L'effet François, 2 ans et demi après

Style Bergoglio, effet François

Quelques flashbacks, et une enquêtre d'aujourd'hui. La fréquentation des églises en Italie est en baisse constante depuis 2013

>>> A consulter, cette page du CESNUR, signée Massimo Introvigne "Recensions et interventions sur L'Effet François", qui dresse une liste de médias et faiseurs d'opinion et renvoie aux articles correspondants: une parfaite illustration du conformisme médiatique. Particulièrement savoureuse aujourd'hui.

 

Je viens de traduire un article paru dans Il Foglio du 9 décembre, le lendemain de l'ouverture du jubilé. L'auteur s'interroge, chiffres (irréfutables) à l'appui, sur le contraste entre la popularité de François, telle qu'elle est annoncée à grand fracas par les médias, et la réalité des faits, sur le terrain, c'est-à-dire au plus près du Siège de Pierre: en Italie (il faut dire que nos voisins transalpins ont un rapport avec la papauté, et spécialement CE pape, difficilement envisageable dans la France laïque: les italiens ont droit à leur dose de Bergogliopotion matin midi et soir, via presse écrite et télévision).
Surprise (relative, pour ceux qui observent la fréquentation des audiences du mercredi), après une affluence plus que mitigée aux "festivités" de l'ouverture du jubilé, depuis 2013, la fréquentation des églises n'a cessé de baisser.
Ce fait trouve évidemment un écho dans les premiers articles suivant le début de ce pontificat que j'ai écrits sur ce site à propos du prétendu "effet François", dont l'un des objectifs (mais pas le seul) était de discréditer Benoît XVI.

Retours en arrière

I. Pardon de me citer, mais dès le 4 avril 2013, je titrais: "ALLELUIA!! LES ÉGLISES VONT ENFIN SE REMPLIR", traduisant l'interview d'un jeune prêtre italien publiée sur le très officiel <www.news.va>, qui se concluait par cet échange (à relire aujourd'hui.... avec un regard neuf!)

- Et il nous nous semble pouvoir dire que [son] langage a déjà été particulièrement efficace, si nous regardons seulement ce qui s'est remis en mouvement dans les cœurs peu de temps après le premier Angelus sur la Place Saint-Pierre, non?

- Maintenant, je vis à Milan dans une paroisse de la banlieue et dans l'après-midi - comme toujours - je suis descendu à l'église, vers cinq heures - nous avons la messe à 18h: donc à 17h j'étais à l'église. D'habitude, quelqu'un vient se confesser ... Eh bien, dimanche, j'ai confessé deux heures d'affilée. Et la chose qui m'a frappé, c'est que tout le monde, tout le monde m'a dit: «il y a dix ans que je ne me suis pas confessé», «il y a cinq ans que je ne me suis pas confessé», «j'ai entendu le Pape et j'ai ressenti le besoin de venir me confesser». Voilà, je crois que c'est un beau signe: un homme qui parle de l'amour de Dieu, qui communique son expérience de miséricorde, sa passion pour Dieu et suscite immédiatement chez les autres le désir de vivre cette expérience.


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II. Le 8 avril, titre: "L'ÉTAT DE GRÂCE" . Cette fois, c'est l'inénarrable Tornielli (dont je commençais tout juste à soupçonner le rôle qu'il allait jouer comme garde rouge du pontificat bergoglien) qui écrivait:


Les prêtres affirment: «Plus de fidèles dans les confessionnaux»
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Tandis que l'on enregistre des critiques du nouveau pape de la part d'intellectuels et de sites Web qui jusqu'à il y a un mois se déclaraient ouvertement papistes et qui digérent mal la sobriété du successeur de Benoît, la vague de sympathie des fidèles de François se poursuit.
Une sympathie certainement pas due à un engouement médiatique (!!!): beaucoup de gens se sont rapprochés du sacrement de la confession le dimanche de Pâques, touchés par les paroles de Bergoglio sur le pardon et la miséricorde. En témoignent des curés et prêtres provenant de diverses régions de l'Italie.


Suivait un micro-trottoir tornellien (ou si l'on préfère un micro-sondage sur un échantillon de 10 personnes!!) entièrement "bricolé", censé illustrer l'engouement unanime pour le nouveau Pape et le retour massif des gens vers les églises.

