L'avertissement prophétique de saint Pie X

Antonio Socci cite un extrait de la Lettre Apostolique de 1910 "Notre charge Apostolique" adressée aux évêques français, sur le mouvement '"Le Sillon"

 

Hier on célébrait la fête liturgique de saint Pie X.
Le site de Radio Vatican rapporte que François s'était joint "incognito" aux fidèles, dans une chapelle latérale de la basilique Saint Pierre où était célébrée "ad orientem" une messe à la mémoire du saint Pape. Une photo illustre opportunément la "surprise" papale.

Surprise pour les fidèles vendredi dans la basilique Saint-Pierre. Assis comme n’importe qui sur les bancs de la chapelle dédiée à saint Pie X, le Pape François a assisté à la messe célébrée en la mémoire du pape mort en 1914. Venu pour prier au pied de l’autel, il a rejoint les fidèles au début de l’office avant de faire la queue pour communier. C’est Mgr Lucio Bonora, officiel de la Secrétairerie d’Etat qui célébrait la messe.
Interrogé par Radio Vatican, il a précisé que le Pape était entré dans la basilique à peine les portes ouvertes pour prier au pied de l’autel de la chapelle consacrée à saint Pie X. Bien qu’ayant déjà célébré la messe à Sainte-Marthe de bonne heure, le Pape a tenu à rester et à participer à la messe et prier avec les fidèles a-t-il raconté.
« Il a donné le signe de paix aux personnes qui étaient derrière lui. Et quand je suis descendu pour échanger le signe de paix, il est sorti de son banc pour aller à ma rencontre. Ce fut très émouvant tant pour moi que pour les fidèles qui ont vu le Pape comme un humble fidèle qui va prier sur la tombe de saint Pie X » a poursuivi Mgr Bonora.
« Cela dit beaucoup de l’attachement du Pape François à la personne de saint Pie X » a confié le prélat. Selon lui, le Pape a prié tout particulièrement pour les catéchistes « parce que quand il était archevêque de Buenos Aires, le jour de saint Pie X était la journée des catéchistes puisque Pie X est considéré comme le pape du catéchisme. Il organisait donc la rencontre avec les catéchistes de son diocèse justement au nom de saint Pie X ».

 


La dévotion de François à Pie X s'étend-elle à d'autres aspects du magistère du saint Pape?

Le même jour, Antonio Socci publiait sur sa page Facebook un extrait de "Notre charge Apostolique" adressée en 1910 par Pie X aux évêques français, sur le mouvement catholique social "Le Sillon". Sans aucun commentaire, sinon une parenthèse dans le titre: "Lisez, et étonnez-vous", et des accentuations typographiques que je reproduis, mais on ne peut douter que "l'avertissement prophétique" s'adresse à François. Les commentaires qui suivent l'extrait ne laissent du reste subsister aucun doute, soulignant en particulier qu'"on croirait que ce texte a été écrit hier".

Avant de lire l'extrait proposé par Antonio Socci, il est intéressant de consulter la notice Wikipedia (avec les réserves de rigieur) du mouvement "Le Sillon".

Le Sillon est un mouvement politique et idéologique français fondé par Marc Sangnier (1873-1950). Il vise à rapprocher le catholicisme de la République en offrant aux ouvriers une alternative aux mouvements de la gauche anticléricale.
En 1891, le pape Léon XIII prône une ouverture de l’Église sur la société dans son encyclique Rerum Novarum. C’est dans la brèche ouverte par cette politique de ralliement de l’Église à la République que naît, en 1894, Le Sillon, et la revue du même nom, créée par Paul Renaudin, puis dirigée par Marc Sangnier.
D'abord journal philosophique, Le Sillon devient à partir de 1899 un vaste mouvement destiné à réconcilier les ouvriers et le christianisme. Il fédère puis intègre en 1905 les nombreux « cercles d'études catholiques », où jeunes et prêtres discutent de religion, de société. L’ambiance est nouvelle : la vérité ne tombe pas du haut, de l’institution, c’est l’échange qui prime. L’engouement populaire est rapide et massif : jusqu’à 500 000 membres en France. À cette époque, Le Sillon bénéficie de l'appui du pape Pie X et de l'épiscopat français.
Mais trop moderniste et républicain par rapport au reste de l’Église, traumatisée en 1905 par la loi de séparation de l'Église et de l'État, le mouvement est de plus en plus critiqué, notamment parce qu’il affirme l’autorité des chrétiens sur l’Église et non celle du pape et des évêques. Le Sillon est finalement condamné par la lettre pontificale du 25 août 1910 Notre charge apostolique et, accusé de « modernisme social », le mouvement se dissout de lui-même.

"Le Sillon" a changé de nom, mais il n'a pas disparu, et il a l'appui du Pape qui "s’est mis à la tête des 'mouvements populaires' anticapitalistes" (cf. Sandro Magister).
Décidément, le diable a plus d'une corde à son arc... ou si l'on préfère, l'histoire a tendance à se répéter.

J'ai trouvé le texte en français de "Notre charge Apostolique" sur le site La Porte Latine.
Je ne sais d'ailleurs pas s'il s'agit d'une encyclique, ou d'une lettre apostolique, et, curieusement, elle ne figure pas sur le site du Vatican.

Notre charge Apostolique

(l'extrait cité par Antonio Socci)
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(...) plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l'audace et la légèreté d'esprit d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d'établir sur terre, par-dessus l'Église catholique "le règne de la justice et de l'amour", avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu'ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu'ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises "où ils peuvent". Quand on songe à tout ce qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l'Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de 'nouveaux apôtres' s'acharner à faire mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu'est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l'on verra miroiter pêle-mêle et dans une 'confusion séduisante' les mots de liberté, de justice, de fraternité et d'amour, d'égalité et d'exaltation humaine, le tout basé sur une 'dignité humaine mal comprise'. Ce sera une 'agitation tumultueuse', stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l'oeil fixé sur une chimère.

Nous craignons qu'il n'y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu'une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une 'religion plus universelle que l'Église catholique', réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans "le règne de Dieu".- "On ne travaille pas pour l'Église, on travaille pour l'humanité".

Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu'est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l'Église et ne forme plus dorénavant qu'un misérable affluent du grand mouvement 'd'apostasie' organisé, dans tous les pays, pour 'l'établissement d'une Église universelle qui n'aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l'esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l'oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent'.

(laportelatine.org/bibliotheque/encycliques/PieX/NotreChargeApostolique)