Lettre des 13: les "novateurs" inversent les rôles

Ils crient à la conspiration. Mais tout le monde n'est pas dupe. Sandro Magister rétablit les faits. Et devinez qui criait le plus fort.... (15/10/2015)

Voir aussi:
>>> Synode: la pagaille du 12 octobre
>>> Mr Messy a encore frappé

Mise au point de Sandro Magister

La «conjuration des treize».
Celui qui en a parlé le premier

Settimo Cielo
14 octobre 2015
Traduction d'Anna


Réprouvant une fois de plus aujourd'hui 14 Octobre, lors du point-presse, «la lettre fatidique qui a eu bien plus d'écho qu'elle ne mérite», le Père Federico Lombardi - à l'instar d'une armée nourrie de prélats et de gazetiers - a semblé oublier que le premier à faire résonner bruyamment la nouvelle de cet acte privé a été non pas un émissaire présumé des signataires mais le vaticanste le plus ami et le plus proche de François qui soit, son hôte régulier à Santa Marta et son intervieweur récurrent: Andrea Tornielli, coordinateur du portail «Vatican Insider».

Tornielli a en effet lancé dès le 8 octobre la nouvelle de la démarche accomplie auprès du pape par treize pères synodaux, quatre jours avant que leur lettre ne soit connue, avec un article très informé paru simultanément sur «Vatican Insider» (dont il fut très vite retiré) et le quotidien «La Stampa», en page 9.
Sur «La Stampa» l'article figurait à la rubrique "Coulisses" et était titré: «SYNODE PILOTÉ, L'ACCUSATION DE 13 PRÉLATS. LE PAPE RÉPLIQUE: ASSEZ AVEC LES LOGIQUES DE CONSPIRATION».
Dans le corps de l'article non seulement on affirmait, avec une certitude absolue, que les auteurs de la révolte étaient treize - pas un de plus ni de moins - mais on précisait que parmi eux il y avait le cardinal George Pell, défini comme «le plus dur».
L'article ne parlait pas explicitement d'une lettre. Mais il disait que les «treize pères synodaux en [avaient] appelé au pape» le premier jour des travaux, lundi 5 octobre. Et il exposait en détail - avec une maitrise évidente de la matière - certains arguments qu'on devait effectivement retrouver dans la lettre, une fois publiée.

Des arguments toutefois exposés par Tornielli de manière à jeter une lumière détestable sur les treize, identifiés dès le début de l'article comme un «lobby» interne au synode faisant du «pressing», guidé par des «logiques de conspiration», dans le but de «faire croire que le synode était 'piloté' par la secrétairerie générale et en dernière analyse par le pape de manière à ce qu'il prenne une direction d'ouverture».


L'article se poursuivait, et se terminait avec de larges citations de la «réponse» donnée dans la salle le matin suivant, mardi 6 octobre, par le secrétaire général du synode et par le pape François aux auteurs de l'appel, retournant contre eux - non plus avec l'autorité du chroniqueur mais avec celle du pontife lui-même - l'accusation de «conspiration».

>>> L'article de Tornielli du 8 octobre dans "Vatican Insider" est ici: vaticaninsider.lastampa.it

Une analyse de Riccardo Cascioli

Beaucoup de bruit pour rien.
Mais les familles, où sont-elles?

La Bussola
15 octobre 2015
Riccardo Cascioli
Ma traduction


La guerre déclenchée par les grands médias progressistes sur l'affaire de la lettre des 13 cardinaux, de surréaliste qu'elle était, a sombré hier soir dans le ridicule. Mais il semble que rien ne puisse arrêter cette agression contre les cardinaux signataires, accusés d'être rien moins que des conspirateurs, et le vaticaniste Sandro Magister qui a publié cette lettre (ndt: j'ai même lu sur un blog francophone que c'était Magister qui "jetait le trouble"). Et c'est Magister lui-même qui hier soir s'est chargé de démontrer que la nouvelle de l'intervention des 13 cardinaux avait été donnée quatre jours avant lui par le responsable de Vatican Insider Andrea Tornielli, l'un des plus actifs dans la dénonciation de la prétendue conspiration.

