Un magistère confus

Dernière "bergoglionade" en date: la réponse de François, lors de sa visite au temple luthérien de Rome, à une femme qui l'interrogeait sur l'intercommunion. Compte-rendu d'un Sandro Magister de plus en plus critique


Comme d'habitude, lorsque le pape improvise, ses propos sont décousus, confus, et le moins que l'on puisse dire c'est que la forme en laisse à désirer. Après ses "éclaircissements", une question qui était auparavant entouré dans une brume d'incertitude se trouve plongée dans le brouillard épais du doute.

L'intervention papale a suscité plusieurs commentaires sceptiques, au moins en Italie en Italie. A suivre.

Oui, non, je ne sais pas, c'est vous qui décidez
Les lignes directrices de François pour l'intercommunion avec les luthériens

Sandro Magister
Settimo Cielo
16/11/2015
Traduction par Anna


"C'est l'heure de la diversité réconciliée", a dit le pape François dans la Christuskirche luthérienne de Rome où il est allé en visite. Une réconciliation qui se traduit d'après lui dans les œuvres de charité, sans trop insister sur les différences dogmatiques et de "doctrine": un mot, a-t-il dit, si "difficile à comprendre".

Jorge Mario Bergoglio a parlé "a braccio", laissant de côté l'homélie écrite qui avait été préparée. Et évidemment il a aussi répondu "a braccio" aux questions qui lui ont été adressées par les personnes présentes.

L'une d'entre elles a soulevé la question de l'intercommunion, c'est à dire la possibilité ou non de participer à la même communion eucharistique entre chrétiens de confessions différentes. Intercommunion que l'Église catholique admet - à certaines conditions - avec les Églises orthodoxes, mais pas les protestantes, à cause de la conception trop différente que celles-ci ont de la présence de Jésus dans l'Eucharistie (voir Catéchisme de l'Église catholique, §1400).

Le pape François a répondu longuement à la question. La transcription officielle de ses paroles est reproduite ci-dessus (sur Vis news, la transcription-traduction est partielle).

Mais si l'on arrive à la fin de sa réponse, on ne sait vraiment pas ce qu'il a voulu dire. Par moments il semble pencher pour le oui. Par d'autres moments pour le non. Par d'autres encore il déclare sa propre incompétence à décider. Ou bien il renvoie le tout aux décisions de chacun: "C'est un problème à qui chacun doit pouvoir répondre".

Et ce dernier point est peut-être la substance qu'on finit par en déduire. Le non de l'Église à l'intercommunion entre catholiques et luthériens a été de fait remis en discussion par le pape. Un nouveau "processus" a été engagé par lui. On ne sait pas dans quelle direction. Et en attendant, que chacun se règle comme il le veut.

Q. Je m'appelle Anke de Bernardinis et, comme de nombreuses personnes de notre communauté, je suis mariée à un italien, qui est un chrétien catholique romain. Nous vivons ensemble heureux depuis plusieurs années, partageant joies et douleurs. Nous regrettons donc beaucoup d'être divisés dans la foi et de ne pas pouvoir participer ensemble à la Cène du Seigneur. Que pouvons-nous faire pour parvenir, finalement, à la communion sur ce point?

R. Merci, Madame. Au sujet du partage de la Cène du Seigneur il n'est pas facile pour moi de vous répondre, surtout en présence d'un théologien comme le cardinal Kasper! J'ai peur! Je pense que le Seigneur nous a dit lorsqu'il nous a donné ce commandement: "Faites cela en mémoire de moi". Et lorsque nous partageons la Cène du Seigneur, nous nous souvenons et nous imitons, nous faisons la même chose que le Seigneur Jésus a fait. La Cène du Seigneur aura lieu, le banquet final de la nouvelle Jérusalem aura lieu, mais celui-ci sera le dernier. Toutefois, au long du chemin, je me demande - et je ne sais pas comment répondre, mais je fais mienne votre question - : Partager la Cène du Seigneur est-ce la fin d'un chemin ou bien c'est le viatique pour marcher ensemble? Je laisse la question aux théologiens, à ceux qui comprennent. C'est vrai que dans un certain sens partager c'est comme dire qu'il n'y a pas de différence entre nous, que nous avons la même doctrine - je souligne le mot, un mot si difficile à comprendre - mais je me demande: N'avons-nous pas le même baptême? Et si nous avons le même baptême nous devons marcher ensemble. Vous êtes le témoignage d'un chemin qui est profond aussi parce qu'il est un chemin conjugal, un chemin propre de la famille, d'amour humain et de foi partagée. Nous avons le même baptême. Lorsque vous vous sentez pécheresse - moi aussi je me sens pécheur - lorsque votre mari se sent pécheur, vous allez en face du Seigneur et demandez pardon; votre mari fait de même et va chez le prêtre et demande l'absolution. Il y a des remèdes pour garder vivant le Baptème. Quand vous priez ensemble, ce Baptême grandit, devient fort; quand vous enseignez à vos enfants qui est Jésus, pourquoi Jésus est venu, ce que Jésus nous a fait, vous faites la même chose, dans la langue luthérienne et dans la langue catholique, mais c'est la même chose. La question est: et la Cène? Il y a des questions auxquelles seulement si l'on est sincère avec soi-même et avec le peu de "lumières" théologiques que j'ai, moi, on doit pouvoir répondre de même, vous voyez (ndt: ce n'est pas "voyez-vous", comme dans VIS, c'est du "vous faites, vous décidez").
"Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang", a dit le Seigneur, "faites cela en mémoire de moi", et ceci est un viatique qui nous aide à marcher.
J'ai eu une grande amitié avec un évêque épiscopalien, de 48 ans, marié, avec deux enfants, et il avait cette inquiétude: l'épouse catholique, les enfants catholiques, lui un évêque. Il accompagnait le dimanche son épouse et ses enfants à la Messe et ensuite allait faire le culte dans sa communauté. C'était une démarche de participation à la Cène du Seigneur. Puis il est allé de l'avant, le Seigneur l'a appelé, un homme juste.
À votre question je ne réponds que par une autre question: comment puis-je faire avec mon mari, afin que la Cène du Seigneur m'accompagne sur ma route? C'est un problème auquel chacun doit répondre. Mais un ami pasteur me disait: "Nous croyons que le Seigneur est présent là. Il est présent. Vous croyez que le Seigneur est présent. Et quelle est la différence?" - "Eh, ce sont les explications, les interprétations…" . La vie est plus grande que les explications et les interprétations. Vous faites toujours référence au baptême: "Une foi, un baptême, un Seigneur", ainsi nous dit Paul, et de là vous assumez les conséquences. Je n'oserai jamais donner une permission de faire cela car ce n'est pas de ma compétence. Un baptême, un Seigneur, une foi. Parlez avec le Seigneur et allez de l'avant. Je n'ose pas dire davantage.


L'ami "évêque épiscopalien" que le pape François a ici mentionné était le sud-africain Tony Palmer. Sa veuve catholique est à côté du pape dans la photo qui accompagne l'article de www.chiesa d'il y a un an, très riche en informations sur ce sujet (cf. http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350924?fr=y).