Suite des manoeuvres présynodales

Des théologiens hyper-progressistes se sont rencontrés à huis-clos lors de trois séminaires pour discuter des questions les plus avancées en vue du Synode. En présence de Mgr Paglia, le président du Conseil Pontifical pour la famille, qui a rédigé la préface des actes des trois rencontres, publiés par la LEV..

>>> Voir aussi: benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/manoeuvres-pre-synodales.html

 

Le titre de l'ouvrage: "Famiglia e chiesa, un legame indissolubile" (Famille et Eglise, un lien indissoluble).


Présentation:

Famille et Eglise, un lien indissoluble
Une contribution interdisciplinaire pour l'approfondissement synodal
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Les éditions du Conseil Pontifical pour la Famille s'enrichissent d'un nouvel et intéressant ouvrage intitulé "Famille et Eglise, un lien indissoluble". Dans ce livre sont rassemblés les discours prononcés lors de trois séminaires promus par notre Congrégation les 17 Janvier, 21 Février et 14 Mars 2015, sur les sujets suivants "Mariage: foi, sacrement, discipline", "Famille, amour sponsal et procréation", "Famillee blesséee et unions irrégulières: quelle attitude pastorale".

Dans la perspective du prochain Synode, nous avons voulu concentrer l'attentions sur quelques noeuds théoriques, identifiés comme noyaux paradigmatiques (!!!) et cruciaux pour la réflexion anthropologique et théologique sur le mariage et la famille. À l'issue des trois sessions, chacun des rédacteurs du rapport introductif, a préparé une reprise synthétique qui, se basant sur les questions soulevées au cours des débats, fournit des lignes directrices et des perspectives autour du thème proposé. Ces interventions finales - résumé de tout le travail - sont respectivement intitulées "Mariage et sacrement", "Mariage et générationt", "Mariage et divorce".

"Le Conseil pontifical pour la famille, conformément à son mandat institutionnel - écrit dans la Préface le président, l'archevêque Paglia - a accepté l'invitation de François à travers la promotion d'un séminaire international de recherche sur certaines questions indiquées dans les Lineamenta pour le prochain Synode des évêques".
(www.familiam.org/famiglia_ita/cultura/00010996_Famiglia_e_Chiesa__un_legame_indissolubile)

 

Avant la réunion secrète, le 22 mai dernier, des prélats et théologiens progressistes se sont donc réunis en vue d'influencer les débats synodaux d'octobre prochain.
Nous ne savons évidemment pas ce que pense le Pape, mais les rencontres, si l'on en croit la préface de Mgr Paglia, étaient son initiative.
Tout laisse présager que les "libéraux" vont mettre une énorme pression sur le Synode, et que François a pris un rique inouï (probablement calculé), en soulevant le couvercle de la cocotte-minute. Il aura beaucoup de mal à contrôler les forces qu'il a libérées, si tant est qu'il le souhaite...

Un commentaire de Luisa, sur le site <Chiesa e post concilio>, a attiré mon attention sur cet article de l'hebdomadaire Famiglia Cristiana, qui nous en dit plus sur ces mystérieux séminaires.
Ma traduction.

Divorcés remariés: dans un livre, la réflexion la plus avancée

www.famigliacristiana.it
25/07/2015

En vue du Synode ordinaire des évêques sur la famille en Octobre au Vatican la Libreria Editrice Vaticana a publié les actes de trois séminaires dans lesquels 29 des plus grands experts du monde réfléchissent sur les questions «sensibles» à propos du rapport entre famille et Église.

Alberto Bobbio

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C'est un volume de plus de 500 pages, publié par la Librairie Editrice Vaticane il y a deux mois et passé pratiquement inaperçu. Il contient la réflexion la plus avancée sur le rapport entre la famille et l'Église et sur toutes les questions «sensibles». Il a été publié le Conseil Pontifical pour la famille, présidé par Mgr Vincenzo Paglia. C'est le compte-rendu de trois séminaires à huis clos où 29 parmi les plus grands experts au monde (des canonistes, des théologiens moraux, des théologiens dogmatiques et pastoralistes, des psychologues, des anthropologues, des philosophes) se sont confrontés pour offrir une contribution interdisciplinaire au prochain Synode ordinaire des évêques la famille en Octobre au Vatican. Parmi eux, il n'y avait aucun évêque ou cardinal.

