Quand l'Occident a honte de Noël

... et pas seulement les chrétiens! Une réflexion de Vittorio Messori autour d'une affaire qui fait grand bruit en Italie: un principal de collège zélé a décidé d'occulter Noël pour ne pas froisser les musulmans

 

Cela se passe à Rozzano, une commune de la banlieue milanaise.
L'affaire a reçu peu d'écho médiatique en France, même si elle rappelle des faits récents survenus chez nous (notamment la directive de l'Association des maires de France, recommandant de ne pas dresser de crèche dans les lieux publics).
La seule référence que j'ai trouvée est un article du correspondant à Rome du Monde, en accès payant, mais ce qu'on peut lire gratuitement suffit amplement:

EN ITALIE, LA DISCORDE DE LA CRÈCHE DE ROZZANO
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La politique italienne s’est donné rendez-vous à Rozzano, une commune de 45 000 habitants dans les faubourgs de Milan. C’est là, dans un collège, que se joue depuis quelques jours une nouvelle guerre de religion, ou plutôt un combat sur les valeurs, ravivé par les attentats du 13 novembre à Paris. D’un côté, le principal, Marco Parma, qui passe pour avoir voulu transformer les traditionnelles festivités liées à Noël (chants d’inspiration religieuse et crèche) en une « fête de l’hiver » d’où aucune confession ne pourrait se sentir exclue ; de l’autre, des parents, qui tiennent au respect de la tradition et revendiquent leurs valeurs et leur identité.
Malgré la démission de Marco Parma de ses fonctions, le 28 novembre, la tension ne s’est pas apaisée ....


Ce qui n'est au fond qu'un fait divers de plus, dans un panorama politique et social consternant entièrement dominé par le politiquement correct, a inspiré à Vittorio Messori, pour sa chronique du Corriere della Sera, une réflexion plus ample sur le désarmement spirituel de l'Europe opéré par l'abandon de ses racines.

Noël et la faiblesse de l'Europe qui ne croit plus en ces valeurs-là

Vittorio Messori
Corriere della Sera (www.vittoriomessori.it)
1er décembre 2015
Traduction d'Anna


Je vais peut-être en scandaliser quelques-uns en avouant que personnellemnt je ne suis pas scandalisé par les hauts faits politiquement corrects d'un principal de province, un monsieur faisant preuve d'une loyauté touchante envers le conformisme dominant. Celui dominé par une sorte de raptus maniacal: la vigilance obsessionnelle à "n'offenser" personne.

Mais pour en rester à notre proviseur: en dépit de ses précisions, reste que faire comme si de rien n'était à Noël, et solenniser à la place, en janvier, une neutre "Fête de l'Hiver", lui semble être une contribution au respect des autres cultures et à l'intégration des immigrés musulmans.

Il y a de quoi être agacé: je comprends bien l'étonnement du naïf proviseur devant l'écho médiatique suscité par sa sortie, dont on a vu et continuons à voir chaque jour de nouveaux exemples. Un parmi tant d'autres: combien d'institutrices, de primaire ou même de maternelle, ont distillé de tels propos édifiants devant des assemblées dégoulinantes de buonisme, qu'on a fait connaître au public? Ce ne sont désormais que des "brèves", pour parler le jargon journalistique, matière pour la pages des faits divers dans les quotidiens locaux.

Il est fastidieux de devoir expliquer pour la énième fois que le résultat de telles initiatives n'est pas la gratitude des musulmans, avec l'augmentation de leur estime envers nous, qui sommes tellement généreux. L'effet réside au contraire dans la confirmation de leur mépris pour des gens prêts à cacher leurs propres traditions, y compris religieuses, pour une flagornerie gratuite, et en plus qu'on ne leur demande pas.

Qui d'entre nous - se demandent-ils - renoncerait au respect du jeûne même pour un seul jour, du Ramadan? Ceux-ci, en revanche, redoublent d'efforts pour cacher jusqu'à la célébration de la naissance de leur Messie, qu'ils prennent en plus pour le Fils de Dieu, afin de ne pas nous embêter, nous et nos enfants à l'école ou à la maternelle? Mais, alors, il a raison l'imam à la mosquée lorsqu'il nous dit que cette Europe qui fut chrétienne est désormais athée et prête à passer la main à l'Ouma, la communauté de nous autres, les vrais croyants.

