Ceux qui lapident François


Carlota a déniché parmi les blogs en espagnol un article emblématique (et surtout caricatural, donc involontairement comique), particulièrement d’actualité ( !) d’un ultra-papiste indigné (19/1/2016)

>>> Ci contre: José Manuel Vidal, présentant son livre Francisco, el nuevo Juan XXIII, sous-titré «Jorge Mario Bergoglio, le premier pontife américain pour un nouveau printemps de l’Eglise »

 

Les lecteurs les plus anciens de mon blog se souviennent peut-être de José Manuel Vidal, un prêtre espagnol défroqué (né en 1952) qui anime le portail catholique de gauche www.periodistadigital.com.
Entre 2010 et 2013, Carlota a traduit plusieurs articles de lui. Il y attaquait sournoisement le Pontificat de Benoît XVI par le biais d'un grand classique des progressistes, «le Pape contre l’Eglise» (fortement d’actualité aujourd’hui pour opposer le Pape désireux de changement à une institution sclérosée, mais à l'époque, il s'agissait d'isoler le Saint-Père), prenant bien soin d’envelopper ses critiques du ton sirupeux censé traduire un respect insoupçonnable pour la personne du Pape: un exemple particulièrement emblématique est cet article du 16 avril 2011, où Vidal souhaitait mielleusement un bon anniversaire à Benoît XVI tout en tirant à boulets rouges sur l'Eglise et en présentant un catalogue de toutes les revendications des "libéraux" (benoit-et-moi.fr/2011-I).
Inutile de dire qu’aujourd’hui, il compte parmi les plus fervents supporters de François, sur lequel il a co-écrit un livre intitulé "Francisco, el nuevo Juan XXIII", sous-titré «Jorge Mario Bergoglio, le premier pontife américain pour un nouveau printemps de l’Eglise ».

Juste une question (ou une énième formulation de LA sempiternelle question): où étaient-ils, tous ces ultra-papistes si sourcilleux, si prompts à donner des leçons de catholicité et de fidélité au magistère et à exiger une obéissance scrupuleuse au Pontife, jouant aujourd'hui les vierges effarouchées, lorsque Benoît était traîné dans la boue par le monde entier secondé par des cathos issus de leurs rangs?
Et se rendent-ils compte que les critiques (par litote) dont ils inondent aujourd'hui, se croyant enfin vainqueurs, ceux qu'ils désignent comme leur ennemis, peuvent ipso facto leur être retournées? Comme le dit Carlota paraphrasant une comptine enfantine: «c’est celui qui le dit qui l’est !»

(Carlota)

J’ai traduit cet article de José Manuel Vidal (original ici: www.periodistadigital.com/religion) non pas parce que je suis d’accord avec ce qu’il dit mais parce qu'il est totalement symptomatique d’un certain courant de pensée, à un niveau caricatural qui atteint des sommets. L’auteur en vient finalement à se contredire lui-même. Évidemment au Nord des Pyrénées, en France, ou même un peu plus loin, nous avons le même genre d’individus. Il vaut mieux en rire !

Évêques, prêtres et laïcs, avec leurs petits, mais bruyants "terminaux numériques".

Ceux qui lapident François…


(José Manuel Vidal)
Ils sont sur leur garde. Comme des chasseurs dépités. Cela fait trois ans qu’ils n’ont rien pris et pourtant ils tirent sans cesse sur tout ce qui bouge. Même sur le Pape. Surtout le Pape François. Les « chasseurs » ecclésiastiques sont les talibans de toujours (évêques, curés et laïcs), ceux qui durant des années ont distribué des carnets de catholicisme aux élus, ceux de la stricte doctrine et des principes non négociables.
Les évêques-chasseurs ont vécu comme des princes et n’admettent pas que le Pape les montre comme tels. Les curés sont quelques-uns qui, sans trop de mérites ni de zèle pastoral, ont profité de la situation pour grimper chaque fois plus dans l’échelle de la promotion cléricale. Et aujourd’hui ils ne veulent pas dégringoler les marches.
Et les laïcs sont leurs enfants de chœur, des laïcs cléricalisés et idéologisés. De ceux qui ont transformé la foi en doctrine et laissé de côté l’Évangile. Ceux qui tirent déjà à vue sans se cacher en aucune façon depuis leurs tout petits mais nombreux terminaux médiatiques.
Des cardinaux connus de tous (Burke, Sodano, Re, Bertone, Ruini… et un long etc.). Et chez nous, Rouco et les évêques de sa cordée et de sa lignée, comme Demetrio, Munilla ou Reig (1). Pour ne parler que du trio des ténors épiscopaux le plus téméraire sur le sol de notre patrie. Les trois évêques qui, à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, font baisser le bénéfice de la crédibilité ecclésiale.
Abondent aussi les curés « trabucaires » (2) diocésains et des mouvements néo-conservateurs. Ceux qui ont congelé le Concile et oublié de sortir dans les rues (ndt pour aller vers les périphéries bien sûr !). Ceux qui ont enterré la parabole du bon Samaritain dans le tiroir des oublis et ont limité le suivi de Jésus au Catéchisme et au Code de Droit Canonique.
Ces derniers temps se détache comme chasseur habituel l’ancien correspondant religieux de ABC (ndt principal Journal dit conservateur espagnol que l’on pourrait comparer au Figaro) et fondateur des Franciscains de Marie, le Père Santiago Martín. De Rome et par l’intermédiaire d’enregistrements vidéos il lance des tromperies (ndt le mot correspond aussi à insolences) contre la « confusion » créée par le Pape François dans l’Église, il signale que les authentiques catholiques cessent d’aller à Rome et que Bergoglio dilue la sainte doctrine catholique dans le syncrétisme, avec la dernière vidéo qu’il vient de lancer sur le dialogue interreligieux (3).
Évêques et curés sont soutenus, en Espagne, par une série de laïcs ultramontains, qui sont ceux qui depuis toujours mènent la charge par les terminaux Internet : ce sont les infovaticanos et les infocatólicos (ndt allusion à des sites internet très fréquentés infocatolica.com et www.infovaticana.com créés il y a quelques années déjà par des laïcs catholiques indépendants), de tout pelage et condition qui chargent, directement ou indirectement, contre tout ce qui vient de Rome. Contre tout ce qui sort de la bouche ou de la plume du Pape François.
Eux, si papistes autrefois, maintenant s’arrachent les vêtements et accusent le pape argentin de tous les maux de l’Église. Actuels et à venir. D’abord ils lançaient, en cachant leur main. Maintenant ils ne se cachent plus et lancent ouvertement leurs pierres. Que cela soit ou non approprié. Ils ont transformé le Pape en une marionnette de jeu de massacre et sont désormais des amateurs de ce jeu quotidien. En lui lançant tout type de projectiles.

