Mort du cardinal Biffi

Un grand ami de ce site, et un grand cardinal, authentique homme de Dieu, s'est éteint à 87 ans. Quelques rappels prophétiques

 

De nombreuses pages lui ont été consacrées sur ce site (voir ICI).
La dernière fois, c'était tout récemment, pour rappeler le discours à contre courant sur l'immigration qu'il avait prononcé en septembre 2000, lors d'un séminaire de la Fondation Migrants: un discours qui n'a pas pris une ride, mais qui lui avait valu un lynchage médiatique prévisible (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/document-le-cardinal-biffi-sur-limmigration).

J'avais appris à le connaître en février 2007, alors que Benoît XVI venait de le choisir pour prêcher la retraite de Carême [voir Annexe ]. Il avait choisi comme thème cette phrase de saint Paul dans l'épître aux Colossiens (3, 1-2) : "Recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre"..

A cette occasion, dans sa méditation du 27 février 2007, il citait la dernière oeuvre de Vladimir Soloviev, Les Trois Entretiens (ed. Ad Solem), "où l'antéchrist était présenté comme pacifiste, écologiste et oecuménique":

"Il convoque un concile oecuménique, et cherche le consensus de toutes les confessions chrétiennes, en concédant quelque chose à chacun.
Les masses le suivent, excepté des petits groupes de catholiques, d'orthodoxes et de protestants qui lui disent: "Tu nous donnes tout, excepté ce qui nous intéresse: Jésus-Christ".
(cf. eucharistiemisericor.free.fr)



Le cardinal Biffi était l'anti-Martini dont il était presque le contemporain (né en 1928), raison pour laquelle sans doute ses très nombreux livres ne sont pas traduits en français.
A noter parmi ceux-ci son "Mémoires et digressions d'un italien cardinal", publié en 2007, remis à jour et complété en 2010, auquel Sandro Magister avait consacré un article illustré de "bonne feuiles" sous le titre "Les embarrassants mémoires du cardinal Biffi" (chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1345582?fr=y).
Il faut absolument lire le passage relatif à "L'IDÉOLOGIE DE L'HOMOSEXUALITÉ", où il n'hésitait pas à citer le fameux passage de la Lettre de saint Paul aux Romains (ch 1, 24-) que beaucoup de prêtres feignent d'avoir oublié.

Un exception notable, un petit livre génial a été traduit en français sous le titre "Le cinquième évangile".
Écrit en 1969, donc bien antérieur au Da Vinci Code et à la sous-littérature dérivée, le livre se basait sur un artifice littéraire du même genre. L'auteur imaginait qu'un de ses amis d'enfance, devenu homme d'affaires, un nommé Migliavacca, avait retrouvé dans une brocante le manuscrit d'un cinquième Évangile qui permettait enfin de "faire la lumière sur quelques-uns des plus inexplicables mystères du christianisme".
Le biais de l'ironie permettait au prêtre que Giacomo Biffi était encore à l'époque de dénoncer la théologie politiquement correcte post-conciliaire.

"Par exemple, la parabole de la brebis égarée trouvait une version plus conforme à l'esprit de notre temps: «Le Royaume des cieux est semblable à un berger qui, ayant cent moutons et en ayant perdu quatre-vingt-dix-neuf, reproche au dernier mouton son manque d'initiative, le chasse, ferme la bergerie, et s'en va au bistrot pour discuter d'élevage des moutons »".
(cf. eucharistiemisericor.free.fr)


En guise d'hommage, je propose à mes lecteurs d'en (re)lire ce bref extrait - qui aujourd'hui semble incroyablement prophétique - que m'avait transmis mon amie, Catherine.

