La bulle-prison de François

Une nouvelle réflexion intéressante de Fr Ray Blake: il esquisse un portrait du pape qui tranche avec celui du "général argentin" autoritaire qui décide tout par lui-même et n'admet aucune contradiction

 

Un homme sous influence?

Dans ce dernier billet, le Père Blake réagit à deux articles récents.
Dans le premier, le Père Hunwicke - qui figure dans la liste de ses favoris -, revenant sur des propos "bruts de coffre" du pape (les fameuses "familles de lapins" et l'Europe comparée à une grand-mère stérile) suggère qu'une présence féminine aiderait peut-être François à arrondir et châtier son langage, et interroge, sur le ton de l'humour décalé qui est sa marque "Les Papes devraient-ils être célibataires?".
Le second, une tribune parue sur le (réputé conservateur) "Catholic Herald", pose une autre question, cette fois à prendre au premier degré: "Le Pape est-il en train de devenir le prisonnier du Vatican"; l'auteur soutient en particulier qu'au lieu de lui concéder plus de liberté, la résidence du Pape à Sainte Marthe fait de lui l'otage de mauvais conseillers.
Dans ces réflexions iconoclastes, Fr Blake rejoint en substance ce que disait le Père Jean-François Thomas sur Radio Courtoisie dans la dernière émission "Le Libre journal de Philippe Maxence" : il se demandait si le pape n'était pas simplement "un homme sous influence"...

Convenons toutefois, à la décharge de François, que Benoît XVI avait mis la barre à un niveau stratosphérique qui n'est sans doute pas prêt d'être atteint par l'un de ses successeurs.

Vivre dans une bulle

Father Ray Blake
marymagdalen.blogspot.fr/
(Ma traduction)


Fr Hunwicke, ce vieux pédant (ndt: je suppose que c'est de l'humour british!) sage et savant, suggère que les papes devraient être mariés pour éviter de fâcher les femmes.
Je suis un vieux célibataire bougon, mais j'ai déjà vu ce regard sur le visage d'une dame quand son mari a dit ou fait quelque chose de stupide, ce sourire aux lèvres serrées qui ne monte pas tout à fait jusqu'aux yeux, qui dit: «Je pense que nous devrons avoir une conversation plus tard, chéri». Un peu comme un fermier américain disant à son fils: «encore un coup comme celui-là, et nous irons ensemble faire un tour au bûcher».
Un des problèmes que nous avons, nous autres célibataires, c'est que nous pouvons vivre dans nos petites bulles, personne n'est là pour la faire éclater. Les tradis vivent dans une bulle tradi, les libéraux dans une bulle libérale, les conservateurs dans leur bulle conservatrice.

Normalement, avoir une femme signifie qu'il y a quelqu'un qui vous empêche d'être prisonnier de vous-même. Théoriquement pour un célibataire, sa communauté religieuse ou sa paroisse prend la place d'une femme, si vous les laissez, elles deviennent la clé qui vous libère de votre prison (mais pas toujours).

Edward Condon, dans le [Catholic] Herald, demande: «François est-il en train de devenir le nouveau prisonnier du Vatican?».
Les Papes ont presque toujours fini par devenir prisonniers, tout comme les empereurs chinois sont devenus prisonniers de la Cité Interdite ou le Sultan est devenu un prisonnier de la Sublime Porte. C'est l'isolement croissant de Benoît, j'en suis certain, qui a conduit à sa démission.

Je sais que cela est pure spéculation, mais je me demande si le candidat préféré de la Mafia de St-Gall, est vraiment un intellectuel clair, à la pensée articulée, comme Martini, ou bien quelqu'un dont la pensée est confuse, qui n'est pas capable de communiquer ses idées, ou mieux, qui a peu d'idées à lui . Quelqu'un qui pendant quelques années doit convaincre l'Église que le fait d'être dans une pagaille (lio !!) est un état naturel, et dont chaque mot est ambigu et a besoin d'interprétation.

Du temps de Benoît, j'ai lu pratiquement chaque mot qu'il a dit ou écrit, souvent c'était compliqué et subtil, mais c'était compréhensible. François, je le lis avec parcimonie, en partie parce qu'il est incompréhensible et pour être honnête, je n'ai jamais lu quoi que ce soit d'aimable pour les prêtres - je ne peux pas supporter les continuelles remarques désobligeantes.
Condon suggère que François n'est tout simplement pas conscient des effets de ses mots (ou de ses actes): «Ceci peut être vu, par exemple, dans la décision, inexplicable autrement, d'inviter au synode (sur la famille, en plus!) un homme aussi compromis que le cardinal Danneels, malgré le scandale entourant ses tentatives connues pour réduire au silence les victimes d'abus sexuels».

Condon a raison d'attirer l'attention sur le fait que le Pape à bien des égards a tout d'un "prisonnier": «Il est apparu que le pape n'a pas regardé la télévision depuis plus de 20 ans, n'utilise pas Internet, et lit un seul journal».
Ajoutez à cela une expérience pastorale limitée, une connaissance limitée des langues en dehors de l'italien et de l'espagnol, une connaissance limitée de l'Église universelle, et des intérêts intellectuels limités - je suis intrigué par l'absence de livres dans le bureau papal, cela veut-il dire que le pape ne lit pas beaucoup? Sans doute, son dédain pour les «docteurs de la la loi», «spécialiste du Logos» et «idéologues» de diverses allégeances suggéreraient qu'une compréhension intellectuelle de la foi est quelque chose qui lui est antipathique. De même pour son sens de l'histoire, soit en termes ecclésiaux, l'herméneutique de la continuité, qui est sans signification pour lui, qui dépasse sa compréhension. Comme de nombreux ecclésiastiques de son âge, il semble penser que l'Eglise est un «événement actuel», avec peu de sens de son passé et, de façon beaucoup plus inquiétante, de son avenir à long terme.
Contrairement à son prédécesseur, il semble ne nommer que ceux qui partagent son vues. Benoît avait à cœur sa théologie du «et et», François semble être beaucoup plus un homme de factions, se débarrassant de ceux qui sont en désaccord avec lui invariablement envoyés dans les ténèbres extérieures.
Le grand problème, de cette façon, c'est que, finalement, vous habitez dans une tente entouré de copains, tandis que ceux qui sont à l'extérieur de la tente ... regardent à l'intérieur.