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III. Le 16 avril, sous le titre "L'EFFET FRANÇOIS EST AUSSI UN EFFET BENOÎT" , j'avais traduit et commenté un article du Sussidiario, s'appuyant sur Massimo Introvigne pour étudier à son tour les symptômes de ce prétendu engouement: peut-être un peu gênée par l'excès d'enthousiasme, l'auteur, une certaine Cristiana Caricato tentait maladroitement d'y associer Benoît XVI (ce qu'elle nomme ici "ma thèse").
Voici le passage le plus significatif de son article:

La dernière confirmation de cette thèse - qui m'est toute personnelle - se trouve dans la recherche présentée hier par le Cesnur, le Centre d'études sur les nouvelles religions de Turin. C'est un sociologue qui l'a menée, un observateur du sacré, au-dessus de tout soupçon, Massimo Introvigne, qui sur un ton scientifiques et avec sécurité doctrinale, a voulu vérifier ce qui se chuchotait et se déballait avec une satisfaction surprenante sur des sites et des feuilles catholiques.
C'est un printemps de la foi, un retour sur les bancs des paroisses poussiéreuses, et même dans les confessionnaux. Ceux en bois, avec un grille perforée, dont souvent, en t'agenouillant, tu sens craquer la structure vermoulue et prie pour que la peine pour tes péchés ne consiste pas à te rompre le ménisque. Ils ont appelé cela «l'effet François». L'hypothèse était la suivante: «Le nouveau pape est sympathique, les gens l'adorent, ils ont compris son annonce d'un Dieu miséricordieux et retournent au bercail».
Il fallait vérifier les données. Et Cesnur a tenté, par le biais de questionnaires diffusés selon la technique "en cascade"sur les réseaux sociaux.
Les résultats confirment que les fidèles et les confessions augmentent dans plus de la moitié des églises italiennes. 53% d'un échantillon de 200 personnes, de prêtres et de religieux, a affirmé avoir constaté dans sa communauté une augmentation des personnes qui se rapprochent de la pratique religieuse. Et aussi, dans 43,8% de ces cas, l'augmentation des fidèles est considérée comme substantielle, supérieure à 25%. Pas mal. Et aux sceptiques qui pourraient se méfier de la sincérité cléricale, Introvigne oppose les conclusions d'une enquête similaire menée parmi les laïcs, 500 pour être précis. Eh bien, eux aussi, bien que plus distraits et moins enthousiastes à l'admettre se sont aperçus du «phénomène Bergoglio»: 41,8%.


IV. Enfin, le 8 octobre, je titrais simplement "L'EFFET FRANÇOIS" , commentant un article dithyrambique d'Andrea Tornielli (encore lui!) intitulé en toute humilité: "ÉGLISES BONDÉES, C'EST L'EFFET BERGOGLIO", qui commençait par ces mots:

L'effet François se poursuit sans relâche et se consolide. C'st attesté par une étude du sociologue Massimo Introvigne, dont il ressort que, rien qu'en Italie, des centaines de milliers de personnes se sont rapprochées de l'Eglise grâce à la parole et au témoignage du Pape.


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Que reste-t-il de tout cela, deux ans et demi plus tard? Eh bien... pas grand chose, sinon un peu de poussière, et beaucoup de perplexité sur les objectifs de ceux qui ont propagé ces mensonges (et celui qui en a bénéficié), du moins si l'on en croit l'article qui suit. On attend, sans trop y croire, que les courtisans de la première heure fassent leur auto-critique (Massimo Introvine a eu, au moins, la très bonne idée d'en dresser une liste... non exhaustive, cf. www.cesnur.org)

Une enquête d'aujourd'hui

Peu de monde sur la Place pour le Jubilé,
et encore moins le dimanche à la messe

BRÈVE ENQUÊTE DANS DES CHIFFRES DE L'ISTAT SUR LA PRATIQUE RELIGIEUSE EN ITALIE:
Au cours des dernières années, de moins en moins de gens viennent à l'église au moins une fois par semaine.
Pourtant François jouit d'une popularité jamais vue


Roberto Volpi
9 Décembre 2015
Il Foglio
Ma traduction

La Place Saint-Pierre le 8 décembre, pour l'ouverture du Jubilé

L'enquête de l'ISTAT (ndt: Istituto Nazionale di Statistica, l'équivalent italien de notre INSEE) sur les aspects de la vie quotidienne, est effectuée sur un échantillon de quelque 24 mille familles, pour un total d'environ 54 mille individus, répartis dans 850 villes italiennes de différentes tailles. Cela revient à dire que les données qui dérivent de cette enquête sont incomparablement plus précises et fiables que par exemple celles issues des nombreux sondages politico-électoraux dont on ne cesse pourtant de discuter, et sur lesquels les acteurs politiques de notre - et des autres - pays se basent, et basent leurs actions. Parmi les nombreux résultats, ceux relatifs à la "participation sociale" se prêtent à un examen tout particulier.

