Deux nominations épiscopales

à Bologne et à Palerme. Mise au point de Sandro Magister à propos de l'"Ecole de Bologne". Il s'agit d'une querelle picrocholine purement italienne, mais pour nous français, il reste que les deux nouveaux archevêques, nommés sur des sièges cardinalices, façonnent "l'Eglise de François", et sont clairement des catholiques "progressistes"

>>> Voir aussi à ce sujet:
¤ fr.radiovaticana.va (image ci-dessous)
¤ yvesdaoudal.hautetfort.com

Bulletin VIS, 26/10/2015

Cité du Vatican, 27 octobre 2015 (VIS).
Le Saint-Père a nommé:

Mgr Matteo Zuppi, Archevêque métropolitain de Bologne (superficie 3.549, population 999.314, catholiques 948.317, prêtres 578, diacres 132, religieux 1.077), en Italie. Jusqu'ici Auxiliaire de Rome, il succède au Cardinal Carlo Caffarra, dont la renonciation a été acceptée pour limite d'âge.

Mgr Corrado Lorefice, Archevêque métropolitain de Palerme (superficie 1.366, population 916.000, catholiques 909.000, prêtres 479, diacres 41, religieux 1.249), en Italie. L'Evêque élu, né en 1962 à Ispica (Italie) et ordonné prêtre en 1986, était jusqu'ici Curé de la paroisse St Pierre de Modica et Vicaire épiscopal pour la pastorale de ce même diocèse. Il succède au Cardinal Paolo Romeo, dont la renonciation a été acceptée pour limite d'âge. Docteur en théologie, il a été économe et vice recteur de séminaire, professeur, directeur du centre diocésain régional pour les vocations et directeur du service diocésain de catéchèse.

Ecole de Bologne vs Sant'Egidio

À Bologne et Palerme, deux nouveaux archevêques. De la même «école»?

Sandro Magister
Settimo Cielo
30 octobre 2015
Ma traduction


Sur les deux nouveaux archevêques affectés personnellement par François aux siège de Bologne et de Palerme, on a déjà beaucoup écrit. Mais peut-être pas suffisamment en ce qui concerne leur appartenance réelle ou supposée à ladite "école de Bologne", l'historiographie actuelle qui a imposé au monde une lecture du Concile Vatican II en termes de "rupture" et de "nouveau départ" dans l'histoire de l'Église et qui aujourd'hui a un représentant insigne jusque dans le collège des cardinaux, l'archevêque de Manille Luis Antonio G. Tagle.

Les fondateurs de cette école étaient don Giuseppe Dossetti et Giuseppe Alberigo. Le premier fut pendant une certaine période de Vatican II le stratège des quatre cardinaux coordonnateurs, et avec l'un d'eux, Giacomo Lercaro (1), son archevêque à Bologne, il avait un lien très étroit.
Paul VI n'avait pas apprécié l'activisme de Dossetti au Concile. En effet, il le congédia et le renvoya à Bologne. Et par la suite, il hâta la démission de Lercaro, à la suite, dit-on, d'une déclaration que celui-ci avait faite contre la guerre américaine au Vietnam, en réalité parce qu'il voyait en œuvre à Bologne, de nouveau sur inspiration de Dossetti devenu vicaire général, un modèle d'Eglise "synodale" qu'il considérait comme dangereuse
Dossetti et Alberigo une fois disparus, le numéro 1 incontesté de l'"école de Bologne" est devenu l'historien de l'Eglise Alberto Melloni, qui au début du règne de François a un peu du mal à entrer dans les bonnes grâces du nouveau pape, mais qui aujourd'hui, ne cache pas sa satisfaction après la double nomination épiscopale à Bologne et Palerme.
Melloni n'apprécia certes pas de voir que François, dans une lettre d'Octobre 2013, qualifiait Agostino Marchetto de "meilleur herméneute du Concile". S'il y a eu en effet un adversaire inflexible de l'interprétation de Vatican II par "l'école de Bologne", c'est précisément l'archevêque Marchetto, diplomate à la retraite, qui s'est consacré à une contre-histoire du Concile diamètralement opposée à celle de Bologne.
Mais par la suite, les relations entre Melloni et Jorge Mario Bergoglio ont tourné au beau, grâce à la proximité croissante entre le pape et le prieur de Bose Enzo Bianchi, un autre noble père de "l'école de Bologne". De leur côté, tant Bianchi que Melloni, tous deux écrivains prolifiques, se distinguent parmi les thuriféraires les plus acharnés du pontife régnant, dans d'innombrables articles de journaux.
Un sceau de cette union a été l'audience privée que François a accordée à Melloni le 23 Juin dernier, décrit en ces termes dans le Bulletin de juillet 2015, de la Fondation pour les sciences religieuses Jean XXIII de Bologne:

