Haurietis Aquas


Quand François se réclame de Pie XII, en évoquant l'encyclique publiée en 1956, dédiée au culte du Sacré Cœur de Jésus (4/6/2016)

 

Nous apprenons par Radio Vatican que jeudi (2 juin), «François a délivré à la basilique Saint-Jean-de-Latran la première de ses trois méditations, dans le cadre du Jubilé des prêtres ».
Le thème de la méditation était... la miséricorde.
Certains diront qu'il faut lire en entier pour commenter, mais franchement, je n'en ai pas le courage.
Je me contente donc de survoler.
Au milieu de réflexions brouillonnes et d'autres mieux construites, parfois même belles, qui semblent être d'une autre "plume", on trouve la désormais inévitable diatribe contre les malheureux prêtres (qui vont finir par se lasser d'être la cible constante de ses attaqes et de ses sarcasmes, cf. [1]). Et aussi, de façon plus surprenante, un passage qui peut sembler une main tendue aux traditionalistes (en tout cas, certains l'ont ressenti ainsi) à travers une encyclique de Pie XII, "Haurietis Aquas".

Je me souviens quand Pie XII a fait l'encyclique sur le Sacré Coeur. Je me souviens que certains disaient : "mais pourquoi une encyclique sur ça, ce sont des choses de bonnes sœurs, non ?" C'est le centre du cœur du Christ : c'est le centre de la miséricorde. Peu-être que les sœurs comprennent mieux que nous, parce qu'elles sont mères de l'Église, elles sont icône de l'Église, de la Madonne. Mais le centre est le cœur du Christ. Cela nous fera du bien cette semaine ou demain de lire "Haurietis Aquas". "Mais c'est préconciliaire !" "Mais cela fait du bien. On peut le lire." Cela nous fera beaucoup de bien.


Passons encore une fois sur la forme... et surtout le ton (avec cette condescendance méprisante envers ce qui est "préconciliaire").
En fait, il n'y a rien de nouveau: François se réfère à Pie XII, comme il avait revendiqué sa dévotion à Pie X (cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/franois-et-saint-pie-x), et comme, de temps en temps, il cite Benoît XVI, pour se réclamer d'une continuité démentie de façon flagrante par les faits, en opérant dans leurs magistères respectifs une sorte de "tri sélectif" qui conforterait ses propres choix.

Cela n'a pas échappé au site vatican quasiment officiel "Il Sismografo" qui le jour même, annonçait, en titre d'un article signé "la rédaction":
SOIXANTE ANS APRÈS, LE PAPE FRANÇOIS RAPPELLE "HAURIETIS ACQUAS" DE PIE XII. LA LETTRE DE BENOÎT XVI.
Suivait cette introduction:

« Juste au moment où l'encyclique du pape Pie XII dédié au Sacré-Cœur de Jésus a 60 ans, puisqu'elle a été publiée le 15 mai 1956, aujourd'hui François, s'adressant aux prêtres qui prennent part à la retraite spirituelle du jubilé, a rappelé le document papal, en recommandant sa lecture. Comme on le sait, il s'agit de l'Encyclique d'Eugenio Pacelli dédiée à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus»

L'article renvoyait à la synthèse d'Andrea Tornielli (c'est un travail d'équipe!) et se poursuivait avec la reproduction de la lettre écrite en 2006 par Benoît XVI au Supérieur Général des jésuites Peter-Hans Kolvenbach à l'occasion du 50e anniversaire de la même encyclique (comme pour dire: François et Benoît XVI citent tous deux Pie XII, ils sont donc d'accord, vous voyez bien qu'il n'y a pas de rupture, CQFD).

Il se trouve qu'il y a un peu plus d'un an, en avril 2015, La Bussola, dans un éditorial d'Enrico Cattanea, (traduit par Anna ici: benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/haurietis-aquas-une-encyclique-de-pie-xii), soulignait à quel point «dans cette encyclique publiée en 1956, dédiée au culte du Sacré Cœur de Jésus, Pie XII développait déjà l’idée qui court en filigranne de la bulle d’indiction du Jubilé de la Miséricore [voulu par François]: Dieu est "patient et miséricordieux"».

Dans cette même page, j'avais reproduit en annexe l'encyclique de Pie XII (non disponible en français sur le site du Vatican), et la lettre de Benoît XVI en 2006 au Supérieur des Jésuites.
A relire ici, donc ICI .

 

Note


[1] Nous devons nous situer ici, dans cet espace dans lequel cohabitent notre misère la plus honteuse et notre dignité la plus haute. Le même espace. Sales, impurs, mesquins, vaniteux - c'est un péché des prêtres, la vanité - égoïstes et, en même temps, ayant les pieds lavés, appelés et élus, partageant les pains multipliés, bénis par nos gens, aimés et entourés de soins. Seule la miséricorde rend supportable cette position. Sans elle, soit nous nous croyons justes comme les pharisiens, soit nous nous éloignons comme ceux qui ne se sentent pas dignes...