'archevêque de Foggia et l'autre pour le Métropolite actuel de Lecce, et à sa grande surprise, je lui ai avoué: «Sainteté, j'ai également endossé un pallium dans le diocèse de Manfredonia-Vieste-San Giovanni Rotondo grâce à un indult de Jean-Paul II». En résumé, je peux dire que ce fut une rencontre spirituellement riche entre un homme de Dieu et un autre qui s'efforce toujours plus à l'être.


- Quel genre de réflexion, y compris de type spirituel, avez-vous échangé avec Benoît XVI?

- Nous avons parlé presque tout le temps de moi et de mon ministère. Je lui ai fait part des perspectives futures, et lui m'a fait don de beaucoup de belles indications, mais surtout de beaucoup d'encouragements, de louanges, imméritées, pour mon chemin épiscopal, mes pérégrinations et encore une fois il m'a remercié pour l'obéissance au quatrième appel.


- Les précédentes rencontres que vous avez eues avec ce pape ont été, pour ainsi dire, plus institutionnelles que celle-là, qui peut sembler plus fraternel?

- Ce fut la rencontre la plus belle, la plus authentique, la plus significative. Une conversation entre un père et son fils, où leurs coeurs se rapprochent sans obstacle et partagent les beaux moments de la vie de chacun d'eux. D'autres occasions ont été les visites ad limina, où contrairement aux trois avec Jean-Paul II, au cours desquelles j'étais plutôt inquiet, et ému, parce qu'il posait des questions en rafales et voulait tout savoir sur le diocèse, avec Benoît je me suis immédiatement senti à l'aise. De nombreuses occasions, également, en dialogue sur l'état du diocèse de Manfredonia.
Je me souviens du jour entier de la visite du pape Benoît XVI à San Giovanni Rotondo le 21 Juin 2009, quelques jours avant mon arrivée à Lecce, nous avons prié ensemble sur la tombe de Padre Pio et parlé avec une grande simplicité. À cette occasion, il s'est révélé à moi comme un authentique homme de Dieu, plus que je ne pouvais imaginer. L'argument principal de notre rencontre était Padre Pio. Je tenais à me rendre maintenant chez Benoît, aussi parce que je sentais le besoin de lui rapporter plusieurs choses au sujet de ma relation avec Padre Pio. Nous avons également parlé de mes pérégrinations épiscopales et de ma venue à Lecce: «Sainteté, j'avait une dette envers Padre Pio. L'ayant payée, je pouvais me remettre en chemin vers Lecce».

- Selon vous, quels sont les points qui caractérisent le pontificat de Benoît?

- Personnellement, je crois qu'il a continué la ligne de l'ouverture, de la richesse, de la profondeur du Magistère de Jean-Paul II, mais avec cette «compétence» particulière qui lui a permis de présenter le mystère en authentique mystagogue. En effet, j'ai toujours dit que Benoît XVI faisait parler le Parole c'est-à-dire en faisait quelque chose de vivant à travers ses homélies savantes et ses profondes encycliques, essayant de poursuivre, à travers les garanties et les certitudes, la grande ouverture de son prédécesseur Jean-Paul II. D'autre part il fut pendant plus de 20 ans, un collaborateur proche et de confiance de ce dernier, dans le Magistère et dans la doctrine, il ne pouvait donc qu'irradier cette confiance et cette sûreté théologique que seul un théologien de son calibre était en mesure d'offrir.


- A-t-il fait par hasard allusion à ses visites ici dans les Pouilles?

- Nous n'avons pas parlé de son passage dans les Pouilles, mais plutôt du diocèse de Lecce, puis qu'il m'a expressément demandé des nouvelles. Je lui ai dit: «Nous sommes un diocèse d'environ 300 mille habitants, et nous avons 20 théologiens» et il en a été très surpris. «Bien sûr, les Pouilles sont en contre-tendance avec le panorama italien car il y a une floraison de vocations qui sont notre richesse. Grâce surtout aux Petits Séminaires présents dans presque tous les diocèses et au Séminaire Théologique régional qui est le fleuron de l'épiscopat des Pouilles».
Il a insisté, m'indiquant quelques attentions envers les prêtres, m'exhortant à les écouter vraiment comme mes frères; en outre, pour moi, c'est un engagement que j'ai pris sur le lit de mort de ma mère. J'ai parlé du laïcat, lui disant qu'il est adulte, mature, issue d'une saison synodale célébrée par Mgr Ruppi, donc un laïcat prêt et disponible qui peut désormais défier et surmonter nos peurs. Finalement, timidement, je lui ai tendu la lettre que j'ai écrite aux prêtres pour mon 25ème anniversaire d'épiscopat. Et il a dit: «Je la lirai, bien sûr».


- Le monde reste très impressionné par son extraordinaire capacité à être en communion avec un Pape aussi différent...

- Je pense qu'il y a un bon dialogue entre les deux, mais je crois surtout que le pape Benoît XVI s'est placé dans l'obéissance au pape François, comme il l'a dit le jour de la renonciation.
Il est inutile et fallacieux de faire d'autres lectures, parce qu'il est vraiment en pleine et entière syntonie avec le pape actuel (ndt: il ne peut évidemment rien dire d'autre).


- Nous confirmez-vous l'humilité de Benoît?

- Je suis convaincu qu'il est déjà un saint, et tôt ou tard son nom entrera dans la foule lumineuse des Saints. Son pontificat a été plutôt difficile et je pense qu'il a souffert des nombreuses lectures déformées qui ont été faites.
Il a su s'anéantir et ainsi, il a réalisé la pleine imitation du Christ qui s'est anéanti.

  Benoit et moi, tous droits réservés