En attendant le Ratzinger Schülerkreis

A la veille de la rencontre annuelle des anciers élèves du Professeur Ratzinger, Andrea Gagliarducci s'est entretenu avec le Secrétaire du Schülerkreis, le Père Horn : "Benoît XVI a toujours cherché de nouvelles voies pour parler de Dieu"

Le Père Horn

dans la maison générale des Salvatoriens (Andrea Gagliarducci)

Benoît XVI a toujours cherché de nouvelles voies pour parler de Dieu

www.acistampa.com
Andrea Gagliarducci
Traduction par Anna
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Comment parler de Dieu aujourd'hui? C’est la question que se pose le Ratzinger Schulerkreis, le cercle des anciens étudiants de Benoît XVI qui se réunit tous les ans depuis plus de 40 ans pour discuter d'un thème. Une vraie "famille théologique" de Benoît XVI, dont les membres entretiennent des rapport d'amitié, faits aussi d'échanges d'opinions vifs et francs, même pendant leurs rencontres communes. C'est le père Horn, salvatorien, secrétaire du Schülerkreis et ancien assistant universitaire de Joseph Ratzinger, qui nous en parle. Dans un entretien avec ACI Stampa, le père Horn raconte l'engagement du Schülerkreis, vu à travers les yeux de son ancien professeur. Il nous explique ainsi clairement: "Benoît XVI a toujours recherché de nouvelles manières de parler de Dieu".

Pourquoi est-il si fondamental de parler de Dieu aujourd'hui?

Je vais peut-être répondre à côté du sujet, mais le point de départ est le Concile Vatican II. Le Concile Vatican II a, semble-t-il, beaucoup parlé de l'Église et du rapport entre l'Église et le monde. Mais Joseph Ratzinger a vu, au centre des demandes du Concile, la demande de Dieu, la quête du Dieu vivant. Il a mis en évidence que la constitution sur la liturgie - la première promulguée par le Concile Vatican II - parle justement du Dieu vivant, qui est présent dans l'Eucharistie. Le Concile a donc lui aussi ce côté de se demander de quelle manière Dieu est présent dans le monde. C'est toutefois la culture même d'aujourd'hui qui rend nécessaire le discours de Dieu, car la tendance est opposée: ne parler que de tout ce que l'homme peut faire, de l' "homo faber". Benoît XVI a un autre point de vue: il pense qu'il est nécessaire de trouver les grands défis du monde. Il s'agit de trouver une nouvelle façon d'accéder à la vérité, aux grands défis de l'homme. Voilà pourquoi il est nécessaire de parler de Dieu aujourd'hui.

La théologie de Benoît XVI a été prophétique, en de nombreuses circonstances. En lisant sa thèse de doctorat sur Saint Bonaventure par exemple, on y trouve des questions qui concernent aussi le débat sur la Théologie de la Libération. Mais que nous dit-elle, la théologie de Benoît XVI, à propos du parler de Dieu?

Benoît XVI avait perçu déjà à l'époque de Saint Bonaventure la tendance en une foi dans le progrès de l'homme, qu'il considère comme une véritable idéologie. Mais pour Benoît XVI, le centre de l'histoire est le Dieu vivant qui s'est ouvert en Jésus-Christ. Le progrès est celui de la foi. Il ne s'agit pas d’un progrès qui va au-delà des capacités humaines: pour Benoît XVI le vrai progrès est celui de mettre en pratique une plus grande recherche de Dieu en Jésus Christ. Les grandes richesses sont déjà ici, dans la personne du Christ. Un progrès seulement scientifique et technique ne donne pas une vraie réponse aux grands défis d'aujourd'hui. Dans l'optique de Benoît XVI, un grand défi au monde d'aujourd'hui est celui de redécouvrir la conscience vraie, profonde. Car pour Ratzinger la question sur la conscience est aussi une question sur Dieu.

Nous vivons dans un monde où la culture semble avoir été mise de côté, en faveur d'un pragmatisme concret. La sociologie remplace souvent la théologie. Dans quelle mesure le Ratzinger Schülerkreis peut-il garder vivante l'action d'une profonde théologie?

Pour chacun de nous qui faisons partie du Schülerkreis, la question se pose de manière différente. Quelques-uns parmi nous sont en majorité dans le monde œcuménique où il y a la possibilité de trouver pour l'homme d'aujourd'hui une nouvelle voie pour trouver Dieu. Nous savons que le témoignage de l'unité et d'une plus grande unité dans l'avenir sera un très grand encouragement pour ceux qui ne croient pas en Dieu. La première approche de certains d’entre nous est donc de trouver de nouvelles voies pour parvenir à une plus profonde unité. Il s'agit de trouver la voie d'une plus grande connaissance les uns des autres, d'une nouvelle amitié, d'une spiritualité capable de voir aussi les richesses des autres. Nous sommes convaincus que tout cela représentera pour l'homme d'aujourd'hui la possibilité d'une nouvelle approche à la foi, car l'homme va se demander d'où vient cette unité, et c’est aussi la pensée de Benoît XVI. Car dans le monde moderne, où il y a tellement de scissions, de divisions, le fait de trouver un modèle pleinement bon, un modèle d'unité, fait surgir la question: "D'où vient-elle?" Telle est la question: si la foi des chrétiens montre la présence de Jésus.