Un nouvel Evangile , fragment 28

J’ai prié pour toi, Simon, pour que ta foi, confirmée par l’opinion de la multitude, ne défaille jamais, et que tu sois soutenu par le murmure affectueux de tes frères.
(Le nouvel Evangile , fragment 28)


* * *

Simon… j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas, et toi, une fois converti, confirme tes frères.
(Luc 22, 32)


Qu’est-ce qui soutient la foi inébranlable de Pierre ? La prière du Christ, semble nous enseigner le troisième évangile. L’avis de la majorité des fidèles, insinue au contraire notre texte.
Lorsque dans l’Eglise se fait jour une certaine incertitude sur la voie à prendre, que doit faire Pierre ? Se fier à son charisme intérieur, à la source duquel se tient la prière du Seigneur, «évêque et pasteur de nos âmes», semble suggérer Saint Luc. Se fonder sur les résultats d’un référendum parmi les baptisés, ou du moins sur un sondage d’opinion, dit le cinquième évangile.

Si le troupeau ne sait plus où aller, que doit-il faire ?
Qu’il regarde Pierre, le pasteur délégué, semble affirmer l’évangile selon Jean. Pas du tout: que les brebis se réunissent et décident à la majorité de la route que devra prendre leur pasteur, enseigne l’évangile selon Migliavacca.

Nous nous trouvons, comme on voit, en présence de deux conceptions antinomiques de l’Eglise et de son chef visible. Elles ne peuvent s’accorder entre elles, il faut choisir.

Pour notre part, nous n’avons aucun doute : la théologie de la primauté qui est sous-jacente à ce bref fragment, même si elle est en opposition avec les évangiles canoniques, est plus démocratique, plus conforme à la mentalité des temps qui courent, plus acceptable.

Annexe

Je reproduis ici le discours de remerciement de Benoît XVI, le 3 mars 2007:

Monsieur le Cardinal,

Au nom de chacun de nous ici réunis, je voudrais vous dire, de tout cœur, merci, pour la merveilleuse anagogie que vous nous avez offerte cette semaine.

Au cours de la Messe, avant la prière eucharistique, chaque jour, nous répondons à l'invitation "élevons notre cœur" par les paroles: "nous le tournons vers le Seigneur". Et je crains que cette réponse soit souvent plus rituelle qu'existentielle. Mais vous nous avez réellement enseigné, au cours de cette semaine, à faire monter, à élever notre cœur, à nous élever vers l'invisible, vers la vraie réalité. Et vous nous avez donné également la clé pour répondre chaque jour aux défis de cette réalité.
Au cours de votre première conférence, je me suis rendu compte que dans la marqueterie de mon prie-Dieu est représenté le Christ ressuscité, entouré par des anges qui volent. J'ai pensé que ces anges peuvent voler parce qu'ils ne se trouvent pas dans la gravitation des choses matérielles de la terre, mais dans la gravitation de l'amour du Ressuscité; et que nous pourrions voler si nous sortions un peu de la gravitation du matériel et que nous entrions dans la gravitation nouvelle de l'amour du Ressuscité.
Vous nous avez réellement aidés à sortir de cette gravitation des choses de chaque jour et à entrer dans cette autre gravitation du Ressuscité et, ainsi, à nous élever. De cela, nous vous remercions.
Je voudrais vous remercier également de nous avoir offert des diagnostics très perspicaces et très précis de notre situation d'aujourd'hui et, surtout, de nous avoir montré que derrière de nombreux phénomènes de notre époque, en apparence très éloignés de la religion et du Christ, il y a une demande, une attente, un désir; et que la seule véritable réponse à ce désir, omniprésent justement à notre époque, est le Christ.
Ainsi, vous nous avez aidés à suivre le Christ avec davantage de courage et à aimer davantage l'Eglise, l'"Immaculata ex maculatis", comme vous nous l'avez enseigné avec saint Ambroise.

Je voudrais enfin vous remercier de votre réalisme, de votre humour et de votre sens du concret; jusqu'à la théologie un peu audacieuse d'une des personnes à votre service: je n'oserais pas soumettre ces paroles "le Seigneur a peut-être aussi ses défauts" au jugement de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Mais, quoi qu'il en soit, nous avons appris quelque chose, et vos pensées, Monsieur le Cardinal, nous accompagneront également au-delà des prochaines semaines.
Nos prières vous accompagnent. Merci.