Mais quelle conspiration? Là réside l'élément surréaliste: la conspiration est par définition quelque chose qui se trame dans l'ombre, en secret, derrière le dos de quelqu'un qu'on a l'intention de frapper, pour obtenir des résultats qui searaient impossibles en plein jour. Mais quel rapport avec quelques cardinaux qui signent une lettre et la remettent directement au pape, c'est-à-dire à celui qui devrait être - dans l'esprit pervers de nombreux commentateurs - la victime? Et il y a plus: les préoccupations exprimées dans la lettre étaient les mêmes que celles exprimées publiquement dans la Salle du Synode (et même avant dans des interviews et des déclarations), de sorte qu'en réalité, le contenu de la lettre n'était pas non plus une surprise.

Le seul fait nouveau est d'avoir rendu la lettre publique, et on peut légitimement discuter de la sagesse de la décision. Mais ce qui ne prête vraiment pas à discussion, c'est la loyauté de ceux qui ont signé la lettre; et la fidélité au Pape, au point de le prendre au sérieux lorsqu'il a invité à parler franchement. Ce qu'ils viennent simplement de faire. Ce qui se passe ces jours-ci, n'est que la dernière tentative en date - prenant le prétexte de la lettre des cardinaux - pour diriger le Synode vers la conclusion souhaitée, exactement la préoccupation exprimée par les treize.

Du reste, il est évident que ces dernières semaines, on a assisté à une montée sensible du niveau d'agression verbale envers ceux qui résistent dans la fidélité à ce que l'Eglise catholique a toujours professé; et la Miséricorde est utilisé comme clé pour frapper quiconque ose formuler des objections au glissement inéluctable vers des positions protestantes.

Le pape a demandé la parrhêsia (tout dire franchement), mais le cardinal Kasper dans sa récente interview au Corriere della Sera a stigmatisé comme «fondamentalistes» ceux qui ne pensent pas comme lui. «Fondamentalistes sectaires», n'a pas tardé à lui faire écho Stefania Falasca dans les colonnes de l'Avvenire (qui soit dit en passant n'a pas manqué une occasion, depuis un an et demi, de montrer son manque de fiabilité pour rendre compte de ce qui se passe au Synode). Et cela a continué jusqu'à l'agression de ces jours-ci: «conspirateurs», «ennemis du Pape», «clique», sont les jugements les plus bienveillants utilisés par toute la grande presse. De cette façon, on veut faire taire les «adversaires» à travers l'intimidation, surtout en prévision des jours à venir, lorsque les Pères synodaux discuteront de la partie la plus controversée de l'Instrumentum Laboris, celle qui concerne la communion pour les divorcés remariés, la cohabitation et les unions homosexuelles.

Ce n'est pas un beau spectacle, d'autant plus qu'on s'attendait - après l'expérience du Synode de l'année dernière et l'auto-critique faite par François lui-même - à voir accorder plus d'espace aux familles réelles, et au témoignage de ceux qui vivent dans le mariage la vocation à la sainteté. La canonisation dimanche du couple Martin entendait aussi le rappeler. Mais il semble que les familles présentes au Synode n'aient qu'un rôle de faire-valoir, leurs interventions ne visant qu'à mettre de la couleur, et pas à être un point de départ ou de référence pour le débat des évêques et des cardinaux.
Pour le secrétariat du Synode la seule chose qui importe est le très contesté Instrumentum Laboris. Le cardinal américain Dolan a dit ironiquement que, dans ce climat d'inclusion, les seules exclues sont les familles qui restent fidèles à leur vocation, parmi de nombreuses difficultés .
Et à voir les briefings quotidiens provenant du Synode, on pourrait dire qu'il a raison.