Synode: L'Eglise vers la dictature du relativisme?

C'est tout l'héritage de Benoît XVI qui se trouve ainsi menacé d'être bradé par les "novateurs". Une analyse du site "Voice of the Family", traduite par Anna

 
Transférer le pouvoir de la papauté aux conférences épiscopales compromet donc la catholicité (universalité) et l'unicité (l'être-une) de l'Église, créant une confusion d' "églises" opérant chacune selon ses propres règles et croyances, et finalement prisonnières des caprices des ego individuels qui les peuplent.

L'Église est-elle soumise à la dictature du relativisme?

Si la "dictature du relativisme" arrivait à s'imposer sur toute l'Église, celle-ci éclaterait en autant de morceaux qu'il y a de conférences épiscopales dans le monde.
TRANSFÉRER L'AUTORITÉ DOCTRINALE ET DISCIPLINAIRE AUX CONFÉRENCES DES ÉVÊQUES EST UNE IDÉE DANGEREUSE

voiceofthefamily.com
Traduction par Anna


Dans un discours désormais célèbre prononcé dans la Basilique Vaticane à la veille de son élection à la papauté (homélie de la messe Pro Eligendo Pontifice), le Cardinal Joseph Ratzinger déplorait ce qu'il dénommait une "dictature du relativisme" et déclarait:

Posséder une foi claire, selon le Credo de l'Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Alors que le relativisme, c'est-à-dire se laisser entraîner "à tout vent de la doctrine", apparaît comme l'unique attitude à la hauteur de l'époque actuelle. L'on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs.


Combattre une "dictature du relativisme" qui affirme que la vérité morale ou religieuse n'est pas absolue, mais relative aux situations, aux personnes, ou aux lieux, a été une constante sinon le thème dominant du pontificat du Pape Benoît.

Selon le relativisme moral il n'existe pas de vérité religieuse ou morale qui soit absolument vraie, (c'est à dire, vraie) quelle que soit la personne à qui elle est proclamée, quand et où elle est proclamée. Les partisans du relativisme affirment en fait qu'une proposition de type moral du genre "Tu ne tueras point", peut être vraie pour certains, mais fausse pour d'autres.

Pour le relativiste moral:

¤ Le mariage homosexuel peut être répréhensible en Afrique ou au Moyen Orient, mais bon en Occident.
¤ Posséder des esclaves peut être admissible pour certaines cultures, mais inacceptable pour d'autres.
¤ La polygamie peut être bonne dans les pays musulmans, mais inacceptable partout ailleurs.
¤ et ainsi de suite…

Le relativisme moral est une tentation constante pour ceux qui ont la responsabilité du bien commun, spirituel ou temporel. Prenant acte de l'existence d'une grande variété de croyances morales et religieuses, beaucoup de leaders préfèrent ne pas affirmer, et encore moins appliquer un code moral ou une doctrine spirituelle déterminé, par crainte de perdre l'adhésion et la coopération des gens dont ils ont la charge. Les gouvernements démocratiques son naturellement les plus tentés par le relativisme, puisque les représentants élus doivent obtenir les votes de groupes avec des idées morales et religieuses différentes et souvent contrastantes. Afin d'obtenir les votes, ces politiciens sont prêts à affirmer que les convictions religieuses et morales profondes sont "vraies en soi" et donc respectables.

Le Pape Benoît a toutefois souligné que le relativisme n'est qu'une étape vers l'individualisme - la vision selon laquelle chaque individu a ses propres vérités morales et spirituelles - car, d'après lui, l'"objectif dernier" du relativisme consiste "uniquement dans son propre égo et ses désirs"

Le relativisme moral est ainsi le début d'une mauvaise pente conduisant à l'individualisme et à l'anarchie qui gangrène aujourd'hui l'Occident: s'il est bon et approprié que chaque culture ait sa morale et ses vérités religieuses, il n'y alors aucune raison pour que chaque individu n'ait pas les siennes. Mais la pente ne s'arrête pas ici, car ce même individu qui a décidé qu'il était bon et approprié pour lui d'avoir sa propre vérité morale et spirituelle, pourrait alors décider qu'il est bon et approprié que ses propres vérités morales et spirituelles changent d'un jour à l'autre.

Le Pape Benoît a donc vu clairement que le relativisme moral et spirituel était une recette pour la dissolution pratique de la moralité et de la spiritualité, c'est pourquoi il a consacré une bonne partie de son pontificat à la combattre.

Comme nous oublions vite.

Dix ans à peine après le discours mémorable du Pape Benoît, l'abbé bénédictin allemand Jeremias Schröder, rendant compte des discussions générales au Synode Ordinaire sur la Famille, a dit le 14 octobre de cette année que de nombreux pères synodaux semblaient adhérer à ce même relativisme que Benoît XVI avait dénoncé tout au long de son pontificat. Il a déclaré:

De nombreux discours pendant les discussions générales ont mentionné la possibilité de traiter les questions sur la base d'un contexte culturel donné. Je dirais qu'il y a eu à peu près vingt interventions et que seules deux ou trois étaient contraires, affirmant que, dans l'intérêt de l'unité de l'Église, déléguer des pouvoirs aurait des conséquences fatales. …Moi, par exemple, je suis allemand et il me semble que la question des divorcés remariés est fortement et largement ressentie en Allemagne et beaucoup moins ailleurs. C'est un sujet où des idées pastorales originelles seraient possibles, et aussi au niveau de la compréhension de l'homosexualité, une question qui varie vraiment d'une culture à l'autre. Les Conférences Episcopales Nationales pourraient être autorisées à rechercher des solutions pastorales en accord avec leur contexte culturel spécifique.