Qu'ils soient surtout conscients, les proviseurs de province et, en général, les détenteurs de sentiments généreux, que chaque musulman - quelle que soit sa misère économique ou sa position économique même infime - regarde le chrétien de haut, sûr de sa propre supériorité sur ce qui compte: la connaissance et l'adoration de l'unique, vrai Créateur de l'univers. Mahomet meurt exactement six siècles après la mort de Jésus. Celui-ci est digne de tout honneur, que son nom soit bénédiction, mais uniquement parce qu'en tant qu'avant-dernier prophète, il est venu nous annoncer l'arrivée du dernier, le prophète ultime, celui à qui l'archange d'Allah a dicté, mot par mot, la pleine Révélation. Dans la descendance d'Abraham il y a une échelle ascendante: la Torah des juifs, l'Évangile des chrétiens et, finalement, le Coran des musulmans. Lesquels sont donc au sommet et nous regardent avec compassion, nous les croyants dans le Christ, nous les attardés, nous qui sommes arrêtés à une anachronique marche inférieure.

C'est aussi pour cette raison que le fait de prendre pour du respect l'occultation de notre identité religieuse est vu comme une confirmation de la honte que nous éprouvons à être figés à un Dieu divisé, sans connaître Allah. Ceux, comme ces peuples, pour lesquels ce qui compte est avant tout la dimension religieuse, considèrent que le vrai sous-développement est le nôtre, notre richesse économique ne vaut rien face à leur richesse de détenteurs de la vérité définitive. Aucun musulman conscient n'acceptera jamais un dialogue à égalité avec les chrétiens, qui est pour lui inutile (qu'y a-t-il encore à savoir, puisque dans le Coran il y a déjà tout?) et humiliant aussi puisque ceux-là sont figés à Jésus, et donc à un niveau bien inférieur, selon ceux qui écoutent le témoignage de Mohamet.

Il y a de l'agacement, je le répète, d'avoir à rappeler - même à des personnes de culture comme les enseignants (ndt: !!!) - des réalités élémentaires qui devraient être bien connues. En tous cas, que ce soit clair: pour ce que Vico (ndt: Giambattista Vico, philosophe italien 1668-1744) appelait "l'hétérogénèse des fins" (les bonnes intentions qui, mises en pratique, produisent des effets inversés par rapport aux attentes) le fait de renoncer à nos perspectives et à nos traditions ne conduit pas à la paix. Cela peut conduire par contre à la guerre: non seulement à celle du Califat ressuscité, mais aussi à celle dans d'autres parties du monde islamique sans limites. Un monde de plus en plus convaincu que dans notre insouciance religieuse il y a la confirmation que nous sommes prêts à la reddition, mûrs pour l'islamisation, de gré ou de force. Et en cela, il faut le dire, ils n'auraient pas complètement tort.

En effet, quel Noël comme naissance du Christ peut défendre un Occident - européen ou nord-américain - qui depuis longtemps persiste à en effacer le nom? Depuis des années, Merry Christma" n'est plus correct, il est même inacceptable, remplacé par un Season's Greetings (ou Happy Holidays, devenu en français "bonnes fêtes", ndt). Et qu'a-t-il à voir, l'enfant de Bethlehem, avec le vieux Papa Noël obèse de Coca Cola? Quel rapport entre celui qui a répété "bienheureux les pauvres" avec le triomphe commercial de fin décembre? Et que dire (les sites internet en son pleins) de la lingerie intime malicieuce proposée aux femmes pour un sexe tout spécial afin de fêter la nuit où, disaient-ils autrefois, naquit le Messie?

Au fond, soyons honnêtes: pourquoi trop en vouloir au représentant d'une école où enseignants et élèves - ainsi que leurs compagnons dans tout l'Occident - ont pour la plupart laissé derrière eux le sens et le message de cette Naissance? Au nom de quelles "valeurs" devrions-nous plaider, nous les citoyens d'une Europe qui a refusé de reconnaître que ses racines sont - pas seulement, certes, mais en grande partie - dans ces vingt siècles d'histoire écoulés depuis l'accouchement de Marie dans le village de Judée?