Pédagogie pour les brebis du Pape François

Un billet bien envoyé d'un blogueur espagnol, sur le site argentin <Caminante - The Wanderer>, traduit - et commenté - par Carlota. Résumé en quelques mots : en cultivant l'ambiguïté, le pape nous prendrait-il pour des idiots?

 

Carlota
29 août 2015
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J’avais déjà traduit un article de Francisco José Soler Gil (Cf. Que faire en présence d’un pape calamiteux ?, benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/10-conseils-pour-survivre).
Ce scientifique espagnol (carrière en Espagne et en Allemagne) qui a écrit plusieurs livres, certains traduits en allemand et en français, dont «60 questions sur la science et la foi» (2014), revient à l’attaque, sur un site catholique argentin très peu bergoglien, caminante-wanderer.blogspot.fr en évoquant la pédagogie pastorale du Pape François.

Original ici: caminante-wanderer.blogspot.fr/2015/08/pedagogia-para-ovejas-del-papa-francisco.

Pédagogie pour les brebis du Pape François


L’été est l’époque de longues réunions nocturnes, en plein air, avec la famille ou les amis. Les températures aimables de la nuit invitent à s’arrêter à toute sorte de spéculations; peut-être devant une bonne table, sur laquelle ne manquera pas la bouteille de vin rafraichissant. À la campagne ou à la plage, à la lumière des étoiles, on accepte des questions qui pourraient être considérées comme impertinentes dans n’importe quel autre contexte.

Ainsi par exemple, si dans un cadre comme celui décrit ci-dessus, un ami me demandait ce qui me parait le pire du pontificat de François, je ne le rappellerais pas à l’ordre, ni ne lui remettrais en mémoire les doctrines du respect filial, mais, sans hésiter un seul instant, je lui répondrais simplement que le pire ce sont les préparatifs qui se font, en pleine lumière, pour corriger le plan de Jésus Christ lui-même, en vue de satisfaire le monde. Et il est évident que je fais référence, en tout premier lieu, à l’admission à la communion, des divorcés qui vivent dans l’adultère. Que c’est quelque chose que le Pape François semble s’être engagé avec fermeté à mettre en place et qu’il est possible qu’il y arrive, en récoltant de grands applaudissements des ennemis mortels du christianisme.

Mais si cet ami insistant me demandait ensuite quelle est la seconde pire chose de l’actuel pontificat, j’admets qu’il me mettrait dans l’embarras. Il y a tellement de choix!

Je pourrais peut-être mentionner la phrase qui restera à jamais en mémoire pour évoquer François I (sic !) : « Qui suis-je pour juger ? » Une phrase qui, en outre, à ce que nous en voyons, ne s’applique que dans des directions déterminées, et de préférence en faveur des désirs arc-en-ciel.

Mais je pourrais mentionner à la place la ténébreuse inversion de la phrase en question: les continuelles « miséricordines » de voix critiques face à la détérioration doctrinale dont souffre l’Église. Du bien méritant cardinal Burke en allant vers le bas, la liste en est déjà très longue.

Et je pourrais mentionner aussi les interviews aériennes du Pape, la verbosité inépuisable, les mères lapines, les ostentations d’humilité, l’option préférentielle pour les politiques, les acteurs, les footballeurs, le populisme à deux sous, l’interférence dans des matières scientifiques et économiques hors de sa compétence,…Vraiment, il y a tellement de choix !
Donc, face à une si exubérante variété de choix, le mieux est de se laisser guider par ses propres préférences. Puisque nous nous trouvons au milieu de la grande foire aux bêtises, choisissez celle qui vous dérange le plus.
Ce qui me dérange le plus, moi, c’est qu’on me prenne pour un imbécile et c’est pour cela que la chose qui me coûte le plus à supporter c’est la pédagogie pour les brebis du Pape François.

Comme chacun a sa façon d’agir, l’actuel pontife en use encore et encore, avec certains procédés qui semblent être à son goût. Le malheur c’est que ces procédés présupposent, - ou tout au moins c’est l’impression que cela me donne à moi -, que le troupeau qu’il a en charge est constitué de brebis bien sottes (*).

