Vatileaks 2: le "ah ça ira" contre les cardinaux

Formidable billet de Giuseppe Rusconi, perçant à jour les intentions de ceux qui profitent de l'opprobre sur les cardinaux de Curie, dénoncés comme satrapes par l'ensemble des médias, pour tenter de dépouiller l'Eglise, à la fois des ses biens matériels et de son importance sociale

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En annexe: un échantillon de ce qu'on peut lire actuellement sur l'Internet français, et qu'on entend seriner en boucle, avec des variantes, sur tous les supports médiatiques - écrits, radio et télévision.
C'est à ce type de commentaires, sans doute encore plus martelés de l'autre côté des Alpes, que Giuseppe Rusconi répond ici avec humour (remarquons et saluons au passage sa culture française!), menant jusqu'à son terme la logique des paupéristes donneurs de leçons qui ne veulent en réalité qu'anéantir l'Eglise!

Ah, ça ira, ça ira, ça ira ...
les cardinaux on les pendra!

Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
Ma traduction

* * *

Une réflexion sur les conséquences de la vague de populisme qui se répand dans la société et qui a pour cible l'Eglise catholique. C'est une vague qui vise, dans les intentions de ses promoteurs, à redimensionner le rôle public de l'Eglise, la privant un peu à la fois de ses symboles visibles de «pouvoir». Mais les demeures des cardinaux et des évêques sont-elles vraiment si pharaoniques?

Anno Domini 1790.
Dans la France post-14 juillet - enivrée par la prise de la Bastille et parcourue par les frissons de la Révolution - il se propage un chant populaire de joie et d'optimisme que, bientôt, les sans-culottes (à certains égards, les ancêtres des descamisados) allaient obscurcir:

Ah , ça ira, ça ira, ça ira,
les aristocrates à la lanterne,
ah, ça ira, ça ira, ça ira,
les aristocrates on les pendra
.

Remplaçons "aristocrates" par "cardinaux", peaufinons, et nous revenons à la pendaison souhaitée ...

Faisons un bond en avant de 225 ans dans l'histoire et nous voilà en cette Anno Domini 2015, alors qu'un martien atterri à Rome à cause d'une panne de son navire spatial, entrant dans un bar quelconque, entend des discours de ce genre:
«Les cardinaux? Les évêques? Ils vivent en pharaons, comme le dit François et donc expulsons-les de leurs appartements princiers, mettons-les dans une petite chambre d'hôtel et envoyons-les travailler, qu'ils aillent pointer!».

Ajoutant:
«Bien fait pour eux ... d'autant plus qu'ils ont le cœur dur et la langue desséchée, étant habitué à se comporter comme des pharisiens» (à ce dernier propos: ce constant usage péjoratif de la catégorie "pharisiens" est particulièrement injustifié et offensant, car il ne tient pas compte de la réalité historique des faits ... comme dans tous les groupes sociaux, parmi les pharisiens aussi, gardiens et interprètes de la loi, il y avait les "cœurs de chair" - Nicodème n'était-il pas un pharisien? - et les "cœurs de pierre").

Le thème a été repris samedi le 7 Novembre par les Communautés italiennes chrétiennes de base (catholiques de "gauche") dans un texte où on lit que le rappel papal sur l'inconciliabilité pour un croyant entre annoncer la pauvreté et vivre en pharaon «s'applique en particulier à ceux qui ont des responsabilités dans le gouvernement de l'Église et qui, tandis que le pape vit de façon simple et austère à Sainte Marthe, continuent à pratiquer, à côté de lui, des modes de vie princiers et à vivre selon des styles de comportement fastueux qui ôtent leur crédit à ceux qui doivent proclamer la Parole du Seigneur».

«Princiers, fastueux».
Mais demandons-nous: est-ce vrai? Est-il vrai que cardinaux et évêques vivent habituellement dans des habitations que l'on peut qualifier de "pharaonique"? (..)

Nous connaissons pour des raisons professionnelles plusieurs demeures de cardinaux, pas seulement de Curie. Ils en ont «hérité» d'un cardinal prédécesseur et elles passeront (à condition, compte tenu des clairs de lune aujourd'hui, qu'elles ne soient pas démembrées ou vendues) à un successeur.
Elles sont situées dans des bâtiments historiques, et par conséquent sont vastes (avec une superficie de plus de 300 mètres carrés en moyenne).
Toutefois, il serait pour le moins exagéré de les envisager comme "pharaoniques".
Les locaux sont spacieux, mais - pour ce que nous avons pu constater - on n'y voit pas ce luxe qui certes détonnerait avec l'image (juste!) d'une Église sobre.
Souvent, il y a aussi une chapelle privée: est-ce un crime? Les murs des pièces sont souvent pleins à craquer de livres et de documents variés, émanant un parfum de solide culture: un autre crime? Les locaux ont peu de meubles. Et, sur les rares d'entre eux - en particulier dans le hall ou dans le couloir - on trouve des souvenirs de voyages, des dons reçus, souvent des crèches du monde entier, des photos de famille et des rencontres avec les papes et les diverses autorités, des tableaux offerts... en somme, le témoignage d'une vie: un crime, cela aussi?

