Un pontificat en crise

... et un "parti bergoglien" en difficulté. Une lecture des évènements récents par Antonio Socci.

 

La crise du pari bergoglien a commencé
(laissant une église dévastée)

Antonio Socci
www.antoniosocci.com
5 novembre 2015
Ma traduction


(..)
Je dois commencer une prémisse personnelle. En 2012, j'ai écrit une sorte de roman de "religion-fiction", 'Les jours de la tempête' (I giorni della tempesta), où je racontais l'histoire d'un nouveau pape étranger qui viendrait en 2015, fermerait l'IOR, accueillerait au Vatican les chrétiens persécutés et irait s'installer dans une paroisse de la banlieue romaine. J'aimais l'idée d'un renouveau évangélique.

FAILLITE
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Malheureusement, aujourd'hui, il faut reconnaître que Bergoglio, en trois ans, n'a pas fait ce qu'on attendait de lui, et ce qu'il avait annoncé. Il a essayé d'ajuster la machine de la curie et de l'économie, mais avec des marches arrière et des résultats confus, parfois contre-productifs.
Il a en outre plongé l'Eglise dans une confusion doctrinale qui est beaucoup plus grave que n'importe quel scandale financier.
Un coup d'obscurs opposants? Ne disons pas d'absurdités. Il n'y a que dans les dictatures que les échecs du régime sont justifiés par les sabotages d'adversaires présumés. Le pape argentin a dit à plusieurs reprises qu'il voulait le chaos parce qu'il le considérait comme créatif: le voilà servi.
L'histoire Vallejo-Chaouqui, d'ailleurs, n'évoque certes pas les "conservateurs du passé", mais ressemble plutôt au début de la désintégration du "parti bergoglien".
Les journaux qui parlent de guerre entre Bergoglio et la Curie oublient de dire que le parti de la Curie est précisément celui qui a "inventé" et élu Bergoglio. Aujourd'hui, ce "parti" se retrouve comme le Parti démocratique devant Marino (le maire de Rome contraint à la démission). Il se repent amèrement de son choix. Parce que Bergoglio est "unfit". Inadéquat. Il faut en prendre acte.
Sur le New Yorker, on a pu lire qu'actuellemnt, parmi ceux qui l'ont élu en Mars 2013, il ne recueillerait même pas dix voix.
Le pape actuel est le fils de la culture politique péroniste qui a conduit l'Argentine à la faillite: un pays très riche qui a fait faillite. Bergoglio lui-même a reconnu franchement que déjà sa charge de jeunesse en tant que chef des Jésuites en Argentine a été un désastre.
Un gros bonnet de la Compagnie a déclaré à un journaliste américain qu'à cette époque "Bergoglio a causé un tas de problèmes". Il a des qualités notables, mais il y avait autour de lui une cour de fidèles Pasdaran, et le culte de la personnalité a créé de grandes divisions".
Il a ajouté: "Ce sera une catastrophe pour l'Eglise d'avoir quelqu'un comme lui au Siège Apostolique. Nous avons passé deux décennies à tenter de réparer le gâchis qu'il avait produit ".

CIRQUE MÉDIATIQUE
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Les médias italiens vivent dans une bulle de papolâtrie qui semble une obsession idolâtre. Ils voient Bergoglio comme le Bien absolu et quiconque est en désaccord avec lui est dépeint comme un émissaire du Mal ou un sombre conspirateur. Dans les journaux, on ne trouve pas de nouvelles sur Bergoglio, mais des hymnes, des messes chantées et des génuflexions.
Même ceux qui écrivent des livres avec des documents confidentiels venus des bureaux du Vatican ressentent le besoin de dire qu'ils le font pour aider le pape dans son travail messianique de renouveau de l'Eglise, ou contre ces cardinaux affreux, sales et méchants qui s'opposeraient à lui.
En fait, ces jours-ci, il semble qu'on veuille frapper - dans les journaux - ceux qui ont exprimé ouvertement au Synode leur désaccord avec la thèse Kasper-Bergoglio.
Mais les médias doivent-il suivre de près le pouvoir, ou faire la chasse aux dissidents?
On en vient à l'absurdité du communiqué du Vatican qui, sur les événements de ces derniers jours, doit préciser: "Il faut absolument éviter l'équivoque de penser que c'est un moyen d'aider la mission du pape."
Une précision surréaliste qui laisse transparaître l'inquiétude de l'establishment bergoglien, celle que pour "aider" le Grand Chef, on finisse par lui faire du tort.
D'autre part, une fois déclenché le mécanisme mortel du cirque médiatique comme instrument de pouvoir - et Bergoglio l'a fait sans scrupule, par exemple en utilisant son ami intime Scalfari pour faire savoir ce qu'il pense vraiment - il arrive ensuite que l'on perde le contrôle de cette machine médiatique.
À ce stade, s'il y a nouvelle désagréable, on crie au "complot", comme ce fut le cas, par exemple, avec le coming out de Mgr Charamsa. Mais qui l'a conduit à cet acte, sinon les ambiguïtés des mots et des choix bergogliens sur les gays? En effet Mgr Charamsa s'en prend violemment à la Curie, qu'il accuse d'"homophobie", et il est un partisan enthousiaste de Bergoglio.
La crise du bergoglisme - après la double défaite aux deux Synodes - est évidente. Bien sûr, le "Marino du Vatican" est soutenu par l'appui enthousiaste des médias laïques.
Depuis des mois, nous sommes inondés par l'exaltation du pape sur les journaux et à la télévision. Bergoglio lui-même en est parfois gêné: "Je n'aime pas la mythologie autour du Pape François", a-t-il avoué à De Bortoli (directeur du Corriere della Sera, dans une interview). Mais ensuite, il l'aime quand même, puisqu'il utilise ce cirque papolatrique comme un formidable instrument de pression au sein de l'Eglise, pour la contraindre de se plier à l'agenda scalfarien.