Je mentionnerai un seul exemple pour ne pas être prolixe. Le plus récent qui me vient à l’esprit. Ces jours-ci nous avons assisté à la énième exhibition de la méthode pédagogique bergoglienne, concrètement lors de l’audience générale d’il y a cinq jours (en fait la fameuse audience du 5 août). Que nous a expliqué le souverain pontife à cette occasion ? Il a parlé des divorcés qui vivent dans l’adultère, ou plutôt dans d’autres termes ; « ceux qui après la rupture de leur lien matrimonial ont établi une nouvelle vie commune ». Bon, cette terminologie est un peu plus longue que celle employée par Notre Seigneur, mais en tenant compte de l’enseignement du Christ, les deux sont équivalentes. Mais, chacun est entièrement libre de choisir les paroles avec lesquelles il veut s’exprimer, de façon à ce que nous revenions au point central de l’affaire : Que nous a expliqué le souverain pontife sur les divorcés qui vivent dans l’adultère ? Eh bien qu’ils ne sont pas excommuniés. Ni plus ni moins.

Comme c’était prévisible, les media du monde entier ont mis comme titre : le Pape dit que les divorcés remariés peuvent communier. Et comme c’était non moins prévisible, les media catholiques ont aussi répondu que c’était une mauvaise interprétation, quand ce n’était pas une manipulation, des paroles du Pape. Car ce n’est pas la même chose de ne pas être excommunié et de pouvoir communier. Comme toujours. Il est arrivé ce qui arrive toujours. Ce qui ne fait qu’arriver tout au long du pontificat.

Vraiment le pape ne pouvait pas savoir à l’avance que ses paroles seraient interprétées de la façon dont elles l’ont été ? Évidemment qu’il le savait. Et comment n’allait-il pas le savoir ? En réalité il s’agit, - à côté des destitutions et des nominations - d’une de ses façons préférées d’influencer le déroulement d’une discussion : faire une déclaration ambiguë, qui donne des ailes à la faction hétérodoxe qu’il désire impulser, en même temps qu’il confirme les catholiques fidèles dans l’idée que rien de nouveau n’a été dit. Et ainsi la faute, celle de la bêtise exprimée, c’est comme toujours celle de la presse qui ne comprend pas. Mais bien sûr qu’elle comprend! Oh oui, comme elle comprend!

C’est pourquoi, si je pouvais demander une faveur au Souverain Pontife, je lui demanderais, puisqu’il a bien clairement en tête où il veut arriver, au moins qu’il n’ait pas recours à de tels procédés, qui à force de réitération, présupposent déjà la stupidité des catholiques qui essaient de se maintenir fidèles aux paroles du Christ. Des paroles qui en plus rendent le chemin long et tortueux.
Dit autrement : ce que tu vas faire, fais-le vite. (**)

Francisco José Soler Gil

Commentaires de traduction

(*) Il est vrai que le mouton n’est pas vraiment l’animal considéré comme le plus futé de la terre! Mais si le Seigneur a parlé de brebis c’était aussi par rapport à leur vulnérabilité et donc à l’importance de la mission du Pasteur avec son bâton pour les guider et les protéger…

(**) Certains diront que si procédé il y a, c’est pour faire sortir les loups du bois et mieux les combattre. Le problème c’est que les loups semblent être déjà dans la bergerie et qu’il semble que de bons bergers ont été priés d’aller voir ailleurs… Par contre, si procédé il y a, cela ressemble aux procédés utilisés par ceux qui nous gouvernent pour nous tromper jour après jour et abuser plus encore les plus vulnérables et les plus conformistes, les moins près à lutter contre le monde. C’est moche pour n’employer que ce mot de ma naïve et puérile indignation.
Je sais que la critique est aisée et que la mission d’un Pape est des plus difficiles, voire des plus impossibles. Mais si je continue à traduire des textes qui pourraient choquer certaines brebis, c’est que c’est ma façon à moi d’appeler à l’aide le Pasteur. Je n’ai malheureusement pas pour ma tranquillité passagère le syndrome de l’autruche, ni celle du mouton coiffé d’un seau renversé ! (voir photo qui illustre l’article). Je suis et je le confesse, comme les disciples qui s’affolaient alors que les eaux étaient devenues agitées et que le Seigneur dormait tranquillement à l’arrière de l’embarcation… Triste condition humaine du catholique et des choix qu’il doit affronter s’il veut assumer cette liberté que le Seigneur lui a justement donnée.