François est aimé par le clergé progressiste

et il le lui rend bien. Eux espèrent l'utiliser pour "pousser leur agenda". A moins que ce ne soit lui qui les utilise? Retour sur une déclaration d'amour enflammée de onze prêtres progressistes italiens, datant d'il y a presque deux ans.

J'ai trouvé la lettre des onze prêtres ici: messaggeroveneto.gelocal.it/udine/cronaca/2013/12/19/news/la-lettera-degli-undici-parroci-del-nord-est-per-natale

Sur un sujet voisin, voir aussi:
¤ benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-revanche-des-mauvais-pretres
¤ benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/le-retour-des-mauvais-pretres-2

>>> Photo ci-dessus (cliquez): en mai 2013, les obsèques de don Gallo (benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/double-scandale-en-italie), figure emblématique du clergé progressiste transalpin. Durant la messe, le célébrant, le cardinal Bagnasco donne la communion à un célèbre transexuel militant. La sortie du cercueil est saluée par des poings levés, et le chant des partisans communistes "Ciao bella". Concélébrant, don Ciotti, le fameux prêtre anti-mafia, grands ami de François (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/les-papes-et-la-mafia), qui prêche plus la lutte des classes que l'évangile.

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La théorie selon laquelle les progressistes au sein de l'Eglise soutiennent le Pape dans le seul but de faire avancer des réformes qui ne reflètent pas forcément (voire pas du tout) ses propres idées est largement répandue, parmi les "conservateurs", chez ceux qui refusent de regarder la réalité en face. Selon ce courant de pensée, François souhaite seulement un débat, le plus ouvert possible, donnant la parole à tous de façon équilibrée (???) avant de prendre sa décision. Seul.
Pourtant, les faits sont têtus et cela ne date pas d'hier: chacun des gestes, chacun des propos du Pape va au devant des fantasmes que cultivent les progressistes depuis un demi-siècle, au moins.

En témoigne cet article qui date d'il y a presque deux ans, autour d'une lettre écrite à Noël 2013 par onze prêtres italiens "cathocommunistes", dont le site <Corrispondenza Romana> a eu la bonne idée de republier le commentaire qu'il en avait fait à l'époque. C'était après la publication de l'exhortation apostolique Evangeli Gaudium, et le premier entretien publicisé de François avec l'inneffable Scalfari. Rien de ce qui s'est passé depuis (en particulier le consistoire extraordinaire de février 2014 et la proposition Kasper, le Synode sur la famille d'octobre 2014 et l'encyclique écologique) n'infirme le moindre mot du commentaire de décembre 2013, ni n'apaise les inquiétudes de ceux qui voient dans ce Pontificat la menace d'une périlleuse rupture pouvant aller jusqu'au schisme.

François utilisé comme testimonial (*) dans une "lettre de Noël" post-soixanthuitarde

www.corrispondenzaromana.it
26 décembre 2013
Mauro Faverzani
Ma traduction

11 prêtres du Triveneto ont signé une «Lettre de Noël 2013», sorte de panégyrique outrancier de François, mais en même temps essayant de lui dicter son agenda. Entendons-nous, rien de nouveau sous le soleil: c'est une sorte de manifeste de cathoprogressisme poussé, farci des lieux-communs habituelles contre le célibat des prêtres et en faveur des femmes prêtres.

Ce qui est surprenant, donc, ce n'est pas le contenu mais pluttôt la source, où les révérends cherchent la légitimité de leur mantra: pour la première fois, ils l'identifient comme le Souverain Pontife lui-même. Ils le citent, quand il appelle «faux prophètes» ceux qui prétendent avoir «trouvé Dieu avec certitude totale»; quand il invite à ouvrir les couvents vides aux «réfugiés, qui sont la chair vivante du Christ dans l'histoire»; quand il témoigne ne pas souffrir ceux qui parlent de «vérité absolue» et ceux qui font étalage d'«un Dieu catholique».
Ils exaltent son exhortation apostolique, «Evangelii Gaudium» quand elle ouvre à tous la participation à la vie ecclésiale et spécifie que «les portes des sacrements ne devraient être fermées à aucun prix». Ils exultent quand il juge impossible «l'ingérence spirituelle dans la vie personnelle», quand il dit aux fidèles «bonne soirée», quand il se définit comme «évêque de Rome», quand il vit à Santa Marta, prépare ses repas seul ou va au réfectoire parmi les autres, quand il utilise les transports en commun, quand il laisse son siège vide lors du concert à la Sala Nervi, quand il parle d'odeur de la brebis, de banlieue existentielle et de l'Église comme un «hôpital de campagne».