Sauf que - comme je l'ai dit - tout n'est pas toujours contrôlable dans l'information. Les rares fois où quelque chose de dissonant sort du chœur uniforme du Journaliste collectif - comme le nomme Giuliano Ferrara - de la Casa Santa Marta, les "bombardiers" s'envolent .

TUMEUR
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C'est arrivé il y a vingt jours avec le "Quotidiano Nazionale" qui a publié la nouvelle d'une présumée tumeur à la tête du pape Bergoglio. Le même soir même, à minuit, de manière totalement inhabituelle, le père Lombardi a déclenché la fin du monde contre cette nouvelle comme si c'était un sacrilège.
Une réaction qui a surpris et fait naître le soupçon, parce que sur les maladies des papes, on a toujours affabulé, sans ces réactions virulentes venues de l'autre côté du Tibre. Evidemment, une nouvelle peut aussi être un canular. Ce sont les accidents du métier. Mais un canular n'est jamais un complot. La seule question à se poser sur une nouvelle est la suivante: est-elle vraie ou fausse?
Au lieu de cela le chœur du Journaliste Collectif a immédiatement entonné le refrain vatican du "complot contre le pape." Finalement, après plusieurs jours de complotisme, la chose a été enterrée.
Voici donc quelques perles contenues dans les démentis.
Le Professeur Fukushima a dit entre autres choses: "Peut-être le malentendu est-il né de l'opération du cerveau que j'ai faite sur une personne d'apparence physique et d'âge semblables à ceux du pape, avec un nom qui sonnait comme le sien".
Le disciple de Fukushima, le neurochirurgien Gaetano Liberti, qui travaille également à la clinique San Rossore, toujours pour démentir, a affirmé: "Nous sommes médecins et nous n'aurions de toute façon jamais violé la vie privée d'un patient, encore moins d'une personnalité aussi influente que François".
Après quoi le directeur du QN, Andrea Cangini, un journaliste sérieux et correct, a donné le 23 Octobre une interview au "Tempo".
A la question: "Le Saint-Père a-t-il vraiment une tumeur bénigne au cerveau? Tous le démentent, vous confirmez?", il répond: "Bien sûr. Ce que nous avons écrit a été vérifié. Et je peux vous garantir que nous avons pas l'intention de soutenir des guerres intestines au Vatican".
Nouvelle question: "Vous avez affirmé être en possession de preuves documentées. De quel genre?". Réponse: "Si je vous donne plus d'éléments, je mettrais ma source en danger. C'est une preuve écrite".
Face à une déclaration similaire, on s'attendait à l'invitation du Père Lombardi à publier cette "preuve". Malheureusement, le Vatican s'est bien gardé de défier le "QN". C'est curieux. Cangini est un professionnel respecté et le "QN" est un important quotidien, habituellement éloigné des tirs téméraires. Dans un pays normal, on lui aurait demandé de présenter la preuve documentée de ce qu'il affirme. Au lieu de cela, rien.
Avoir laissé cette histoire en suspens pourrait être une autre raison de l'affaiblissement du pape Bergoglio et du tohu-bohu au sein de la Curie et de son "parti".
Du reste, on a le sentiment que la sarabande ne fait que commencer.

Antonio Socci