Pour ce que nous avons constaté, les appartements sont très bien tenus, décorés avec des plantes d'intérieur, entretenus avec l'amour, qui pousse à soigner les détails, d'une ou plusieurs sœurs (qui vivent également dans l'appartement). Ils ont tous un salon pour accueillir les visiteurs, un bureau de travail, une salle à manger: des locaux superflus? Nous ne dirions pas, vu que ces appartements dans de nombreux cas, sont le lieu privilégié pour initier ou soutenir avec discrétion des initiatives caritatives, et qu'on y reçoit des gens qui pour des motifs sérieux ont besoin d'aide: donc les appartements jouent également un rôle social non négligeable.

Que voulons-nous faire? Suivre le populisme d'emprunt qui déferle, expulser quelques cardinaux et les envoyer à l'hôtel (avec des coûts non négligeables)? Restructurer les appartements, les divisant en quatre ou cinq parties (avec des coûts atteignant des sommets, à condition que cela soit possible, s'agissant de bâtiments "historique").
Compte tenu du manque d'espace qui en résulterait, doit-on vendre les souvenirs et les cadeaux d'une vie passée au service de l'Église, jetant des livres au pilon? Pensez à la réaction de ceux qui sont concernés ... pouvez-vous imaginer le cardinal Ravasi ou le cardinal Kasper (ndt: le choix de ces noms ne doit rien au hasard!) dans une chambre d'hôtel, avec des livres qui se compteraient sur les doigts d'une seule main? En outre: pour satisfaire les paupéristes (qui souvent ne sont certes pas pauvres) ne serait-il pas opportun de donner au thème un relief public, peut-être en programmant une journée de repentance collective des "rouge pourpre", vêtus de sac, des cendres sur la tête et des sandales aux pieds?

Une autre réflexion: si un appartement est aussi d'une certaine façon un symbole de stabilité (ce qui renforce l'identité de l'individu, avec toutes les conséquences positives liées), une chambre d'hôtel renvoie plutôt au provisoire et il est difficile de la considérer comme un "chez soi". En vérité la société d'aujourd'hui, caractérisée par une fluidité croissante (donc: l'instabilité), préfère la chambre d'hôtel à l'appartement.

En fait, il nous vient une idée: en parallèle... pourquoi ne pas démanteler le Quirinale (résidence du Président de la république italienne, ndt), redimensionner la Maison Blanche, l'Elysée et ça va sans dire (en français dans le texte), Buckingham Palace? Les locataires actuels et futurs? Tous à l'hôtel!
Par extension, pourquoi ne pas également restructurer - en les divisant en plusieurs appartements - les villas de ces politiciens, ces managers, interchangeables (pour raisons judiciaires), mais toujours bien placés, ces banquiers et spéculateurs immobiliers qui font étalage de luxe - celui-là, oui, tape-à-l'oeil et offensant et dont il n'est pas rare qu'il soit le fruit de la corruption? Prêts au moins en partie - avec leur faune de thuriféraires stipendiés - à succéder aux Cardinaux, si ceux-ci étaient contraints de déménager?

Bref: attention à ne pas interpréter l'"Église pauvre" (dans le sens de "sobre") comme une «Église va-nu-pieds», comme le veulent (ouvertement ou subrepticement) tous ceux qui visent à dépouiller l'Eglise des éléments symboliques utiles à son identification sociale (ici, il ne s'agit pas seulement de forme, mais aussi de substance) et de la ramener dans les sacristies (peut-être sous la forme de chambres d'hôtel), de sorte que finalement elle se configure - non plus comme phare public, reconnaissable pour la société - comme un élément négligeable dont les hommes et les femmes de notre temps peuvent facilement se passer.

Annexe

Vatican : la moitié des offrandes aux pauvres vont à la curie
(JDD)
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Deux livres à paraître prochainement révèlent des frasques financières derrière les murs épais du Vatican, où, selon leurs auteurs, une partie par exemple de dons faits aux pauvres financent en réalité les dépenses somptuaires de certains cardinaux.
Si le souverain pontife a choisi le prénom François, c'était dans le but de coller à la mission de saint François d'Assise : aider les pauvres. Il faut croire que l'objectif avoué de Jorge Bergoglio ne plaît pas à tout le monde au Vatican, comme le prouve mardi "Le Monde", qui publie des extraits de "Chemin de croix", l'ouvrage explosif du journaliste italien Gianluigi Nuzzi. L'auteur de cette enquête explique notamment que les fonds destinés aux pauvres servent en grande partie à couvrir les frais de la curie. Un autre livre fait état des mêmes pratiques : Avarice, d'Emiliano Fittipaldi de l'hebdomadaire L'Espresso de gauche.
(...)
L'auteur prend en exemple quelque 200.000 euros détournés d'une fondation dépendant de l'hôpital catholique Bambino Gesu pour financer la rénovation de l'appartement du cardinal Tarcisio Bertone, ex-numéro deux du Vatican. Ce luxueux appartement de 700 m2 est nettement plus (ndr: ??? - le journal qui publie cela n'a-t-il pas les moyens de se payer un correcteur?) modeste que celui qu'occupe le pape François à la résidence Sainte-Marthe
(...)

La préface d'Avarice donne la parole à un certain monsignore âgé, qui lui conseille d'écrire ce livre : "Tu dois écrire ce livre pour François, qui doit savoir. Il doit savoir que la Fondation du Bambino Gesù, née pour recueillir les dons en faveur des petits malades, a payé une partie des travaux faits dans le nouvel appartement du cardinal Tarcisio Bertone!"

Et des cardinaux "continuent de vivre dans des appartements de 500 m2", ajoute de son côté Gianluigi Nuzzi.
(...)

[et ainsi de suite!!!]