Comment le Pape ménage LE lobby

Deux faits mis en perspective le confirment: un passage "sauté" dans Laudato si', relevé par Sandro Magister, et deux rencontres récentes à Washington et à New York (mise à jour ultérieure)

 

Le verset oublié

Synode et homosexualité. Ce verset de la Bible sauté par "Laudato si'"

Settimo Cielo
Sandro Magister
2 octobre 2015

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Relisant l'encyclique "Laudato si'" afin de bien se préparer pour le prochain synode sur la famille, l'oeil d'un père synodal est tombé sur une curieuse omission.
Dans le deuxième chapitre de l'encyclique, celui qui est intitulé «L'Evangile de la création» et commence par demander timidement au lecteur: «Pourquoi inclure dans le présent document, adressé à toutes les personnes de bonne volonté, un chapitre relatif aux convictions de foi?» François commence par rappeler la création de l'homme et de la femme «à l'image et à la ressemblance de Dieu», poursuit avec la reponsabilité confiée à l'homme par Dieu sur tous les autres êtres créés, et un peu plus loin, au paragraphe 68, il écrit (cf. w2.vatican.va):

«Cette responsabilité vis-à-vis d’une terre qui est à Dieu implique que l’être humain, doué d’intelligence, respecte les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde, parce que « lui commanda, eux furent créés, il les posa pour toujours et à jamais sous une loi qui jamais ne passera » (Ps 148, 5b-6). C’est pourquoi la législation biblique s’attarde à proposer à l’être humain diverses normes, non seulement en relation avec ses semblables, mais aussi en relation avec les autres êtres vivants».


Pour conforter ce respect des lois de la nature, le pape cite alors un passage du Deutéronome:

«Si tu vois tomber en chemin l’âne ou le bœuf de ton frère, tu ne te déroberas pas [...] Si tu rencontres en chemin un nid avec des oisillons ou des œufs, sur un arbre ou par terre, et que la mère soit posée sur les oisillons ou les œufs, tu ne prendras pas la mère sur les petits» (Dt 22, 4.6).


Le passage est tiré du chapitre 22, versets 4 et 6 du cinquième livre de la Torah. Mais comme l'indiquent les points de suspension entre crochets, avec l'omission d'un passage, qui correspond au verset 5.
Eh bien, que dit le verset, et même le précepte du Deutéronome sauté dans l'encyclique "Laudatio si'"?

Il dit quelque chose de très politiquement incorrect:

Une femme ne portera pas un habit d'homme, et un homme ne mettra point un vêtement de femme; car quiconque fait ces choses est en abomination au Seigneur ton Dieu.


Quelque Père synodal l'a noté sur son calepin, pour quand la discussion arrivera au chapitre homosexualité.

Deux rencontres aux Etats-Unis

Kim Davis et les amis gays du Pape


Voici un article du VIS daté du 2 octobre:

En réaction à une polémique qui se poursuit dans la presse, il convient de préciser que "le Saint-Père, comme c'est la coutume, a salué à la nonciature de Washington des dizaines d'invités lorsqu'il a pris congé pour se rendre à New York. Il s'agit d'entretiens brefs et formels, auxquels le Pape se prête volontiers. La seule véritable audience accordée durant ce séjour a regardé un de ses anciens élèves, reçu avec sa famille. Il n'est donc pas entré dans les détails du sujet avec Mme Kim Davis", une fonctionnaire de l'état civil ayant été sanctionnée pour avoir refusé de délivrer une certificat de mariage homosexuel au nom de l'objection de conscience.
Le P. Lombardi a conclu en disant qu'on "ne saurait considérer le salut du Pape comme un appui à quelque aspect que ce soit de la position" de cette personne.


On comprend parfaitement que, comme dans le cas des dissidents cubains, la courageuse avocate du droit à l'objection de conscience faisait partie d'une "fournée" (ai-je le droit d'utiliser le mot??) qui a été présentée au Pape à la nonciature, sans qu'il soit nécessaire d'accorder à la rencontre une quelconque signification polémique contre LE lobby. C'est en tout cas le message que le P. Lombardi (qui ne s'exprimait certes pas en son nom propre) était très soucieux de faire passer.
Sauf que le même bulletin VIS omettait de préciser QUI était ce fameux ancien élève, accompagné de sa famille, auquel le pape a accordé une "véritable" audience.
Eh bien, une dépêche de l'AFP, reprise sur un certain nombre de médias francophones, nous en dit un peu plus (voir par exemple Le Point).

