Le cardinal Biffi, Jean Paul II et les repentances

Quand le cardinal Biffi conseilla à Jean-Paul II ne pas trop se repentir. Extrait de ses Mémoires d'un italien cardinal

Un texte déjà ancien, mais d'une totale actualité...

 

Quand le cardinal Biffi conseilla à Jean-Paul II ne pas trop se repentir

www.papalepapale.com (La Strega cacciatrice)
9 février 2013
(Ma traduction)

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Vivant dans une des régions les plus déchristianisées d'Italie, le Toscane, quand je sors d'une librairie avec un livre en défense de l'Église, je risque d'être ridiculisée et dénigrée. Les phrases sont évidemment pleines de lieux communs: "Les croisades sont pires que le jihad islamique" - "Le pape prêche la pauvreté, mais vit dans l'or" - "L'Inquisition a torturé Galileo Galilei et l'a brûlé sur le bûcher" - "Pie XII est un antisémite", etc.
Aucune de ces déclarations ne correspond bien sûr à la vérité, mais quand l'esprit est obscurci par des préjugés, on ne change pas d'avis, même en présence de preuves historiques. Alors je me tais et continue mon chemin. Malheureusement, parfois, cela ne suffit pas à calmer l'«agresseur». Je me suis entendue dire, «Tu ne réponds pas, parce que tu ne peux rien dire! Même ton Pape, durant Jubilé de l'an 2000 a reconnu que l'Eglise est l'organisation la plus criminelle de l'histoire».

Étant donné que Jean-Paul II n'a rien admis tout cela, mais a demandé pardon pour les péchés commis par certains membres de l'Église, j'ai immédiatement pensé que le cardinal Biffi avait bien fait de conseiller le Pape de bien réfléchir avant d'accomplir un tel pas. Ce «précédent» - appelons-le ainsi - a favorisé la création d'une «mauvaise conscience» envers les chrétiens, les catholiques en particulier. Même parmi les catholiques pratiquants, malheureusement, il y en a qui sont convaincus que, jusqu'à il y a quelques siècles, l'histoire de l'Église est remplie d'horreurs.

Voici ce que raconte le cardinal Biffi dans son livre “Memoria e digressioni di un italiano cardinale”.

Le 7 Juillet 1997, Jean-Paul II eut l'amibilité de m'inviter à déjeuner, et étendit aussi l'invitation au cérémoniaire archiépiscopal, don Roberto Parisini, qui m'a accompagné et reste donc comme un témoin précieux de l'épisode.
A table, le Saint-Père à un moment donné a dit: «Avez-vous remarqué que nous avons changé la phrase de [la lettre apostolique] "Tertio millennio adveniente" ?
Le projet, qui avait été envoyé par anticipation aux cardinaux, portait l'expression: "L'Église reconnaît comme siens les péchés de ses enfants"; expression qui - je l'avait fait observer avec une franchise respectueuse - n'était pas proposable.
Dans le texte final, le raisonnement apparaît changé comme suit: "L'Église reconnaît toujours comme siens ses enfants pécheurs".
Le pape, à ce moment, tenait à me le rappeler, sachant que cela me ferait plaisir. J'ai répondu en me disant très reconnaissants et manifestant ma pleine satisfaction sous l'angle théologiquee. Mais j'ai eu aussi envie d'ajouter une réserve d'ordre pastoral: l'initiative inédite de demander pardon pour les erreurs et les incohérences des siècles passés, selon moi, scandaliserait les "petits", les préférés du Seigneur Jésus (cf. Matthieu 11, 25): parce que le peuple des fidèle, qui ne sait pas faire beaucoup de distinctions théologiques, verrait par ces auto-accusations compromise son adhésion sereine au mystère ecclésial, qui (nous disent toutes les professions de foi) est essentiellement un mystère de sainteté. Le Pape a alors dit textuellement: "Oui, cela est vrai. Nous allons y penser". Malheureusement, il n'y a pas pensé assez
(Giacomo cardinal Biffi,“Memoria e digressioni di un italiano cardinale”, p. 536, Cantagalli, 2007).



Le geste courageux du Bienheureux Jean-Paul II, malheureusement, n'a pas eu l'effet escompté, surtout parmi les catholiques. Un juste appel à la pénitence et au pardon, à se charger aussi des fautes des autres, pour exalter la sainteté de l'Epouse mystique du Christ, a été transformé en un vulgaire acte d'accusation contre l'Eglise.