La lettre de Jeannine du 17 septembre

La visite de Messori et l'inquiétude pour le Pape émérite, les dernières déclarations et mesures de François, l'afflux de migrants...

>>> Photo ci-dessous: La fanfare musicale du Haut-Adige donne un concert en l'honneur du Saint-Père à Mater Ecclesiae le 7 juin 2014

Chère Béatrice...


Chère Béatrice,

Au milieu d’une actualité tourmentée tant sur le plan social que religieux, je viens bavarder avec vous.

LA VISITE D'UN AMI DE 30 ANS
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Merci pour le très beau témoignage sur la santé de notre pape émérite et sur l’homme qu’il reste, fidèle à ce qu’il est profondément (cf. Un matin, dans l'ermitage du pape émérite).
Le récit de Vittorio Messori est sincère mais je dois dire qu’il m’inquiète. Je n’arrive pas à relier la très grande difficulté actuelle de Benoît pour marcher aux images de la cérémonie du 4 juillet lors de la remise des deux doctorats. Depuis que j’ai lu grâce à vous le récit de cette très belle rencontre, j’ai mieux pris conscience de l’âge de Benoît que je n’aimais pas évoquer. Les photos qui nous parviennent d'habitude ne permettent pas d’imaginer la série très détaillée des problèmes liés à son âge, que nous offre le témoignage de Messori, elles sont très bien cadrées ou soigneusement triées. Cependant pour le Schülerkreis (cf. Conclusion du Schülerkreis, le 30 août), j’avais remarqué, sur l’une d'elles, la présence très proche de Mgr Gänswein alors qu’ils étaient à l’autel et sur une autre le visage un peu figé de Benoît XVI seul à l'autel. Il m’avait semblé que l’ambiance était teintée d’une certaine gravité. Je sais que je ne suis pas raisonnable lorsqu’il s’agit de lui mais l’annonce du Nouveau Schülerkreis avec des « jeunes » qui vont reprendre le flambeau , la remise des diplômes, cet entretien très libre et sans témoin avec une personne connue depuis longtemps, les réponses du pape émérite à des demandes de rencontre, je pense au curé émérite de Sainte Anne du Vatican (cf. La messe avec Benoît XVI), demandes qui doivent le remplir de joie, tout cela ne me rassure pas. Il y a trois ans il avait été aisé de remarquer sa fatigue au retour des vacances, en octobre et malgré moi j’y repense. Je ne peux oublier la mise en ordre que le Pape en exercice qu’il était alors avait effectuée. Le visage est toujours beau et l’esprit aussi sublime, la précision sur la maigreur et le manque d’appétit me ramènent à la fuite inexorable des années et à cette grande fatigue dont il parle, n’est-elle due qu’à cela?
Son frère est-il venu comme d’habitude au mois d’août? (*) Mgr Gänswein célèbre beaucoup de messes mais ne communique pas sur Benoît XVI . Le médecin du Vatican a changé mais le docteur Polisca reste le médecin personnel du Pape émérite.

FRANÇOIS, ENCORE
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De François, je parlerai du train-train qu’il a instauré : beaucoup de personnes nommées, convoquées, choisies par lui, le big boss, qui se charge de manager non seulement les catholiques mais aussi le monde entier. Pour moi il n’a rien d’admirable et j’avoue ne pas être sensible aux faibles rectifications qu’il daigne parfois apporter; elles ne constituent qu’une parade destinée à endormir ceux qui veulent bien adhérer à toutes ses nouveautés et qui lui reconnaissent un réel droit de les faire et ne s’accordent pas la possibilité de juger, critiquer un pape. C’est un scrupule qui ne me concerne pas. Il a un don certain pour transformer en admirateurs inconditionnels tous ceux qui, de près ou de loin, se retrouvent subitement des adeptes de tous les changements qu’il veut voir aboutir.

La crise des migrants qui entraîne des débordements en offrant aux extrémistes la possibilité de recruter des unités potentiellement faciles à piéger car déjà fragilisées, n’a pas le pouvoir d’ébranler le pape. L’afflux des réfugiés en Europe est comparé à « ce qui se passe dans les banlieues pauvres des pays du Sud où convergent des pauvres à la recherche d’un travail » . Il ajoute « il faut accueillir, accueillir ces gens, les accueillir tels qu’ils sont » ajoutant « je sais ce qu’est la migration » car « je suis fils de migrants ». mais reconnaissant toutefois qu’il y avait à l’époque « avant la crise de 1929 du travail pour ceux qui arrivaient » . (interview à la radio catholique portugaise Radio Renascença, cf. le Figaro du 15/9). Il ajoute aussi « les gens essayent toujours de remplir le vide », en particulier « les pays où il n’a pas d’enfants ». Le fait qu’il se soit donné en référence me déplaît, c’est tenter de forcer l’assentiment collectif. Depuis 1929 de l’eau a coulé sous tous les ponts, l’eldorado des pays riches n’existe plus et le travail est devenu plus précieux que l’or. Dans Paris Match, un détail mais qui m’a choquée : première question posée par des familles accueillies : «Y a-t-il un réseau WiFi?». Lorsque l’on a connu l’horreur, la question me paraît incongrue.