«Le 23 juin, François a reçu en audience dans sa bibliothèque privée le prof. Alberto Melloni, secrétaire de la Fondation, accompagné de son épouse (..). Le Pape s'est vu remettre les volumes 1-3 des "Conciliorum Oecumenicorum Generaliumque Decreta", qui l'ont beaucoup ému pour le service à l'église et à l'unité de l'église qu'ils expriment. En outre, le Pape a ouvert, à partir d'un ordinateur portable, l'accès aux actes du Concile de Trente, de Vatican I et de l'ensemble Vatican II qui constituent l'un des apports majeurs du projet Mansi3 (édition numérique des Conciles, du nom de Gian Domenico Mansi, l'ecclésiastique et érudit qui au XVIIIe siècle produisit la première collection monumentale de textes conciliaires, ndr)».

Venons-en aux deux nominations, toutes deux interprétées par Melloni comme un succès triomphal pour son "école".
Pour la nomination de Corrado Lorefice à Palerme, en fait, c'est le cas. Parmi ses lettres de créance, figure le fait qu'il a étudié à Bologne, via San Vitale 114, l'adresse de la Fondation, et qu'il a publié un livre sur la contribution de Dossetti et Lercaro au débat sur la pauvreté durant le Concile Vatican II.
L'affiliation à "l'école" dont Melloni crédite le nouvel archevêque de Bologne Matteo Zuppi est en revanche plus une graine qu'une récolte.
Le CV de Zuppi, en effet, n'a rien de Bolognais et a tout de la Communauté de Sant'Egidio, dont il est un représentant historique. Mais cela n'empêche pas Melloni de confier à sa sollicitude épiscopale deux talents (ndt: au sens évangélique!) de marque franchement dossettienne, en plus d'être - par une heureuse coïncidence - bergoglienne.
Melloni l'a bien expliqué dans un article sur le "Corriere di Bologna" du 27 Octobre (cf. Bologna entra nell'era Zuppi - Bologne entre dans l'ère Zuppi)
Le premier talent confié par Melloni à Zuppi est ce «coeur théologique qui est la pauvreté: la pauvreté des pauvres, la pauvreté de l'Église, la pauvreté d'une Eglise qui n'a d'autre richesses que l'Evangile et par lui se laisse enrichir de la pauvreté du Christ».
Le second est le plan d'une Eglise qui devient enfin "synodale" comme Lercaro et Dossetti l'auraient transformée si le pape d'alors ne les avait ostracisés.
Avec Zuppi, écrit Melloni, cette église de Bologne «qui a essayé de rendre synodale la réforme du diocèse au cours du post-concile, peut trouver un pasteur fidèle et pur, celui qui saura se tenir devant le troupeau, au milieu du troupeau et, dans certains cas derrière, faisant confiance au 'sensus fidei' de ses fils et filles».

Et si le nouvel archevêque de Bologne ne parvient pas à faire fructifier les deux talents qui lui sont confiés?
Voici ce que lui promet aimablement Melloni.
S'il fait "autre chose" que ce que Melloni a prévu, le nouveau pasteur doit savoir que le clergé bolognais en tête, un clergé "papiste", donc bergoglien par nature, l'abandonnera à lui-même "avec une indifférence disciplinée, attendant qu'il se lasse, se rende, s'en aille, ou crève (sic!)"
Beau souhait, pour le nouvel évêque qui arrive!

*

Pendant ce temps, les exploits de l'"école de Bologne" ont un moment de gloire jusqu'à l'autre côté de l'Océan, aux États-Unis.
Là, son principal représentant, Massimo Faggioli, professeur d'histoire du christianisme à l'Université de St. Thomas à Minneapolis, a signé avec d'autres associés, y compris d'illustres jésuites, une lettre au "New York Times" afin qu'il disqualifie l'un de ses chroniqueurs, le catholique Ross Douthat, coupable d'avoir critiqué François (cf. Chasse aux sorcières dans l'Eglise miséricordieuse).
Rien d'étonnant. Quelques jours plus tôt, le même Faggioli, sur Huffington Post, avait réclamé la prison pour le cardinal Robert Sarah, coupable d'avoir tenu dans la Salle du Synode "des discours qui auraient des implications pénales dans certaines démocraties occidentales".

NDT

(1) Cf. http://benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/lettre-de-guareschi-a-don-camillo-.html