Coup d'état dans l'Eglise


Antonio Socci consacre un second article (très rude!) à "Amoris Laetizia" (11/4/2016)

>>> Son premier article sur le sujet: Le triomphe de la double vérité

>>> Dossier: Amoris Laetitia

 

Il y a un coup d'état dans l'Eglise.
Rebellons-nous contre la "dictature du relativisme" qui détruit le catholicisme et notre civilisation


www.antoniosocci.com
10 avril 2016
(Ma traduction)

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Sur la "Repubblica" d'hier, Alberto Melloni, l'idéologue du catholicisme de gauche (cattoprogressismo), nous informe que l'Exhortation bergoglienne (surnommée par certains "Familiaris divorzio") est un "éloge de la joie érotique."
La faisant ainsi paraître presque comme un traité ludique sur la pornographie à publier sur "Dagospia" [site de ragots, souvent à conotation sexuelle, mais très bien informé] avec le titre "Coïto ergo sum".

Mais un Vatican "a luci rosse" [expression qui désigne ce qui a trait à la pornographie], pour séduire, n'est-il pas pathétique? En fait, le "modernisme" bergoglien d'aujourd'hui fait penser à la vielle dame de 80 ans portant minijupe et talons de 12 cm, seins au vent: même sur les questions sociales Bergoglio récupère les slogans éculés de ces "luci rosse" (d'un exécrable rouge profond) des années soixante aujourd'hui à l'âge d'Alzheimer ou du cathéter.
Et puis les pages bergogliennes sur l'eros sont un plagiat maladroit et amateur (avec des erreurs) du chef-d'œuvre théologique et pastoral de Jean-Paul II qui, dans ses catéchèse sur la Genèse et sur le corps, liait splendidement "eros" et "agape" dans le mariage chrétien.
A la Genèse et au Cantique des Cantiques, Wojtyla ajoutait l'expérience humaine de son passé de mineur-poète-théologien qui, dans sa jeunesse, avait participé à la résistance contre le nazisme et le communisme en lisant Jean de la Croix et Monfort.
Quelqu'un, paraphrasant Melloni, dit de l'Exhortation bergoglienne qu'elle est en fait un "éloge de la joie hérétique" (pas érotique). Là est le problème.

JOIE ÉROTIQUE OU HÉRÉTIQUE?
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Pendant des années, l'Eglise s'est défendue contre l'assaut de la "dictature du relativisme". Elle s'est défendue aussi en mettant Bergoglio en minorité au consistoire de 2014 et aux deux synodes, mais le pape argentin a imposé quand même à l'Église, d'autorité, sa "révolution" (à la barbe de la "collégialité").
Aujourd'hui, c'est le journal des évêques lui-même, "Avvenire", qui ayant à la hâte jeté aux orties Benoît XVI et Jean-Paul II, nous informe que dans l'Église, une révolution est vraiment en marche.
L'organe officiel de la Conférence épiscopale italienne a présenté l'exhortation en ces termes:
«Quand, il y a une dizaine de jours, le cardinal Kasper, pré-annonçant la sortie de l'Exhortation post-synodale à la famille, avait parlé "du document le plus important dans l'histoire de l'Eglise du dernier millénaire", beaucoup l'avaient regardé avec cette faux condescendance qu'on réserve aux déclarations un peu exagérées... Maintenant qu'Amoris laetitia est sous les yeux de tous, il semble très difficile de contredire le cardinal allemand. Le texte de François a la saveur d'un texte solide et révolutionnaire».

Donc Bergoglio est en train de "révolutionner", c'est-à-dire de renverser l'Eglise catholique, comme Ross Douthat l'avait écrit en Novembre dans le "New York Times", indiquant l'existence d'un "complot visant à changer le catholicisme" et ajoutant qu'"en ce moment le premier conspirateur est le Pape lui-même".
A présent, c'est officiel. Et aujourd'hui, après la publication de ce texte révolutionnaire, pour l'Eglise c'est le "day after". Ce qu'on croyait impossible est arrivé.
L'Exhortation apostolique est un geste de défi ouvert à deux mille ans d'enseignement catholique. Et, dans les milieux catholiques (choqués), domine un désarroi silencieux. Bien que, de l'étranger, les voix catholiques commencent à faire entendre des protestations sonores, qui vont monter de plus en plus, en particulier aux États-Unis (mais aussi en Pologne, en Afrique, au Mexique et ailleurs) [pas en France!!].
Hier, sur un site catholique canadien, apparaissait un titre volontairement pesant, mais qui fait comprend combien d'indignation couve sous la cendre: «Qui va dénoncer 'Amoris Laetitia' comme hérétique? Qui va mettre en cause Jorge Bergoglio pour ce qu'il a fait? L'histoire la définira-t-elle comme une hérésie bergoglienne?».

