Notre Père qui es aux Cieux (IV)

Le troisième verset du Notre Père, lu avec Benoît XVI: "Que ton Règne vienne"

¤ Notre Père qui es aux Cieux (I)
¤ Notre Père qui es aux Cieux (II)
¤ Notre Père qui es aux Cieux (III)

 

La prière du Seigneur
III. Que Ton Règne vienne


Jésus de Nazareth. Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration.

Coll "Champs - Essais", pages 151 et suivantes


Réfléchissant sur la demande relative au Règne de Dieu, nous nous rappellerons tout ce que nous avons pu dire plus haut à propos de l'expression « Royaume de Dieu ». Par cette demande, nous reconnaissons d'abord le primat de Dieu. Là où Dieu n'est pas, rien ne peut être bon. Là où l'on ne voit pas Dieu, l'homme déchoit, ainsi que le monde. C'est dans ce sens que le Seigneur nous dit
« Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché » (Mt 6, 33). Ce mot établit un ordre de priorités pour l'agir humain, pour nos attitudes dans le quotidien.
On ne nous promet nullement un pays de cocagne, en contrepartie de notre piété ou de notre vague désir du Royaume de Dieu. On ne nous fait pas miroiter un monde parfait comme dans l'utopie de la société sans classes, un monde qui viendrait automatiquement et où tout irait bien tout simplement parce qu'il n'y aurait plus de propriété privée. Jésus ne nous fournit pas des recettes aussi simples. Mais, il pose, nous l'avons déjà dit, une priorité capitale pour tout : « Royaume de Dieu » veut dire « Seigneurie de Dieu », et cela signifie qu'on accepte que sa volonté soit prise comme critère. Cette volonté crée la justice, qui implique que nous reconnaissions la légitimité du droit de Dieu et que nous y trouvions le critère pour le juste droit entre les hommes.
L'ordre des priorités que Jésus nous indique ici n'est pas sans rappeler, dans l'Ancien Testament, le récit de la première prière de Salomon après sa montée sur le trône. On y raconte que, la nuit, le Seigneur est apparu en songe au jeune roi, lui offrant d'exaucer une de ses demandes. Un rêve on ne peut plus classique de l'humanité ! Que demande Salomon ? « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu'il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal » (1 Rois 3, 9) [*]. Dieu le loue parce qu'il ne demande pas - ce qui aurait été si facile - la richesse, la fortune, l'honneur ou la mort de ses ennemis ou une longue vie (cf. 2 Chroniques 1, 11), mais ce qui est véritablement essentiel: un cœur docile, la capacité de discerner le bien du mal. Et c'est pourquoi le reste est aussi accordé à Salomon par surcroît.
Quand nous demandons la venue de «ton Règne » (et non pas du nôtre !), le Seigneur veut nous conduire exactement vers cette façon de prier et d'établir les priorités de notre agir. Il faut d'abord et essentiellement un cœur docile, afin que Dieu règne, et non pas nous. Le Règne de Dieu vient à travers un cœur docile. Tel est son chemin. Et c'est pourquoi nous devons prier sans cesse.

À partir de la rencontre avec le Christ, cette demande s'approfondit et se concrétise encore. Nous avons vu que Jésus était le Règne de Dieu en personne. Là où il est, est le « Règne de Dieu ». La demande du cœur docile est devenue la demande en vue de la communion avec Jésus Christ, la demande de pouvoir devenir toujours plus « un » avec lui (cf. Ga 3, 28). C'est la demande de le suivre véritablement, qui devient communion et qui nous réunit en un seul corps avec lui.
Reinhold Schneider a exprimé cela de façon saisissante : « La vie de ce règne est la poursuite de la vie du Christ dans les siens ; lorsque le cœur n'est plus nourri par la force vitale du Christ, ce règne se termine ; lorsque le cœur est touché par elle et transformé par elle, il commence [...], les racines de l'arbre inexpugnable cherchent à pénétrer dans le cœur de chacun. Le règne est un. Il subsiste uniquement par le Seigneur, qui est sa vie, sa force, son centre ».
Demander le Règne de Dieu signifie dire à Jésus : fais-nous être à toi, Seigneur. Pénètre en nous, vis en nous. Réunis dans ton corps l'humanité dispersée, pour que tout en toi soit soumis à Dieu et que tu puisses remettre l'univers au Père, « et ainsi, Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 26-28).


[*] On se souvient que c’était un des fils conducteurs du grand discours du Pape devant le Bundestag, à Berlin le 22 septembre 2011

A suivre...