La consigne c’est de taper sur la bête, pour Pape qu’il soit. Pour essayer de le discréditer et pour qu’il renonce à sa « révolution tranquille », à sa réforme évangélique. Pour qu’il cesse de prêcher l’Évangile des pauvres. Pour qu’il se décourage et renonce. Et s’il ne le fait pas (comme s’il ne le faisait pas et n’allait pas le faire !), le minimum qu’ils souhaitent c’est qu’il meurt ou qu’on le fasse mourir (comme Jean Paul I), comme l'a dit l’évêque de Ferrara, Mgr Negri (ndt: on trouvera ici tous les arguments pour confonfre Vidal et ses mensonges: benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/il-ne-fait-pas-bon-etre-contre-franois).
Ils n’ont qu’une seule aspiration c’est que le pontificat de François soit un orage d’été, un cauchemar passager. Et que les eaux ecclésiales retrouvent le lit de la rivière, la leur, celle de l’Église-douane et forteresse assiégée par les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Plus de l’intérieur (ceux de la cinquième colonne comme ils nous appellent) que de l’extérieur. Parce que l’on sait bien que qui s’assemble se ressemble.
Et c’est que, comme dit Andrea Tornielli, l’auteur du livre-entretien avec le Pape (Le nom de Dieu est miséricorde), « quand les critiques ne sont pas sincères, mais faites sur la base de préjugés, quand elles deviennent systématiques et mêmes ridicules, par leur insistance et par leur inconsistance, alors elles se retournent contre ceux qui les font ».
Aveuglés par la foi transformée en idéologie ils ne voient pas le printemps. Et ils ne sont pas capables de comprendre que François est un don de Dieu pour le monde et pour l’Église. Aveugles, ils ne voient pas le printemps, alors qu’ils l’ont devant leurs yeux. Et ils ne peuvent accepter que personne ne puisse arrêter le printemps au printemps (4).

NDT

(1) Rouco, Demetrio, Munilla ou Reig : il s’agit de l’ancien archevêque de Madrid et des actuels évêques de Cordoue, Saint Sébastien et Alcalá de Henares, très appréciés au contraire des catholiques « non adultes » et très mal vus du Système en Espagne notamment pour leur lutte pour la vie, la dénonciation de l’idéologie du genre.

(2) Mot d’origine catalane apparu tel quel en français au XIX ème avec des auteurs comme Prosper Mérimée ou Théophile Gautier. Ce mot désignait à l’origine un homme porteur d’un « trabuco», typique fusil espagnol à canon court évasé que l’on traduisait en français par tromblon, espingole ou mousqueton (utilisé au XVII et XVIIIème sicle). Historiquement le trabucaire désignait un partisan catalan voire un contrebandier pyrénéen. Au sens figuré l’on emploie aussi le terme aujourd’hui pour parler d’un arrogant, d’un fier-à-bras.

(3) Nous avons déjà traduit le P. Santiago Martín qui ne peut absolument pas être considéré comme un « furieux ». J’ai écouté sa dernière intervention sur la vidéo du Pape. Il expliquait notamment qu’il avait été interrogé par de nombreuses personnes troublées par cette vidéo et qu’il leur avait rappelé que nous étions tous créatures divines aimés par conséquent de Dieu, que nous ne devenions enfants (adoptifs) de Dieu que par le baptême et que nous ne devions pas l’oublier au risque de perdre l’esprit missionnaire que nous imposait ce don.
Le curé madrilène le P. Jorge González Guadalix, que nous connaissons bien aussi, avec sa façon plus directe de s’exprimer avait parlé aussi du trouble de ces fidèles dont la fameuse Rafaela qu’il disait déconcertée, mais rappelait bien dans un « post » suivant qu’il fallait bien prier pour le Pape (infocatolica.com/blog/cura).
Pour ce qui est de la fréquentation en baisse des audiences papales, le P. Martín n’est évidemment pas le seul à l’avoir constatée et les « responsables de la communication papale » ont sûrement été les premiers à l’avoir vue!

(4) Bel exercice de dialectique … ! Je laisse les lecteurs compléter. Dans les cours de récréation, on disait dans le temps, « c’est celui qui le dit qui l’est ! ». Le P. Jorge González Guadalix, en tant que « curé trabucaire » version JM Vidal, a bien sûr réagi à l’article en écrivant : « Ça fait plaisir de lire des gens si printaniers et si miséricordieux » (cf infocatolica.com/blog/cura.php ).
[On se rappelle que le "printemps de l'Eglise" est le sous-titre du livre de JM Vidal consacré à François]