Premier aveu: je voulais voir si le pontificat de François, un Pape tellement populaire, universellement apprécié, aimé, avait obtenu un certain effet positif sur la "pratique religieuse" de la population italienne, synthétisée par l'indicateur le plus significatif, celui de la "proportion de personnes de plus de 6 ans qui se rendent dans un lieu de culte au moins une fois par semaine".
Je dois préciser en préambule que s'il y a un domaine dans lequel les statistiques ne peuvent pas descendre dans les motivations profondes et dans les manifestations intimes de l'agir humain, c'est bien le domaine religieux, celui de la foi religieuse. Par conséquent, il n'y a ici aucune prétention d'expliquer ou de porter des jugements, seulement celle de mettre sur la table, pour ainsi dire, des données qui même dans leurs limites explicatives peuvent malgré tout nous permettre de comprendre et d'apprécier certaines choses avec une plus grande connaissance des faits. Et c'est avec cette meilleure connaissance des faits que nous pouvons en effet dire que la pratique religieuse en Italie ne va pas bien, malgré François. Et même, qu'avec François, elle semble aller encore plus mal.

Et voici donc le deuxième aveu: je ne m'y attendais pas. Je ne m'attendais pas à ce que la fréquence de présence dans les églises (..) au lieu de monter, soit devenue avec François encore plus faible, atteignant un minimum en 2014 (pour 2015, il faudra attendre la fin de l'année prochaine) de 28,8%. Bref, un peu plus d'une personne sur quatre va à l'église au moins une fois par semaine. Soyons clairs, certains - ou beaucoup, je ne sais pas - peuvent considérer que ce chiffre n'est pas si mauvais, mais le problème n'est pas là.

Le problème est ailleurs, comme on le dit un million de fois à mauvais escient.
Mais ici, il est vraiment ailleurs, parce que durant les années du pontificat de Benoît XVI, la participation s'est maintenue constamment au-dessus de 30%, et en moyenne autour de 32-33%, si bien qu'avec François, il y a un recul. En somme, une fois de plus, il y a quelque chose qui cloche et ce qu'on lit dans les journaux, ce qu'on entend à la télévision et à la radio, ne trouve pas ensuite de correspondance dans les chiffres. Et ces chiffres sont hyper-fiables, je l'ai dit, si bien qu'une question très délicate, mais inévitable s'impose: comment se fait-il que l'immense popularité du pape, le fait qu'il soit universellement apprécié, que ses attitudes, non moins que les actions et décisions qu'il prend, soient partagées, n'aient pas conduit en Italie à une augmentation de la participation aux "pratiques religieuses"? Comment se fait-il qu'on aille non pas plus, mais moins à l'église avec François?

La question ne peut pas être affrontée à la légère, liquidée avec quelques mots de circonstance. Elle mérite un approfondissement, une discussion. Elle mérite que le phénomène François - parce que c'est ce qu'il est - soit vu, lu et interprété en termes profanes, avec les moyens de l'analyse rationnelle et de l'enquête empirique. Parce que, et c'est là une réponse que je crois pouvoir hasarder, la lecture de François qu'ont et offrent les moyens de communication de masse, avec le flot de paroles et d'émissions et de livres consacrés à sa figure et à son apostolat, se révèle très peu laïque, pas du tout subtile et acérée, mais conformiste, voire trompeuse. Et pourtant capable, justement à cause de cette faiblesse découverte, de montrer l'évidence d'une dissociation: la popularité, l'estime, l'appréciation, le fait de partager les paroles et les actes de François ne se répercutent pas sur l'Eglise, ni ne conduisent les fidèles à une plus grande participation à sa vie.
Il y a une dissociation, laquelle, manifestée avec le pape Jean-Paul II, réabsorbé par Benoît XVI, est même en train d'exploser avec François. C'est une dissociation qui certes ne peut pas pas passer inaperçue du côté du Vatican, même en temps de Jubilé. Et même que précisément le Jubilé menace d'aggraver encore plus.