Les séminaires ont eu lieu le 17 Janvier, le 21 Février et le 14 Mars 2015. Aux séminaires ont prticipé également Mgr Paglia, le sous-secrétaire du Synode des Évêques, Mgr Fabio Fabene, le secrétaire du Conseil pontifical, Mgr Jean Laffitte, le sous-secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Simon Vazquez, mais aucun d'entre eux n'est intervenu dans le débat. De la discussion a émergé une substantielle volonté de changement et de mise à jour des pratiques pastorales actuelles et la requête d'approfondissement de la théologie du mariage. Don Eberhard Schockenhoff professeur de théologie morale à l'Université de Fribourg en Allemagne a dit lors du dernier séminaire: "Les possibilités d'une évolution de la doctrine ecclésiastique du mariage sont plus grandes que ne le suggère l'affirmation que l'Eglise ne peut pas changer sa pratique sans trahir ses propres traditions".

EUCHARISTIE ET UNIONS «IRRÉGULIÈRES» .
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La relation qui a ouvert le dernier des trois séminaires, le 14 Mars, a été menée par don Gianpaolo Dianin qui enseigne la morale familiale et la pastorale de la famille à la Faculté de théologie et de Vénétie et est recteur du grand séminaire de Padoue. Il a expliqué qu'il y a des questions théologiques et pastorales "ouvertes" et a introduit son exposé en disant que l'Église à travers l'histoire a toujours réglementé le mariage sur la base "des problèmatiques nouvelles au fur et à mesure qu'elles émergeaient". En ce qui concerne ce qui est permis ou interdit à ceux qui se sont séparés puis remariés, Dianin souligne comme une "anomalie" l'interdiction d'être catéchiste opposée à la sollicitation à "éduquer chrétiennement les enfants". Il dénonce que certains chrétiens considèrent les divorcés remariés comme des "personnes dangereuses, peu fiables qui ont trahi une promesse" et, par conséquent, son conseil est que "avant même toute initiative, il faut travailler à changer la mentalité et l'attitude des communautés".
Parmi ceux qui vivent le plus grand malaise, il y a les prêtres, "qui voudraient faire quelque chose, mais se sentent les mains liées par la discipline de l'Église que parfois ils connaissent peu". Sur la question de la relation entre vérité et miséricorde au sujet de l'indissolubilité et de la capacité de recevoir la communion, don Dianin rappelle une phrase de Joseph Ratzinger, publiée en 1969 dans son livre "La théologie du mariage": "En-dessous du seuil de la doctrine classique, pour ainsi dire en-dessous ou à l'intérieur de cette forme complète qui caractérise l'Eglise, il a toujours eu évidemment dans la pastorale concrète une pratique plus douce, qui, bien que n'étant pas tout à fait compatible avec la vraie foi de l'Église, n'était toutefois pas absolument exclue". Même certains livres de pénitence, entre le Ve et le XIe siècle, admettaient après la pénitence les divorcés remariés aux sacrements.

DE NOMBREUSES HYPOTHÈSES POUR LA COMMUNION.
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Les Pères synodaux n'ont pas eu une page blanche devant eux, même si Dianin reconnaît que jusqu'à présent, le Magistère de l'Église n'a rien pris en considération. Les hypothèses sont nombreuses.
Il y a celle de Bernard Haering, très renommé théologien allemand qui, en 1990, dans un livre sur la "pastorale des divorcés" élabora la thèse d'une "mort morale" du lien, comme dans le cas du veuvage, pour permettre les "secondes noces".
Les évêques français, en 1992, ont recommandé aux fidèles de suivre leur conscience et la même chose a été faite l'année suivante par les évêques de haute-Rhénanie, parmi lesquels les cardinaux Kasper et Lehman, mais ils ont été critiquées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Aujourd'hui, seuls les conjoints remariés qui s'abstiennet de relations sexuelles peuvent recevoir la communion, comme l'a répété Jean-Paul II dans "Familiaris consortio". Néanmoins, il existe un débat ouvert sur la question parmi les théologiens et il y a eu aussi le Synode extraordinaire de l'année dernière. Alphonse Borras, canoniste à Louvain et à l'Institut catholique de Paris, estime l'exigence "profondément ambiguë" car elle réduit la sexualité à la seule "génitalité", tandis que d'autres sont en désaccord.