Le beau consensus des premiers jours est en train de se déliter devant la réalité financière, sociale, organisationnelle pour accueillir cette marée humaine qu’il continue à encourager. A voir son opiniâtreté, il me paraît presque faire de la propagande pour ces mouvements de populations.

Les grandes manœuvres pré-synodales sont entamées
. Une consultation ample, encadrée, avec des éléments choisis au goût du pape ce qui permet de justifier l’absence, l’éviction de ceux qu’il ne souhaite pas entendre ni rencontrer. Cette grande concertation aurait dû selon moi ne pas se fermer à la voix de ceux qui ont des choses à dire afin de pouvoir fournir des conclusions ou des invitations de chemins à suivre reflétant un panorama non orienté. François est autoritaire, pas question de se faire entendre sauf si on appartient à sa cour, à sa garde rapprochée et même là c’est lui qui décide.

Les divorcés-remariés catholiques et la communion eucharistique n’ont pas fini de faire couler de l’encre. Peu de mariages catholiques, mais (cf. Le Figaro du 8/9) comment peut-il parler de "foules énormes qui ne veulent pas rester plus longtemps opprimées dans les ténèbres du doute". Outre le phrasé qui me paraît grandiloquent, comment avec de moins en moins de mariages catholiques, peut-il parler de foules énormes ? Je dois être particulièrement obtuse mais tous les divorcés, état banal de nos jours, attendent-ils la main tendue de l’Eglise et éprouvent-ils le besoin d'intégrer le troupeau des brebis égarées grâce à, très important, des formalités très allégées. Pour moi rien de logique. Les évêques profiteraient donc de cette subsidiarité et auraient à dénouer des situations peu enviables pour leur sérénité :reproche de leur manque de miséricorde, de leur manque d’ouverture, plaintes pour incompétence, délation pour mettre au pilori celui qui se montrerait trop intransigeant, pas assez sensible aux descriptions détaillées qui seraient fournies, émulation entre eux, à celui qui aura les meilleurs résultats. J-M Guénois ajoute que pour François le but ultime de la miséricorde est d’accorder la pleine communion à des strictes conditions, évident, pas besoin d’être grand ponte pour y avoir pensé. Cela promet de beaux jours pour ternir la grande sérénité du Vatican depuis que François gouverne la barque de Pierre. Plus le temps passe, plus je m’égare, plus j’entremêle le gouvernement de l’état et celui de l’Eglise, plus j’ai la sensation d’avoir à faire à un grand manitou. Ayant laissé passer, « fort généreusement » sa chance en 2005, il a eu depuis le temps, de recevoir des conseils, des avis et de mettre au point une stratégie qui s’avère efficace. Il décide, impose. Certaines phrases peuvent être interprétées comme un baume pour atténuer les criailleries des fermés aux réformes, des égoïstes, moi je n’y crois pas car la ligne qu’il a décidé de suivre , elle, n’a pas changé d’un iota et ne changera pas. De nominations en nominations la liste des participants au Synode s’est allongée de telle façon que ce grand rassemblement me fait penser à un Vatican III de la famille. Pour la suite, qui vivra, verra!

Cuba libère plus de 3522 prisonniers suite à la lettre du pape pour une amnistie générale des prisonniers en vue de l’année sainte de la Miséricorde. Le Père Lombardi a précisé « Le Pape ne fait pas un appel en faveur d’une amnistie juridique » mais il n’a pas manqué d’ajouter « s’il veut le faire il le fera en d’autres termes mais ce n’est pas le sens de cette lettre ». Je pense qu’il n’y a pas de fumée sans feu et cette dernière phrase ne me surprend nullement. Pour la Miséricorde que ne ferait-on pas et l’ingérence dans la justice des états afin de la rendre moins coercitive devrait rejoindre la liste des réformes à faire.

Dommage qu’aucune visite papale ne soit programmée en France, complétée par Taubira et ses inspirations, le nombre de détenus baisserait notablement, améliorant le confort. Bien sûr il y a le problème de la sécurité des citoyens. Liberté pour les petits délinquants, les petits dealers, les porteurs de drogue, trois rien, une petite dose pour rendre service et se faire « un peu de blé », le voyou qui vous attaque pour voler votre sac et tout ce qu’il contient afin d’exploiter le contenu, une erreur de jeunesse; qui suis-le pour juger puisque tout est pardonnable ? Pendant ce temps certains cabinets médicaux, en zones dites sensibles ( doux euphémisme) sont derrière des portes blindées avec visiophone, sous vidéo-surveillance. J’avoue avoir l’ impression de marcher sur la tête.

A bientôt.

Jeannine

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NDR:
(*) La réponse est oui. Je regrette de ne pas retrouver la référence, mais la nouvelle a été donnée par une voix que j’avais jugée fiable.