D'autres propos de ce même abbé sont aussi mentionnés dans un journal allemand:

Nous n'avons pas besoin pour chaque problème d'une solution uniforme, établie à Rome pour toute l'Église. L'Église doit peut-être parvenir à une entente concernant le fait qu'une autre approche du sujet compliqué de la Famille est permise dans différentes sociétés et régions du monde. Un membre de l'ordre au Moyen Orient m'a dit récemment: Une reconnaissance de formes de vie homosexuelles de la part de l'église serait concevable, de manière purement hypothétique, peut-être en Europe. Mais dans le contexte islamique elle ne serait absolument pas possible.


Ce discours rappelle aussi celui d'un autre allemand, le cardinal Reinhart Marx, qui a déclaré en février de cette année que l'Église en Allemagne n'était pas "juste une filiale de Rome".

Mais cela n'est rien d'autre que la "dictature du relativisme", condamnée tout au long du pontificat de Benoît XVI, appliquée à l'Église: ce qui est moralement et spirituellement juste ou faux, doit maintenant en pratique dépendre de la conférence épiscopale en question.

À vrai dire, cette tacite tolérance du relativisme de la part des pères synodaux et du cardinal Marx était préfigurée pas moins que par le pape François lui-même qui a écrit, dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, qu'"un statut juridique des conférences épiscopales qui les verrait comme des sujets doués d'attributions spécifiques, y compris une véritable autorité doctrinale, n'a pas encore été suffisamment élaboré". Cette observation était suivie par l'affirmation que "la centralisation excessive, au lieu de s'avérer utile, complique la vie de l'Église et sa portée missionnaire." Ces lignes sont contenues dans le paragraphe 32 de son exhortation qui commence par un appel à une "transformation de la papauté".

Cela semble indiquer que le Pape François serait ouvert à la possibilité de transférer une partie du pouvoir doctrinal de la papauté aux différentes conférences épiscopales. En fait, cela signifie donner aux conférences épiscopales le pouvoir d'adopter des disciplines et même des doctrines différentes de celles d''autres conférences. Une "papauté transformée" serait-elle alors une papauté où le pape devient, pour utiliser la phrase de Benoît, un "dictateur du relativisme" mettant en application le relativisme régnant entre les conférences épiscopales? Dans ce cas, la "dictature du relativisme étendrait son emprise sut toute l'Église, la brisant en autant de morceaux que de conférences épiscopales dans le monde.

Mais le processus de dissolution ne s'arrêterait pas là. Comme avec le relativisme moral dans la société dans son ensemble, le relativisme spirituel et moral dans l'église conduirait très probablement à un subjectivisme radical, où les "catholiques" particuliers, se frottant aux contraintes de leur conférences épiscopales "autoritaires", jugeront légitime et approprié d'avoir des disciplines et vérités religieuses taillées sur mesure à leur situation particulière. Une future exhortation apostolique évoquera-t-elle une " conversion de la papauté" déléguant encore plus de pouvoirs de la papauté à ces individus "opprimés" ou "exclus"?

Prévoyant la débâcle qui sans aucun doute s'ensuivrait si les conférences épiscopales étaient dotées de pouvoir doctrinaire et disciplinaire, le Cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a condamné toute cette idée comme "absolument anti-catholique ne respectant pas la catholicité de l'Église." Catholique signifie d'ailleurs effectivement universel, comme dans un code moral et spirituel universel qui s'applique également à chacun, partout et à jamais; c'est l'antithèse du relativisme, qui affirme que les vérités morales et spirituelles ne sont vraies que pour certains et pendant une durée déterminée.

Le Cardinal Raymond Leo Burke a lui aussi récemment rejeté l'idée qu'un évêque local ou des conférences épiscopales puissent avoir l'autorité au niveau pastoral pour traiter de questions morales, condamnant la proposition comme "simplement contraire à la Foi et vie Catholiques", jusqu'à affirmer que "il n'y a pas de changements en ces vérités, d'un endroit à l'autre ou d'une époque à l'autre".

Transférer le pouvoir de la papauté aux conférences épiscopales compromet donc la catholicité (universalité) et l'unicité (l'être-une) de l'Église, créant une confusion d' "églises" opérant chacune selon ses propres règles et croyances, et finalement prisonnières des caprices des égos individuels qui les peuplent.

Nous éloignant de la tentation de gratifier notre ego, le Cardinal Ratzinger nous montre, toujours dans son discours de la basilique vaticane, la voie pour sortir de cette gabegie: il nous invite à assumer une "foi adulte qui refuse les tendances de la mode et les dernières nouveautés". Au lieu d'adhérer à un relativisme dangereux qui n'est autre que le masque d'une foi infantile "tiraillée ici et là, entraînée par tout vent de doctrine", il nous faut regarder le Christ. Car uniquement par l'amitié avec lui nous pouvons obtenir "un critère sûr pour distinguer le vrai du faux et la tromperie de la vérité", nous échappant ainsi de la "dictature du relativisme" qui nous menace tous.