LE SEUL PÉCHÉ "IMPARDONNABLE"?
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La discussion la plus large a été faite sur le concept de péché et de péché "impardonnable". Actuellement le péché du "nouveau mariage" est le seul qui ne puisse être pardonné. Les divorcés remariés ne pourront jamais accéder aux sacrements, c'est-à-dire l'Eucharistie, la confession et l'onction des malades, comme établi par le canon 915 du Code de Droit Canonique.
Humberto Miguel Yanez, jésuite, directeur du Département de théologie morale à l'Université Pontificale Grégorienne, a observé: "Nous avons donné la communion aux génocidaires qui n'ont jamais fait de rétractation publique, aux capitalistes qui ont exploité les travailleurs pour faire croître leur profit sans limites, aux truands qui ont instrumentalisé l'Eglise pour légitimer leurs entreprise et leurs crimes, aux criminels de guerre qui ne se sont jamais repentis, mais elle n'est pas consentie aux divorcés remariés".
Est-ce vraiment le "péché sans pardon"? Le théologien français Xavier Lacroix, durant de nombreuses années professeur à l'Université catholique de Lyon, le conteste et explique qu'"il n'y a pas de vie chrétienne sans pardon et pas même de vie conjugale" et que le pardon "n'est pas une excuse ou un oubli, mais un "nouveau don". Eberhard Schockenhoff professeur de théologie morale à l'Université de Fribourg en Allemagne, citant saint Thomas, lequel [parlait de] "châtiment éternel inadapté" demande une mise à jour de Familiaris consortio. Eduardo Scognamiglio, frère mineur qui enseigne la théologie à la Faculté de Théologie de l'Italie du Sud, a confiance que le Synode se demandera "avec honnêteté s'il est possible de priver un croyant de l'Eucharistie pour tout le cours de son existence."

UNE PROPOSITION POUR LA COMMUNION.
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Du séminaire est sortie une proposition, assez articulée, qui prévoit un chemin pénitentiel, accompagné par l'évêque ou par un prêtre spécialisé indiqué par lui et ensuite, éventuellement, l'Eucharistie. Mais des opinions contraires ont émergé. Le Père José Granados, professeur de théologie dogmatique à l'Institut pontifical Jean-Paul II à Rome, estime que le chemin pénitentiel doit se terminer par la rupture de la nouvelle union ou, si ce n'est pas possible, par l'abstinence sexuelle complète. Sa position est la plus radicale . Tout les autres ont convenu que le parcours pénitentiel, qui peut être plus ou moins long, se concluant, de préférence publiquement, avec une célébration devant la communauté, permet de recevoir à nouveau le sacrement. Le rapporteur du séminaire, don Giampaolo Dianin, a souligné que la Relatio Synodi ne parle pas de l'engagement à vivre "comme frère et sœur", et ne demande pas seulement le repentir, mais un chemin de pénitence sous la responsabilité de l'évêque et il émet l'hypothèse d'une admission partielle à la Communion, par exemple, le dimanche de Pâques. Une telle hypothèse a également été abordée lors du Synode de l'année dernière, apprend-t-on, reproposant la tradition développée par le Concile Latran IV (1215) qui établissait un "précept pascal", autrement dit la communion et la confession requises dans l'économie du salut au moins une fois par an. Il s'agit donc du minimum qui ne peut être refusé aux divorcés remariés. La proposition a trouvé un consensus substantiel, même si c'était avec des nuances différentes.

ATTENTION AU LÉGALISME.
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Toutefois, on ne peut rien imposer, et il faut rester attentifs à la psychologie des personnes et aux exigences de la protection de la vie privée. Sinon, ont mis en garde certains participants, on court le risque de considérer l'Église comme une douane, comme l'a dénoncé à plusieurs reprises le Pape François. On doit éviter, comme l'a expliqué le jésuite Gian Luigi Brena, professeur d'anthropologie philosophique à l'Institut Aloisianum de Padoue, de mettre l'accent "sur la discipline" et le fait que le chemin pénitentiel puisse être compris comme "une punition ou un prix payer", en somme "un péage". Il ne faudrait donc pas considérer "le sérieux de la requête comme une condition préalable pour commencer un chemin", car "le pardon ne se gagne pas, ni ne se mérite, mais il est un don gratuit du Seigneur" et donc on ne peut pas déterminer à l'avance quelles sont les conditions pour pouvoir frapper à la porte de l'Eglise. Toutefois, on ne doit pas non plus craindre d'être accusé de "laxisme" ou de "buonisme" ou de "manque de sérieux" si on raisonne sur ces questions et qu'on cherche des moyens pour trouver une solution. Le père Brena l'a dit avec une grande clarté lors du séminaire: "Tout cela peut nous conduire à oublier la miséricorde et à nous maintenir sur des positions de sécurité, risquant de rester fermes dans le jugement envers les personnes en difficulté, sans arriver à l'accueil et au pardon". Et il ajoute: "Par-dessus tout, la discipline actuelle ne semble pas être si sûre; dans ce cas il n'y aurait pas besoin d'un double Synode".