Bien sûr, ce sont des affirmations à contextualiser. Mais que tout le monde ne contextualise pas, et même que beaucoup instrumentalisent. Tout cela était tellement évident pour les papes précédents, qu'ils évitaient d'utiliser des formules ou des attitudes se prêtant à des malentendus. A quel point cette prudence était importante, nous en avons une preuve indirecte aujourd'hui. Tant et si bien que les prêtres signataires de cette lettre identifient explicitement dans le Pape François une «discontinuité évident» avec ses prédécesseurs. Les 11 prêtres signataires caressent le rêve d'un humanisme nouveau, fait de «dignité» et de «droits», jamais de devoirs; ils aspirent à un environnementalisme où la «Terre» (avec une majuscule) est appelée «mère» et un féminisme "d'antan" (en français dans le texte), qui réclame que les femmes «vivent enfin en paix» (on ne sait pas de quoi). Ils se présentent comme des «prophètes» d'une «théologie du peuple de Dieu» contre la hiérarchie et contre l'autoritarisme, il sont fous de ceux qui se complaisent à mijoter dans un doute méthodique éternelle, plus confortable que le fait d'accueillir la réponse, qui est le Christ.

Dans cette foire au «politiquement correct», , on n'est pas étonnés qu'ils appellent le «pape» (avec un p minuscule) d façon familière «frère», exprimant de la «gratitude» déjà pour le nom qualifié de «choix programmatique et exigeant», mais proposant ensuite une parodie du vrai Saint François à l'enseigne du pire paupérisme, du pacifisme poussé et d'un dialogue acritique et outrancier - qu'il soit interreligieux ou pas, et encore mieux si c'est avec les athées et les bouffeurs de curé-, comme si le Christ ne s'était pas présenté comme «le Chemin, la Vérité et la Vie» (Jn 14,6), mais comme un parmi tant d'autres. Ce sont les risques que l'on court en lisant un peu trop «certains» quotidiens, et pas assez la Sainte Écriture. Ainsi, ces petits-enfants de soixante-huit finissent par rêver: la transformation de l'IOR en une sorte de «banque éthique», la nomination des huit cardinaux comme une première étape vers la collégialité dans l'Eglise, la réforme de la Curie romaine comme prémisse d'un pluralisme des théologies et des liturgies, soupirant dans un crescendo rossinien après les sempiternels marronniers catho-progressistesde de «la liberté du célibat, l'ordination d'hommes mariés, le ministère sacerdotal aux femmes». Sans oublier bien sûr, dans leur lettre, les «méchants», évidemment identifiés comme «les membres et les mouvements liés à la tradition refermée sur elle-même» et ceux qui veulent «continueer à utiliser la religion comme un moyen d'épauler les différents pouvoirs."

Des positions toutes fortement idéologiques, c'est clair. Des positions, cependant (et ceci fait indubitablement réfléchir), que pour la première fois ils affirment légitimées par les propres paroles et gestes accomplis par François.
Même un auteur comme Georg Wilhelm Friedrich Hegel - qui, avec son historicisme et avec son idéalisme généra des courants de pensée, comme le marxisme, qui a tant fait de mal à l'Eglise et à l'humanité - se rendit compte qu'il n'y a rien «de plus profond que ce qui apparaît en surface». Du reste, déjà pour Aristote, la forme était substance. Compte tenu des premiers fruits visibles du prétendue «nouveau cours» outre-Tibre, l'urgence d'un revirement semble claire. (Mauro Faverzani)
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NDT
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(*) Testimonial: Témoin publicitaire, ambassadeur (vocabulaire marketing)

Testimonial est un terme anglais repris en italien et dans beaucoup d'autres langues dans le domaine de la communication et de la publicité. Il fait référencé à une forme spécifique de publicité dans laquelle, en plus du produit et du consommateur, il y a un troisième personnage, le testimonial, qui avec son sourire, son amabilité, sa compétence, témoigne des qualités morales dont il est implicitement porteur, et garantit la qualité du produit annoncé.