Selon vous, pourquoi Benoît XVI a-t-il choisi le thème de parler de Dieu dans le monde contemporain?

Benoît XVI n'a pas beaucoup parlé de ses raisons du choix de ce thème, mais il est évident que pour lui la parole de Dieu est la vraie nécessité.. Et aussi pour l'Église d'aujourd'hui il est très nécessaire de trouver de nouvelles manières de parler de Dieu.

Dans quelle mesure avez-vous retrouvé le professeur Ratzinger dans ses choix de vie, comme évêque d'abord, et ensuite en tant que Préfet de la Congrégation de la Doctrine de la Foi et finalement en tant que Pape? Quelles sont les idées qui ont été, d'après vous, le plus développées par Benoît XVI au cour de ces années?

Dans les années où il était archevêque de Münich, je peux remarquer que son attention s'est aussi concentrée sur les thèmes de liturgie. C'est un thème qu'il avait développé dans les années précédentes, lorsqu'il était professeur à Ratisbonne, et réfléchissait beaucoup au thème de la vraie liturgie. Il me semble qu'en ces années il a réfléchi à nouveau à la façon de traduire la foi pour l'homme d'aujourd'hui. Il est parvenu à la conclusion que la théologie doit trouver une nouvelle voie, en commençant par le début, en étant proche des catéchumènes, en répondant aux questions des personnes qui vivent la foi comme quelque chose d'étranger. Cela lui venait aussi de ses réflexions de l'époque où il était professeur à Tübingen, des années où il a pensé à une sorte - pourraît-on dire - de "théologie catéchuménale". Le célèbre livre "Introduction au christianisme, véritable introduction au credo de l'Église, en est une démonstration. L'idée du Professeur Ratzinger a été surtout celle-ci: que le fait de trouver la vérité n'est pas uniquement une question d'intellect, mais qu'elle est un chemin de vie. Développer une théologie n'est pas qu'une question intellectuelle: elle ouvre une voie où aller. C'est pour cela que le théologien doit se mettre à côté des catéchumènes, parler avec eux, développant la foi et la théologie dans un parcours commun. Ce sont les thèmes très vivants du Ratzinger évêque.

En tant que Cardinal et préfet de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, Ratzinger a eu la possibilité d'être à nouveau et complètement théologien. Son travail de Préfet est justement un travail de théologien. Le travail d'un théologien qui essaie de garder l'unité de la foi. Il s'agissait pour lui aussi du défi de trouver un accès à des tendances qui dans l'Église conduisent à une scission. Je peux même affirmer que le thème œcuménique a primé en lui (dans ses années comme Pape aussi), aussi bien dans le dialogue avec l'orthodoxie que dans les dialogues avec les églises de la Réforme.

La dernière œuvre théologique de Benoît XVI a été la trilogie de livres sur Jésus. Quelle est l’importance de cette redécouverte historico-évangélique pour parler de Dieu au monde contemporain? Et dans quelle mesure peut-on dire qu’elle a manqué durant ces années.

Peut-être qu’en ces années l'interprétation historique et critique (de la vie de Jésus) a pris toute l’attention chez certains mouvements de l'exégèse, même si cela ne s'est pas produit de la même manière partout dans le monde. On peut toutefois relever une certaine prévalence de la méthode historico-critique. Benoît XVI a pensé que cette méthode, si elle est utilisée de manière radicale, peut créer de grandes difficultés au croyant, car le croyant voit un homme dans l'histoire, mais ne parvient pas à comprendre comment le Christ de la foi se retrouve dans cette histoire. Pour cette raison, le grand défi de Benoît XVI a été de trouver une nouvelle voie de l'homme vers Jésus Christ. On peut dire qu'après avoir écrit l' "Introduction au Christianisme" - un grand travail - il a tout de suite eu le désir d'écrire un livre où son chemin personnel vers Jésus est raconté. Il s'agit d'un itinéraire intime, qui peut aussi être une aide aux autres croyants. On peut dire que c'est une approche personnelle. Cet itinéraire spirituel est pour lui en même temps un itinéraire qui ne se sépare pas complètement du Jésus découvert dans les études scientifiques. Benoît XVI pense toutefois que dans les Évangiles aussi se trouve la vérité de Jésus, à laquelle le croyant normal (sic) peut avoir accès. Car pour Benoît c'est une chose "étrange" que de laisser toute la Bible aux exégètes. Il pense que les premiers exégètes ne sont pas les exégètes, mais les saints. Ce sont eux qui ouvrent totalement le cœur à Dieu, à cette figure qui dans la Bible vient à notre vue. C'est pourquoi les exégètes aussi doivent fonder leur théologie sur la théologie des saints. Le fait donc de trouver le Christ dans les Saints est une première approche, mais elle est une vraie approche pour Benoît XVI. On part de là pour parvenir à l'autre approche (historico critique). Ainsi Benoît XVI a essayé d'ouvrir une nouvelle voie pour trouver Jésus.