Le pape François a reçu un ami homosexuel et son compagnon à Washington la veille d'une rencontre avec une égérie controversée des opposants au mariage gay aux Etats-Unis, a indiqué vendredi le Vatican. Une vidéo de cette rencontre, diffusée notamment sur le site du New York Times, montre le pape François accueillant un ami argentin de longue date, Yayo Grassi, et son compagnon, Iwan, qui vivent en couple depuis 19 ans, a précisé CNN en révélant l'information. Cette entrevue "personnelle" a eu lieu à l'ambassade du Vatican à Washington le 23 septembre, selon le Vatican.
"Yayo Grassi, ancien étudiant argentin du pape François, qui a déjà rencontré plusieurs fois le pape, a demandé à lui présenter sa mère et plusieurs amis pendant la visite du pape à Washington", a précisé le porte-parole du Vatican Federico Lombardi dans un communiqué. "Le pape, en tant que pasteur, a gardé plusieurs liens personnels avec des gens dans un esprit de bonté, d'accueil et de dialogue", a-t-il ajouté.
Cette information filtre avant l'ouverture dimanche d'un difficile synode sur la famille et après plusieurs jours de polémique sur la rencontre entre le souverain pontife et la greffière Kim Davis, qui refuse dans son comté du Kentucky (centre-est des Etats-Unis) de signer des actes de mariage pour des couples de même sexe.
(...)
Selon M. Grassi, la rencontre a été organisée "personnellement" par le pape avant son voyage aux Etats-Unis du 22 au 27 septembre. "Trois semaines avant son voyage, il m'a appelé au téléphone et m'a dit qu'il aimerait me donner une accolade".


Notons que les thuriféraires catholiques habituels du Pape s'étaient répandus en soupirs de soulagement et fendus de commentaires enthousiastes (voir par exemple Massimo Introvigne), sur l'air "vous voyez bien qu'il est de notre côté!". Après le(s) communiqué(s) du pauvre Père Lombardi, ils ont dû avaler leur chapeau.

En italien, il y a une expression savoureuse qui décrit assez bien la démarche du Pape dans ce dernier cas. Il a donné "un colpo al cerchio ed uno alla botte" (litt. un coup au cercle, un coup au tonneau, voir note de bas de page ici), à charge ensuite au P. Lombardi de réparer les dégâts.

Simple prudence, désir de se concilier les médias? Après tout, c'est lui-même qui s'est décrit comme "furbo".

Mais si on met en perspective avec le passage sauté dans Laudato si', et le rôle de "lecteur" confié au militant gay Mo Rocca lors de la messe au Madison Square Garden (Une star gay "lecteur" à la messe du Pape) , on réalise à quel point le Pape donne des gages au LOBBY! Et cela ne peut pas être simplement fortuit, à la veille du Synode.

Mise à jour

Un collaborateur de la CDF, le polonais Krzysztof Olaf Charamsa, choisit ce jour précis, veille du Synode, pour faire son 'outing' homoexuel. dans il Corriere della Sera. Détails ici: www.nextquotidiano.it/krzysztof-charamsa-gay-monsignore/ (à suivre...)
Intéressant commentaire sur le FC.

Décidément, le Synode s'annonce très chaud. Et LE lobby est bien décidé à ne rien lâcher!!

Mise à jour (2)

Moi, théologien et monseigneur. Je suis gay et j'ai un compagnon.
www.nextquotidiano.it/krzysztof-charamsa-gay-monsignore/

Je veux que l'Église et ma communauté sachent qui je suis: un prêtre homosexuel, heureux et fier de sa propre identité. Je suis prêt à en payer les conséquences, mais il est temps que l'Eglise ouvre les yeux devant les gays croyants et comprenne la solution qu'elle leur propose, l'abstinence totale de la vie d'amour. C'est inhumain».

Telle est la confession que Mgr Krzysztof Charamsa, théologien, 43 ans, polonais et résidant à Rome depuis 17 ans, livre dans un entretien avec le Corriere della Sera. Mgr Krzysztof Charamasa n'est pas un prêtre quelconque: "ufficiale" de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 2003, il est secrétaire de la Commission théologique internationale du Vatican et enseigne la théologie à l'Université pontificale grégorienne et à l'Université pontificale Regina Apostolorum à Rome. Jamais auparavant un religieux avec un rôle actif au Vatican n'avait fait une déclaration comme celle-là.

L'article du Corriere della Sera
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Krzysztof Olaf Charamsa est né à Gdynia en Pologne il y a 42 ans. Théologien et prêtre depuis 2003, ufficiale de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi etc.. Aujourd'hui Mgr Charamsa sera à Rome lors de la première assemblée internationale des LGBT catholiques organisée par le Global Network of Rainbow Catholics à la veille du Synode sur la famille, pour soutenir le dialogue sur les gays catholiques. Dans l'interview, il explique pourquoi il a décidé de faire son coming out:

«Il arrive un jour où quelque chose se casse à l'intérieur de toi, tu n'en peux plus. Seul, je me serais perdu dans le cauchemar de mon homosexualité niée, mais Dieu ne nous laisse jamais seuls. Et je pense qu'il m'a porté à faire aujourd'hui ce choix existentiel si fort - fort par ses conséquences, mais qui devrait être le plus simple pour tous les homosexuels, la prémisse pour vivre de façon cohérente - parce que nous sommes déjà en retard et il n'est pas possible d'attendre encore cinquante ans. Je dis donc à l'Eglise qui je suis. Je le fais pour moi, pour ma communauté (??), pour l'Eglise. C'est aussi mon devoir envers la communauté des minorités sexuelles».