Naturellement - dans tout cela - la communion pour les divorcés remariés est seulement un prétexte, c'est une question qui ne passionne personne, pas même les divorcés: les "révolutionnaires" ont tout simplement utilisé les "couples irréguliers" comme force de frappe pour démolir les fondations de deux mille ans du catholicisme.
Et maintenant il y a un panorama de ruines devant les yeux des pasteurs encore catholiques, parce que - comme des quilles au bowling - en cascade, après l'indissolubilité du mariage, tout va tomber: la confession, les commandements, la loi naturelle. Et surtout, ce qui en sort démoli, c'est l'enseignement constant de l'Eglise.
Il faut penser à tous ceux qui ont connu des divisions familiales ou des situations d'épreuve et - par amour du Christ - sont restés fidèles aux commandements et aux préceptes de l'Eglise.
L'une de ces personnes me disait:
«Amoris Laetitia est terrible pour moi parce qu'elle nous dit: "vous avez été idiots de faire confiance à Jésus-Christ et à l'Eglise, en supportant ces épreuves. Vous avez stupidement gâché votre vie, quand vous pouviez avoir de bons moments et aujourd'hui vous auriez l'aval du Pape».
Et d'un Vatican qui fait l'éloge des "joies érotiques", comme dit Melloni. Mais pour les catholiques, il est évident qu'il s'agirait de (fausses) joies hérétiques car c'est Jésus lui-même qui ordonne "que l'homme n'ose pas séparer ce que Dieu a uni" (Mt 19,6).
Ses paroles "ne passeront jamais". Et le Magistère de l'Église repose précisément sur Sa Parole et sur la loi de Dieu. Il ne pourra jamais être nié ou changé par aucun pape.

LE CAS BERGOGLIO
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En outre, ce qui se passe n'est pas pour surprendre. Dans ces trois années, nous en avons vu de toutes les couleurs.
D'abord, le grand Pape Benoît qui, à sa messe inaugurale, implore «Priez pour moi afin que je ne fuie pas par peur des loups».
Ensuite, cette "renonciation" mystérieuse et inexpliquée, après laquelle il a voulu nous faire savoir que «ma décision de renoncer à l'exercice actif du ministère ne révoque pas cela», restant de fait Pape émérite, puis François élu "un peu comme ça" (et malgré le voeu des jésuites qui aurait dû l'interdire), puis deux papes (du jamais vu en deux mille ans).
Enfin, le truculent spectacle latino-américain, du "qui suis-je pour juger" au Dieu qui "n'est pas catholique", du crucifix avec le marteau et la faucille à l'hommage à Fidel Castro, de la lettre aux tyrans chinois à l'éloge de "l'invasion" des migrants, de la gifle à Trump au silence sur Cirinnà, de la distance glaciale au Family Day aux singes sur la façade de Saint-Pierre, de la communion pour les divorcés remariés à l'Eucharistie réduite à une opinion pratiquement équivalente à celle luthérienne, du Jubilé sans indulgence ni purgatoire à l'encyclique sur le "tri sélectif", des rencontres fraternelles avec Scalfari au silence glacial et obstiné sur Asia Bibi.
Tout cela étrange, surréaliste, inquiétant et douloureux pour les catholiques qui entre-temps sont persécutés et massacrés dans le monde entier.
A l'étrangeté des hosannas des médias laïcs (depuis toujours ennemis de l'Eglise) s'est ajoutée une nouvelle papolâtrie du monde clérical.
Hier, dans "Avvenire" - le journal de la CEI - l'article sur l'exhortation commençait ainsi: «La famille recommence à partir de François». Textuel. Mais la famille a été instituée par le Créateur et faite sacrement par Jésus-Christ. Peut-être qu'aujourd'hui, Bergoglio est à la place de Dieu?
Toujours "Avvenire" d'hier nous informait que dans l'Exhortation l'"indissolubilité" du mariage est pas la réalité, mais une référence idéale, "un point d'arrivée". Jusqu'à présent, l'Église avait enseigné qu'elle est le point de départ, établi par Jésus-Christ dans l'Evangile.

Est-il possible que les évêques et les cardinaux soient tous rendus muets par cette révolution? Possible que personne ne ressente le besoin de répondre à Dieu et d'allumer une lumière pour le peuple chrétien confus et désorienté?
Possible que personne n'ait la dignité de dire ce qu'il pense, c'est-à-dire que l'exhortation est déplorable et dévastatrice pour l'Eglise? «Dans ce cas, se taire équivaut à la connivence», disait le pape Célestin.

Je continue pourtant à espérer que le Pape changera d'avis, qu'il prendra note que ce type de "modernisation", a déjà détruit les communautés protestantes européennes et a eu des effets dévastateurs dans les Eglises catholiques progressistes (en Europe ou en Amérique latine).
Mais le Pape doit être aidé par notre sincérité, avec la liberté de le critiquer ouvertement. C'est l'avenir de l'Eglise (et pas seulement).
Quoi qu'il en soit, à partir d'aujourd'hui, être catholique sera - pour paraphraser Melloni - une «joie héroïque».