LA CONTRACEPTION.
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De la deuxième session du séminaire, celle du 21 Février, est venue la requête au prochain Synode d'une clarification de l'attitude de l'Eglise face à la sexualité, surmontant une "sévérité excessive et une réglementation autoritaire", a noté le père jésuite Brena. Le père franciscain Scognamiglio a expliqué que "les méthodes naturelles ne devraient pas être absolutisées" et doivent "être examinées de manière critique du point de vue scientifique" : "Au prochain Synode, on doit faire émerger une réflexion mûre sur la foi et la morale. Nous ne pouvons pas nous substituer aux choix du couple, mais nous pouvons simplement éduquer à choisiren conscience et avec une foi mûre". Donc, a poursuivi le franciscain, "nous ne pouvons pas et ne devons pas nous substituer aux consciences des fidèles dans tous les domaines, notamment dans celui de la morale sexuelle et familiale".
Paolo Moneta, professeur de droit canon à l'Université de Pise, a expliqué que "du point de vue juridique, les moyens par lesquels les conjoints ont l'intention de réguler les naissances sont sans importance" : "S'il y a une exclusion radicale de la progéniture, le mariage est invalide même si les conjoints ont l'intention d'utiliser uniquement les méthodes naturelles acceptées par la morale catholique". Et Xavier Lacroix conteste qu'il y ait "un gouffre" entre les méthodes naturelles et les autres. "Dans les deux cas l'union est séparée de la procréation". Il invite donc à surmonter dans ce domaine la dichotomie "permis - interdit".
Sans doute, dans le débat, tous ont montré qu'ils donnaient la préférence aux méthodes naturelles, mais le débat sur la licéité des autres méthodes ne doit pas être clos. Le théologien allemand Schockenhoff invite à réfléchir sur l'"incertitude" à propos de la question de savoir "si l'ouverture fondamentale à la vie doit être préservée dans chaque rencontre sexuelle" et note que "sur ce point les arguments du magistère omettent de fournir une explication, ouvrant une lacune qui laisse dans le doute la conclusion normative selon laquelle l'utilisation de la contraception artificielle est moralement inacceptable", et demande: "Bien qu'il soit indubitable qu'une sexualité humaine digne devrait préserver la primauté de la personne, pourquoi cette primauté devrait-elle disparaître juste parce que le couple, temporairement ou définitivement, exclut la fertilité de l'acte sexuel?".
Dans l'exposé d'introduction du séminaire, don Maurizio Chiodi, qui enseigne la théologie morale à la Faculté de Théologie de l'Italie du Nord à Milan, a mis en évidence "la grave difficulté d'un écart entre la doctrine et la pratique pastorale" et invité à ne pas se limiter à la sèche alternative "oui ou non à la pilule". En jeu, il y a aussi la question du rapport entre "la règle et la conscience", c'est-à-dire "entre ce qui est objectif et ce qui est subjectif, et donc entre la conscience et la raison qui connaît la nature".

MARIAGES CATHOLIQUES VRAIS OU FAUX?
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Peut-on se marier à l'église sans la foi? Cette question a été longuement débattue au Synode et approfondie dans la première journée du séminaire des théologiens. Le rapport introductif du professeur Andrea Bozzolo, salésien, qui enseigne la théologie systématique et préside la Faculté théologique de l'Université pontificale salésienne, a dénoncé que "pour la plupart, les parcours d'accompagnement au mariage ont du mal à assumer le profil d'un véritable itinéraire ecclésial".
Le théologien africain Gregoire Kifuayi, professeur à l'"Ecole de théologie" (?) de Yaoundé au Cameroun, a dit qu'on ne doit pas donner le sacrement pour le simple fait que "les époux sont baptisés". Mais la question n'est pas facile à résoudre: d'un côté, on ne peut pas pas brader un sacrement, de l'autre, on ne peut pas s'opposer à la bonne volonté des personnes qui demandent le mariage à l'Eglise. Le point central est la foi des époux et pas seulement leur appartenance ou proximité avec les institutions de l'Eglise. Le théologien allemand Schockenhoff, qui dans les séminaires a mis sur la table les questions et les réflexions les plus avancées, raisonnant sur la foi des conjoints a observé qu'"une théologie du mariage devrait également envisager la possibilité d'un échec du mariage": "Un tel échec n'est théologiquement explicable que par le fait que les conjoints n'ont pas suffisamment collaboré avec la grâce divine qui leur est accordée par le sacrement du mariage".
A coup sûr, la question sera l'un des thèmes centraux du prochaine Synode d'Octobre. ( Photo Reuters )