Le Pape musicien

Sur ce site, de nombreux articles consacrés à la passion de Benoît XVI pour la musique, et sa relation avec la liturgie

>>> Le retour de Benoît XVI

>>> Ci-contre: L'esprit de la musique , recueil de textes de Benoît XVI traduits par l'Abbé Iborra (qui est presque un familier de ces pages, cf. benoit-et-moi.fr/2015-I-1/benoit/messe-daction-de-grace-pour-benoit-xvi)

 



En acceptant les doctorats honoris causa des deux unversités de Cracovie, Benoît XVI a écrit "Je suis conscient que mes petits textes sur la musique sacrée ne méritent pas une telle distinction" (cf. Le retour de Benoît XVI (3)).
Bien entendu, il ne faut rien en croire! Ses contributions sont nombreuses et importantes.
L'ouvrage publié en 2011 aux éditions Artège "L'esprit de la Musique" en propose un large panorama.



Ce site a consacré de nombreux articles à la passion de Benoît XVI pour la musique en général (notamment en traduisant les discours prononcés à la fin des nombreux concerts qui lui ont été offerts en huit ans de pontificat), et en particulier la musique sacrée en relation avec la liturgie; et le brillant discours d'hier en était comme le point d'orgue. Il suffit de taper dans le moteur de recherche interne les mots-clés <musique liturgie> pour accéder à une grande partie d'entre eux.

Parmi ces articles, je me permets de rappeler :

  • Le Pape musicologue (février 2012): une autre recension de "L'esprit de la musique". Extrait:

Ce qui surprend dans la lecture de ce livre, c’est la somme incroyable de connaissances musicologiques dont témoigne cet homme. Il cite tout le monde, depuis Haydn en passant par Bach, Hindemith, les grands critiques modernes, les spécialistes de musique pop et de musique rock, sans oublier les professeurs allemands de liturgie. Il a tout lu ! … Je n’avais lu jusqu’ici que des ouvrages de Ratzinger traitant de questions théologiques, mais je ne soupçonnais pas une minute qu’il avait une culture musicologique aussi étendue, érudite et aussi approfondie.

  • Un tour d'horizon, par l'hebdomadaire italien Tempi, le 23 octobre 2010: La musique sacrée du Pape pianiste (l'article contient des liens vers d'autres articles, antérieurs, sur le même thème)
  • Un article qui renvoie lui aussi à d'autres liens: Benoît XVI le Pape musicien. J'y avais archivé la splendide préface à "L'esprit de la musique" d'Henri de Villiers, Maître de chapelle des Paroisses catholique russe de la Très-Sainte Trinité & de Saint-Eugène – Sainte-Cécile (elle est accessible directement sur le site www.schola-sainte-cecile.com), se concluant par ces mots:

Je voudrais faire part ici de mon profond éblouissement face à la bonté proprement surnaturelle qui se dégage de ces quelques textes de notre Pape. Celui-ci porte particulièrement bien son nom de règne, il est véritablement le Benedictus, celui qui dit du bien, celui qui bénit. Nulle part le lecteur ne trouvera dans ces textes de condamnations ou de crispations étroites, ou encore d’appels à se défendre face à des enjeux pourtant pressants. Au contraire il lira le verbe toujours positif d’une nature rachetée, lumineusement épanouie sous la grâce de Dieu.


Et encore cette pépite...
Le 11 novembre 2012, exactement trois mois avant sa renonciation, Benoît XVI recevait les membres de l’Association italienne Sainte Cécile, une association dépendant de la CEI, ayant pour but de "promouvoir et défendre la musique sacrée ou liturgique selon l'esprit de l'Eglise et l'exacte observation des prescriptions ecclésiastiques".
Alors qu'il venait de décréter une année de la foi, il leur adressait un discours sur le rôle de la musique sacrée dans la nouvelle évangélisation, que je reproduis ici dans ma traduction d'alors:

Chers frères et sœurs!

Avec une grande joie, je vous accueille à l'occasion du pèlerinage organisé par l'Association italienne Sainte Cécile, à qui j'adresse avant tout mon sentiment d'approbation, avec un salut cordial au Président, que je remercie pour ses aimables paroles, et tous les collaborateurs. Avec affection, je vous salue, vous tous, appartenant aux nombreuses Scholae Cantorum de toute l'Italie! Je suis très heureux de vous rencontrer, et aussi de savoir - comme cela a été rappelé - que demain sera vous participerez dans la basilique Saint-Pierre à la célébration eucharistique présidée par le Cardinal Angelo Comastri archiprêtre, offrant bien sûr le service de la louange par le chant.

Votre Congrès se place intentionnellement à l'occasion du 50e anniversaire du Concile Vatican II. Et j'ai vu avec plaisir que l'Association Sainte Cécile a entendu ainsi proposer à nouveau à votre attention l'enseignement de la Constitution conciliaire sur la liturgie, en particulier là où - dans le sixième chapitre - elle traite de la musique sacrée. A cette occasion, comme vous le savez, j'ai voulu pour toute l'Eglise une Année spéciale de la Foi, afin de promouvoir l'approfondissement de la foi chez tous les baptisés et l'engagement commun pour la nouvelle évangélisation. C'est pourquoi, en vous rencontrant, je voudrais brièvement souligner comment la musique sacrée peut, avant tout, favoriser la foi et en outre, coopérer à la nouvelle évangélisation.

