Divorce


A quelques jours de la publication de l'exhortation apostolique post-synodale, une femme blessée écrit au pape: c'est une lettre fictive, (mais ô combien réaliste), et c'est le "curé madrilène" qui lui prête sa plume (19/3/2016)

L'auteur de la lettre est une femme à qui aurait été imposé le divorce (civil) et dont l' ex-mari vit tranquillement avec sa nouvelle compagne dans la paroisse comme si de rien n'était, avec les mêmes responsabilités et les mêmes droits qu'avant.

 

Voici une lettre qui m’a fait presque pleurer quand je l’ai lue. Cette lettre a été rédigée par P. Jorge González Guadalix, comme exemple de ce que des personnes, homme ou femme, victimes d’un divorce, auraient pu écrire au Saint-Père, sans que cela soit une fiction. Les éléments que le prêtre met en avant, ne sont malheureusement pas une fiction et pas forcément exceptionnels, même si certains diront qu’ils sont plus fréquents dans certaines paroisses que dans d’autres. Nous avons sans doute, à un moment ou un autre rencontré de ces divorcés-là.

Original en espagnol ici: infocatolica.com/blog/cura
Ma traduction

Carlota

Sainteté: moi je suis l’autre.

À mon amie Laure, divorcée il y a deux ans.

Évidemment la lettre c’est votre serviteur qui l’a écrite, mais je donne l’assurance à mes lecteurs que c’est le cas et l’expression de la perplexité d’une personne que je connais.

(Père Jorge González Guadalix)

* * *

Sainteté : moi je suis l’autre.

Je me suis mariée, nous nous sommes mariés, je crois que nous étions très amoureux. Quatre ans de fiançailles, lui il avait vingt-sept ans, moi je venais juste de fêter mes vingt-cinq ans. Vingt-neuf ans de mariage, deux enfants, qui ont aujourd’hui respectivement vingt-sept et vingt-trois ans, et une vie normale. Sans pressions économiques, sans trop de moments de colère, un peu de discussion, des petits désaccords, mais ce que nous comprenions comme étant des choses habituelles d’un couple marié.
Croyants et pratiquants, la messe du dimanche avec nos enfants, et comme collaborateurs à des tâches de la paroisse. Une famille des plus courantes, mon mari avec son affaire qui nous permettait de vivre largement et moi sans autres tâches que celle de la maison, les enfants et aider dans la petite entreprise familiale.
Il y a un peu plus de deux ans, mon mari, sans plus de préambules que cela, m’a dit qu’il voulait divorcer. La raison, selon lui, c’est que nous étions tombés dans la routine, que le mariage ne nous apportait plus rien et que nous avions commencé à nous faire du mal, et que dans de telles circonstances, c’était le mieux que nous puissions faire. Jamais je n’aurais pu me l’imaginer. Apparemment nous étions le couple parfait.
Nous nous étions mariés sous le régime de la séparation de biens et la grande maison familiale était la sienne. Jamais je n’avais été inscrite comme salariée dans l’entreprise et avec mon âge, approchant de la soixantaine, je ne trouve pas de travail, de sorte que je vis avec une petite quantité d’argent qui fond et encore heureux que j’ai hérité de mes parents un petit appartement où je peux m’abriter.
Je n’ai pas voulu revenir dans mon ancien quartier. Il vaut mieux tourner la page.
Mais il y a quelques jours, j'ai dû revenir et entrer de nouveau dans l’église de la paroisse où nous nous sommes mariés, avons baptisé les enfants et célébré leur premier communion. Les funérailles de quelqu’un de très proche et très aimé m’ont obligé à le faire. Et alors je l’ai vu. Se déplaçant dans l’église en toute familiarité, accompagné de sa nouvelle compagne, Ève, également collaboratrice paroissiale, déjà à notre époque, et bien sûr, plus jeune et jolie que moi. On me dit qu’ils continuent à collaborer au niveau de la catéchèse de la paroisse, qu’ils prêtent leur concours pour les messes et qu’ils communient sans problème. Bon cela on ne me l’a pas raconté, je l’ai vu.

Notre curé, plus de trente ans à la tête de la communauté, m’a saluée aimablement. Et avant que je lui demande quoi que ce soit, il m’a dit que je ne devais pas m’étonner que mon « ex » continue à collaborer, que c’était bien, qu’il était compréhensible qu'on ne puisse pas laisser tomber les gens et qu’en définitive si Dieu est miséricordieux ce n’est pas nous qui allons lui mettre des difficultés dans son action, et qu’il lui serait agréable que je trouve un endroit dans l’église où je puisse continuer à offrir mon temps et mon témoignage.

Non. Non je n’ai pas de forces pour cela. J’ai été abandonnée pour une autre plus jeune, mais il ne se passe rien. Mon mari et sa nouvelle compagne sont dans une situation canonique tout ce qu’il y a de plus irrégulière, parce qu’à moi on ne m’a pas parlé de possible nullité. Mais il ne se passe rien. Mon mari - parce que pour moi il le reste aux yeux de Dieu -, et sa « compagne sentimentale », catéchistes et lecteurs à la messe, et communiant avec l’entière acquiescement du curé qui connaît parfaitement le cas, en l’honneur d’un « moi non plus je ne te condamne pas » et d'une fausse miséricorde qui omet gravement le « et désormais ne pèche plus ».
Peut-être suis-je peu miséricordieuse, peut-être ne suis-je pas prête pour ces temps nouveaux. Mais je regrette que la miséricorde ne se déverse pas sur ma vie.
Je ne veux ni vengeance ni reproches. Mais il y a des choses que j’ai beaucoup de mal à comprendre.
Peut-être à cause de ma dureté de cœur.

Priez pour moi, Sainteté.