"Comme une mère aimante"


Tolérance zéro contre la pédophilie, vraiment? Le motu proprio du Pape destiné à destituer les évêques négligents est en fait une législation à géométrie variable. Selon que vous serez ou non ami de Bergoglio... (13/6/2016)

>>> Ci-contre: Manifestations dans la cathédrale d'Osorno, au Chili, contre la nomination de l'évêque Juan Baros, coupable d'avoir protégé un pédophile notoire (source)

>>> Texte du motu proprio (en italien): w2.vatican.va

 

Isabelle a traduit à ce sujet un article paru sur un journal néerlandais.

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Le Katholiek Nieuwsblad (dont nous avons déjà traduit quelques articles) est un hebdomadaire catholique des Pays-Bas, de tradition « conservatrice », c'est-à-dire fidèle à la doctrine et à la morale catholiques, et auquel collaborait régulièrement Mgr. Léonard, avant de devenir archevêque de Malines-Bruxelles en 2010. Ce n'est pas une publication "généraliste", mais ciblée spécifiquement sur l'actualité religieuse et la vie de l'Eglise.

En ce qui concerne le pape actuel, certains articles sont plutôt critiques, mais la plupart suivent le « mainstream » : il y a sans doute un malaise, mais qu'on n'ose pas faire venir à la surface.
(Isabelle)

Le motu proprio du pape contre les abus sexuels semble se retourner contre lui

Les initiatives légales destinées à révoquer les évêques fautifs commencent à se retourner contre le pape .


12 juin 2016

www.katholieknieuwsblad.nl
Traduction d'Isabelle

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Les initiatives légales destinées à révoquer les évêques fautifs commencent à se retourner contre le pape
C’est ce qui ressort de plusieurs articles et commentaires émanant de media tant catholiques que laïcs. « Que deviendront à présent les amis du pape ? », se demande Steve Skojec du blog onepeterfive. On vise la manière dont le pape François lui-même traite les évêques qui ont joué un rôle douteux dans des affaires d’abus sexuels.


Danneels et Barros
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Dans ce contexte, on cite surtout le cardinal Belge Godfried Danneels et l’évêque chilien Juan Barros. Le premier a tenté en 2010 d’imposer le silence à une victime de Roger Vangheluwe, alors évêque de Bruges.
Barros, quant à lui, est cité comme complice dans le dossier d’abus sexuels le plus important qu’ait connu le Chili. Non seulement il aurait été témoin mais aurait été jusqu’à détruire des lettres contenant des accusations.


« Stupides »
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Malgré son passé, Danneels fut, comme invité personnel du pape, père synodal lors des deux synodes sur la famille de 2014 et 2015. En dépit d’importantes protestations, Barros fut, en 2014, nommé par le pape évêque de Osorno. Il traita lui-même de « stupides » les croyants qui protestaient, parce qu’ils ajoutaient foi à ce qu’il a appelé des « complots gauchistes ». The Guardian cite l’affaire Barros et fait aussi allusion à des accusations de dissimulation à l’encontre du cardinal de curie George Pell et du cardinal français Barbarin.


Des amis haut placés
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« Il est incroyable que Mgr Barros soit encore évêque, vu la controverse qu’il suscite, bien qu’il nie avoir fait quoi que ce soit de répréhensible », écrit le Père Alexandre Lucie-Smith dans The Catholic Herald. « On est obligé de conclure que Mgr Barros a des amis haut placés. Les nouvelles mesures auront-elles un effet à Osorno ? J’en doute. »


Des lettres détruites
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Le pape François a persisté dans sa volonté de nommer Barros après un entretien personnel avec lui, et sans enquête ecclésiastique approfondie. Une enquête judicaire est encore en cours auprès d’un tribunal chilien. Barros, quand il était secrétaire épiscopal, aurait détruit des lettres qui accusaient un abuseur condamné depuis lors. Selon diverses victimes, Barros n’aurait pas été seulement témoin, mais aussi complice de certains abus.


Fin de la sympathie
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Après l’installation de Barros, il y a plus d’un an, le vaticaniste John Allen de Crux prédisait que cette question pourrait bien signer la fin de la sympathie universelle pour le pape François. L’affaire a eu comme effet que l’un des membres de la commission pontificale pour les abus sexuels, Peter Saunders, a vu, l’automne dernier, sa collaboration suspendue pour avoir critiqué les procédures.


Points d’interrogation
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Le commentateur chevronné Phil Lawler exprime de sérieux doutes sur le motu proprio promulgué la semaine dernière sous le titre Come une madre amorevole (Comme une mère aimante). « Cela aurait tout aussi bien pu être : ‘Et cette fois ce n’est pas pour rire’ », écrit-il dans Catholic Culture.
Il s’interroge sur le commentaire du cardinal Sean O’Malley pour qui le motu proprio témoigne d’un « sentiment d’urgence et de clarté qui n’existait pas jusqu’ici ».


L’urgence n’existait-elle pas jusqu’ici ?
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« Vraiment ? » écrit Lawler. « Fallait-il 15 années de catastrophes pour aboutir à un « sens suffisant d’urgence » afin de clarifier les directives canoniques ? Si cette remarque vise à rassurer, elle rate son but », ajoute Lawler, faisant remarquer que, depuis longtemps déjà, les évêques gravement fautifs peuvent être mis à l’écart.


Exit le tribunal
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Associated Press concluait, aussitôt après la publication du motu proprio, que le pape, avec ce texte, a enterré prématurément le tribunal spécial annoncé par lui. « 51 semaines exactement sont passées avant que le Vatican annonce cette nouvelle étape », écrit Lawler. « Une fois de plus, ce motu proprio n’ouvre pas une voie nouvelle. Il procure une nouvelle signalisation et un nouvel aménagement d’une voie sur laquelle, hélas !, on n’a pas encore vu beaucoup de trafic ».


Le nombre de plaintes à la hausse
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Auparavant, le motu proprio avait fait l’objet de critiques parce qu’il ne se limite pas aux fautes pour abus sexuels mais concerne aussi d’autres domaines, pas autrement précisés. Cela pourrait conduire à une augmentation des plaintes contre des évêques qui ne plaisent pas, comme le craint le canoniste allemand Schlüsser. Certains commentateurs se demandent aussi si les évêques auront encore le courage de soutenir leurs prêtres ou bien s’ils les démissionneront à la première accusation venue.