À propos de la foi, il vient naturellement à l'esprit l'histoire personnelle de saint Augustin - l'un des grands Pères de l'Eglise qui vécut entre le IVe et Ve siècles après Jésus-Christ - à la conversion duquel a certainement contribué de manière significative l'écoute du chant des psaumes et des hymnes, dans les liturgies présidées par saint Ambroise. Si, en en effet, la foi naît toujours de l'écoute de la Parole de Dieu - une écoute naturellement pas seulement par les sens, mais qui, des sens passe au cœur et à l'esprit - il ne fait aucun doute que la musique, et surtout le chant, peuvent conférer à la récitation du psaumes et des cantiques bibliques une plus grande force communicative. Parmi les charismes de Saint Ambroise, il y a avait justement celui d'une sensibilité et d'aptitudes remarquable, et une fois ordonné évêque de Milan, il mit ce don au service de la foi et de l'évangélisation. Le témoignage d'Augustin, qui était à l'époque professeur à Milan et cherchait Dieu, cherchait la foi, est à cet égard très significatif. Dans le dixième livre des Confessions, son autobiographie, il écrit: «Quand me reviennent à l'esprit les larmes que les chants d'église m'arrachaient aux premiers jours de ma foi retrouvée, et l'émotion que continuent à susciter en moi non pas le chant, mais les mots chantés, s'ils sont chantés avec une voix limpide et la modulation adaptée, je reconnais encore une fois la grande utilité de cette pratique » .
L'expérience des hymnes ambrosiens fut si forte, qu'Augustin les conserva gravés dans sa mémoire et les cita souvent dans ses œuvres; il a même écrit un ouvrage sur la musique, De Musica. Il affirme ne pas approuver, pendant le liturgies chantées, la recherche du simple plaisir sensible, mais reconnaît que la musique et le chant bien faits peuvant aider à accueillir la Parole de Dieu et à éprouver une salutaire émotion.

Ce témoignage de saint Augustin nous aide à comprendre le fait que la Constitution Sacrosanctum Concilium, conformément à la tradition de l'Église enseigne que «le chant sacré, uni aux paroles, est partie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle» (n ° 112 ). Pourquoi «nécessaire et intégrante»? Certes pas pour des raisons purement esthétiques, dans un sens superficiel, mais parce qu'il contribue, justement en raison de sa beauté, à nourrir et à exprimer la foi, et donc à la gloire de Dieu et à la sanctification des fidèles, ce qui est le but de la musique sacrée (cf. ibid. ). C'est précisément pour cela que je voudrais vous remercier pour votre précieux service: la musique que vous exécutez n'est pas un accessoire ou simplement un embellissement extérieur de la liturgie, mais elle est elle-même liturgie. Vous aidez l'Assemblée toute entière à louer Dieu, à faire descendre sa parole dans les profondeurs du cœur: dans le chant, vous priez et vous faites prier, et vous participez au chant et à la prière de la liturgie qui embrasse la création toute entiere dans la glorification du Créateur.

Le second aspect que je soumets à votre considération est la relation entre la musique sacrée et la nouvelle évangélisation.
La Constitution conciliaire sur la Liturgie rappelle l'importance de la musique sacrée dans la mission ad gentes et exhorte à valoriser les traditions musicales des peuples (cf. n. 119). Mais dans les pays de vieille tradition chrétienne aussi, comme l'Italie, la musique sacrée - avec la grande tradition qui lui est propre, qui est notre culture, celle de l'Occident - peut avoir, et a de fait, un rôle important pour favoriser la redécouverte de Dieu, une approche renouvelée du message chrétien et des mystères de la foi. Pensons à la célèbre expérience de Paul Claudel, poète français, qui se convertit en écoutant le chant du Magnificat lors des Vêpres de Noël dans la Cathédrale Notre-Dame de Paris: «A ce moment - écrit-il - je compris l'événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus avec une force d'adhésion si grande, avec une telle élévation de tout mon être, avec une conviction si puissante, dans une certitude qui ne laissait aucune placeau doute que, depuis lors, aucun raisonnement, aucune circonstance de ma vie agitée n'ont jamais ébranlé ma foi, ni a toucher».

Mais, sans avoir recours à des personnages illustres, pensons à combien de personnes ont été touchées dans les profondeurs de l'âme par l'écoute de la musique sacrée, et encore plus à ceux qui se sont sentis à nouveau attirés par Dieu par la beauté de la musique liturgique, comme Claudel. Et ici, chers amis, vous avez un rôle important: employez-vous à améliorer la qualité du chant liturgique, sans avoir peur de restaurer et d'améliorer la grande tradition musicale de l'Eglise, qui dans le grégorien et la polyphonie a deux de ses expressions les plus hautes, comme l'indique le Concile Vatican II (cf. Sacrosanctum Concilium, 116). Et je voudrais souligner que la participation active de tout le peuple de Dieu à la liturgie ne consiste pas seulement à parler mais aussi à écouter, à accueillir avec les sens et l'esprit la Parole, et cela vaut également pour la musique sacrée. Vous qui avez le don du chant, vous pouvez faire chanter les coeurs de nombreuses personnes dans les célébrations liturgiques.

Chers amis, je souhaite qu'en Italie la musique liturgique tende toujours plus haut, pour louer dignement le Seigneur et montrer comment l'Église est le lieu où la beauté est chez elle. Merci encore à tous pour cette rencontre!