Lettre ouverte à François (suite)

Mise au point : l’anonymat de l’auteur est justifié, et il ne s’agissait pas d’un simple «règlement de compte»

>>> Une lettre ouverte à François

 

La lettre au Pape d'un ex-membre de la Curie - appelons-le le père X.-, s'exprimant dans les colonnes du magazine Focus et que j'ai traduite hier (elle a entretemps été reprise par Sandro Magister), m'a valu une réaction réprobatrice d'un lecteur, à laquelle je souhaite pour une fois réagir, même si mon site n'est pas un espace de débat -un choix dont je ne pense pas avoir à me justifier, pas plus que je n'ai à me justifier des sujets que je traite:

Je trouve dommage que vous ayez publié la lettre ouverte d'un ancien membre de la Curie . En effet, il s'agit d'un règlement de compte personnel, et anonyme.
(...)


Il me semble que ce reproche procède soit d'une méconnaissance de mon site (ce qui est certes bien excusable), soit d'une lecture superficielle de la lettre... soit des deux.
En effet, d'une part, en énumérant ses griefs au Pape, le père X explique bien pourquoi il est obligé de rester anonyme. Sa réserve est justifiée, donc respectable, j'ai amplement illustré dans ces pages, et encore tout récemment, à quel point il était difficile (surtout pour les hommes d'Eglise) de critiquer le Pape (cf. Peut-on critiquer le Pape? ).
Justement, en avril dernier, quelqu'un d'aussi modéré que Giuseppe Rusconi écrivait un long article, présentant, disait-il "une photographie (prise en mars et qui ne prétend pas être exhaustive) de quelques-unes parmi les différentes humeurs de la Curie Romaine à l'égard du pape François" - qui ne faisait qu'annoncer la lettre d'aujourd'hui, confirmant en particulier cette nécessité de l'anonymat. (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/photo-instantanee-de-la-curie-sous-franois).

Par ailleurs, mon lecteur parle de "règlement de compte". Si c'en est un, c'est aussi bien autre chose!
J'aurais pu penser la même chose que lui si je débarquais de la planète Mars, ou simplement si j'étais un spectateur "extérieur" de la scène romaine actuelle... mais ce n'est pas le cas (en toute modestie). Les faits que le père X a choisi de publier via un magazine allemand à gros tirage ne sont pas des inventions, ils sont malheureusement bien réels, quotidiens (cf. Un Pape anticlérical), et la semonce papale à la Curie de décembre 2014 a certainement été pour lui la goutte d'eau de trop.

Il faut relire à cet égard deux articles écrits par un prêtre blogueur anglais, "Father Ray Blake" qui prend le risque, lui, d'écrire sous son propre nom - mais il ne travaille pas à la Curie -, se faisant, comme le père X, le porte-parole des collaborateurs directs du Pape.

>>> Le 27 décembre 2014, une semaine après le discours papal, il apportait, à propos des fonctionnaires curiaux, sous le titre "Ce n'est pas un job que j'aimerais faire" (benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/curie-lenvers-du-decor) un témoignage poignant de la solitude et du découragement de ces prêtres, qui auraient besoin de réconfort plutôt que de cette violente et impitoyable diatribe.

>>> Six mois plus tard, en juillet dernier, le même Father Blake confirmait ses propos dans un autre billet intitulé "Des prêtres qui s'en vont", écrivant (benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/des-pretres-qui-sen-vont):

Les prêtres sont mécontents d'être harcelés, et ils quittent Rome. C'est le mécontentement et le harcèlement qui les font partir. Un bon employeur pourrait se demander si quelque chose peut être fait pour mettre fin à cette situation, comme dire au Pape de lever le pied, ou tout simplement lui faire prendre conscience du mécontentement causé per ses agissements.


* * *

Alors, le père X s'est-il livré à un simple règlement de compte, sous couvert d'un confortable anonymat?
Non, évidemment.
Il n'a été, je le répète, que le porte-parole (dont l'anonymat est justifié par les faits... et le caractère du destinataire) de la détresse et de la lassitude de beaucoup de ses ex-confrères qui, comme me l'a confié un prêtre ami cherchent en l'Eglise une mère, et n'y trouvent souvent qu'une marâtre abusive (cf. Un prêtre ami m'écrit...)