Charamsa a décidé de révéler son homosexualité pour secouer la conscience de l'Église, qui selon lui ne connaît pas l'homosexualité, ne connaît pas les homosexuels. Et il dit que, probablement, il ne pourra plus continuer à enseigner dans les écoles catholiques où il travaille actuellement après son coming out. «Un couple de lesbiennes ou d'homosexuels devrait pouvoir dire à son Eglise: nous nous aimons selon notre nature et ce bien qu'est notre amour, nous l'offrons aux autres, parce que c'est un fait public, et non pas privé, ce n'est pas une recherche exaspérée du plaisir».
Cependant, quand Elena Tebano (qui réalise l'interview, ndt) lui rappelle que la doctrine catholique exclut les homosexuels de la prêtrise, sa réponse est une réponse typique de prêtre: «C'est une règle introduite en 2005 (ndt: de Benoît XVI, alors cible d'attaques violentes du lobby) quand j'étais déjà prêtre, et qui ne vaut que pour les nouvelles ordinations». Comme si la non-rétroactivité de la loi était un principe qui s'applique à la conscience, comme aux tribunaux (et il ajoute: «pour moi, ce fut un traumatisme. Avant, ce n'était pas comme cela, et je crois que c'est une erreur à corriger»).
Enfin, il conclut:

«Si je n'étais pas transparent, si je ne m'accepterais pas, je ne pourrais de toute façon pas être un bon prêtre parce que je ne pourrais servir d'intermédiaire avec la félicité de Dieu. Je pense que sur ces questions, l'Église est en retard par rapport aux connaissances que l'humanité a atteintes. C'est déjà arrivé dans le passé, mais si vous êtes en retard sur l'astronomie les conséquences ne sont pas aussi lourdes que lorsque le retard est quelque chose qui touche le plus intime des personnes. L'Eglise doit savoir qu'elle ne relève pas le défi de l'époque».

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Addendum: Charamsa vient d'être licencié.
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Déclaration du Père Lombardi:

«A propos des déclarations et interviews données par Mgr Kryzstof Charamsa, il convient de noter que, malgré le respect que méritent les histoires et les situations personnelles et les réflexions à leur sujet, le choix de l'exploitation d'un événement aussi sensationnel à la veille de l'ouverture du synode semble très grave et non responsable, parce qu'il vise à imposer à l'assemblée synodale une pression médiatique indûe ... Certes, Mgr Charamsa ne peut pas continuer à remplir les tâches précédentes à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et dans les universités pontificales, tandis que les autres aspects de sa situation sont de la responsabilité de son Ordinaire diocésain».

Conclusion.... provisoire

Il y aurait beaucoup à dire, et il vaut mieux réfléchir avant de parler: cette sage précaution vaut ici encore plus que d'habitude.
Mais la première chose qui vient à l'esprit, c'est que ce prêtre, qui dit être un bon prêtre dans la mesure où il s'accepte tel qu'il est (c'est-à-dire qu'il accepe sa "sexualité", un mot et un aveu qui me semblent particulièrement déplacés dans la bouche d'une personne consacrée, ayant fait voeu de célibat) - et qui croit que sa "communauté", ce sont les gays, et pas l'Eglise - n'a pas sa place dans celle-ci. Personne ne l'a forcé à y entrer.

Quant à savoir ce qu'il y a ou qui est derrière cette ultime manipulation pré-synodale (autrement dit, ce prêtre n'est-il que la pointe de l'iceberg?), dont Il Corriere se fait l'écho avec délectation, c'est une autre histoire, et on ne peut émettre que des hypothèses.
Mais il est un peu trop simple d'incriminer les seuls médias. La mafia rose à laquelle je me refusais de croire sous Benoît XVI, tellement c'était énorme, existe bel et bien, nous en avons ici la confirmation éclatante.
Quant à ce qui arrive aujourd'hui, je laisse la parole à Sandro Magister, sur "Settimo Cielo", qui écrit à l'instant:

Un coming out que l'on pourrait attendre aussi des nombreux prélats homosexuels qui peuplent l'entourage du Pape François, dans des rôles influents et en nombre sans précédent.


Décidément, il y avait bien quelque chose de pourri au Vatican....