Benoît en soutien de François?


C'est du moins ce que veulent nous faire croire les habituels thuriféraires, en commentant l'interview du Pape émérite par le jésuite Jacques Servais. Antonio Socci remet les choses en ordre... (17/3/2016)

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Une interview de Benoît XVI

 

Avant tout, répétons ce qui a été écrit hier ici: l'interview (qui n'est pas une "interview du Pape émérite à Avvenire" comme l'ont écrit hâtivement certains sites anglophoses) a été lue par son secrétaire lors d'un congrès qui s'est déroulé à Rome du 8 au 10 octobre dernier. Elle avait été conduite en allemand. Si l'on tient compte du temps nécessaire pour la transcription, la traduction, la relecture par l'interessé, la mise en forme définitive, etc.., elle date au moins de septembre 2015. Pourquoi la fait-on sortir seulement 5 ou 6 mois plus tard, et précisément aujourd'hui, à la veille de la publication de l'exhortation apostolique post-synodale, que Raffaele Luise, un vaticaniste d'extrême-gauche et activiste pro-gay notoire, animateur et fondateur du Cénacle des amis de François, s'appuyant sur des propos de son ami le cardinal Kasper, annonce comme révolutionnaire.


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Antonio Socci semble être le premier (et pour le moment le seul) à avoir commenté l'interview de Benoît XVI, ou du moins, à en avoir corrigé la lecture hâtive qu'en avait faite les thuriféraires habituels (de plus en plus zélés... et méritants) de François.
Hier, en lisant la présentation que s'était empressée d'en faire Avvenire, j'avais en effet été frappée (et je l'avoue, agacée, c'est la raison pour laquelle j'ai essayé de traduire l'entretien de la façon la plus "neutre" possible) par la volonté ostentatoire de présenter cette réflexion d'une grande hauteur intellectuelle et d'une tout aussi vaste amplitude théologique, la réduisant à un paragraphe, comme une preuve supplémentaire de l'approbation du Pape émérite à son successeur. Bien venue, évidemment, à la veille de la publication de l'exortation apostolique post-synodale.
L'un des deux articles accompagnant l'interview sur le quotidien de la CEI titrait en effet "Convergence sur la miséricorde", tandis que l'autre s'ouvrait sur cette considération cousue de gros fil blanc "Il y a une communauté et une communion profondes entre les Papes Benoît et François sur le thème de la miséricorde".

Sur sa page Facebook, Antonio Socci relève à juste titre que «L'Osservatore Romano administre une raclée aux puérils et banals propagandistes qui ont arbitrairement "enrôlé" Benoît XVI dans le parti bergoglien».

Et il cite les premières lignes de l'article de Lucetta Scaraffia sur ce même journal:

L'interview que Benoît XVI a accordée au théologien jésuite Jacques Servais sur le thème de la foi touche des questions cruciales. Elle ne se révèle pas tant comme un soutien offert par le pape émérite à un présumé parti de la miséricorde, et donc à François, comme l'ont relevé ceux qui ont donné de l'interview surtout une interprétation journalistique: comme si le thème de la miséricorde constituait une exclusivité du pape régnant et non un thème fondamental de la tradition chrétienne, bien que souvent marginalisé et oublié.


Antonio Socci ajoute:

Certains ont même titré : «BENOÎT XVI SOUTIENT FRANÇOIS: "ENTIÈREMENT D'ACCORD AVEC LUI"», arrivant ainsi à lui attribuer, entre guillemets, des paroles que le pape émérite n'a jamais prononcées.
En effet, Benoît a exprimé le concept de manière opposée, c'est-à-dire en disant que François n'a fait que reprendre une belle intuition de Jean-Paul II : «[JP II] affirme que la miséricorde est l'unique vraie et ultime réaction efficace contre la puissance du mal. Seulement là où est la miséricorde finit la cruauté, finissent le mal et la violence. Le Pape François est totalement en accord avec cette ligne ».

En substance le pape Benoît a donné à l'Eglise le juste cadre théologique d'un thème que le Pape Bergoglio répète souvent de façon confuse, superficielle et donnant lieu à de nombreux malentendus (l'accord est sur le fait que la miséricorde vainc le mal, ceci est la chose juste que Bergoglio reprend du pape Wojtyla: je le dis pour ceux qui réduisent l'Église à une misérable affaire de fans adulateurs du pape régnant sans comprendre la complexité de ces contenus spirituels).


Pas vraiment indulgent, mais non dénué de fondements...

Dans un autre post, Socci revient à son "obssession" (ceci dit sans intention péjorative de ma part):

Une dernière remarque: à partir de cette interview aussi, nous voyons que Benoît XVI, trois ans après la mystérieuse "renonciation", est en parfaite santé intellectuelle et continue à nous offrir des réflexions spirituelles d'une extraordinaire profondeur. Reste donc la question : pourquoi est-il "parti"? Pourquoi a-t-il dû quitter ? Et pourquoi est-il resté dans cette forme étrange et non définie de "Pape émérite"?


Enfin, il est intéressant de lire les commentaires des internautes.
En réponse à l'un d'eux, Socci écrit:

Il y a une distance vertigineuse entre la profondeur et la poésie du Pape Benoît, et les balbutiements gauches - on me pardonnera ces mots - du pape Bergoglio. Le pauvre, il n'y a pas photo...