Il faut sauver le soldat Trump


Un article à total contre-courant, sur le site <Riscossa Cristiana> (4/4/2016)

>>> Image nypost.com, dénichée non sans peine, les médias faisant la course à qui publiera la photo où il arbore la mimique la plus grotesque, ce qui est déjà un signe.

 


Impossible, sauf si vous habitez sur une autre planète, ou si vous avez décidé de débrancher la radio et la télévision et déconnecter votre ordinateur/tablette/smartphone (auquel cas vous ne me lirez pas non plus!) d'échapper au matraquage anti-Trump que nous assènent quotidiennement nos médias. En pure perte, apparemment, puisque la plupart des français, n'étant pas bi-nationaux, ne voteront pas aux prochaines présidentielles américaines. Mais peu importe: il faut que tout le monde sache que Donald Trump est un monstre et un imposteur, voire un escroc, et que son élection serait une catastrophe planétaire. Peut-être s'agit-il, par l'exemple, de donner un avertissement sans frais à ceux qui seraient tentés d'accorder leur voix à un autre trublion, en un autre moment, dans une autre élection, d'une autre aire géographique.
En 2008, 85% des français étaient plus "obamiens" que le plus obamien des américains. Huit ans plus tard, on peut parier que le pourcentage des anti-Trump est encore plus élevé. Cela donne une idée de la puissance de persuasion des campagnes médiatiques, et surtout de la perméabilité et de la fragilité de l'"opinion"...

La dernière sortie médiatisée de Donald Trump concernait la punition à réserver aux femmes ayant eu recours à l'avortement. Cette fois, la réprobation (prévisible, dans un monde qui refuse l'idée de péché, et même de culpabilité) a été unanime, et encore plus transversale que d'habitude, allant de la gauche extrême abortiste et féministe (sans surprise!) à la droite habituellement la plus sourcilleuse dans la défense de la morale, créant de ce fait des alliances inattendues.
J'ai viscéralement horreur de toute forme de lynchage (au point que si François était unanimement attaqué, je suis presque certaine que je me rangerais de son côté), et je n'aime pas qu'on me dise ce que je dois penser.
J'ai donc, après réflexion, choisi de traduire et de publier un article certes polémique mais courageux et très argumenté paru sur le très bon site <Riscossa Cristiana> (dont l'une des plumes récurrentes est Alessandro Gnocchi). Ce que je pense de Donald Trump ne regarde que moi, et le fait que je publie l'article n'entend pas être un manifeste personnel.
C'est juste un élément destiné à stimuler la réflexion, sans compter qu'il peut être utile de savoir QUI commande vraiment, au moment où tout écart de la pensée officielle fait de vous un pestiféré.
Et de toute façon, même le pire des criminels (bien entendu, je n'insinue pas que Trump en est un!) a droit à un avocat... Or, ici, malheureusement, on a oublié de donner la parole à la défense.

Sauvez le soldat Trump


Elizabetta Frezza
2/4/2016
www.riscossacristiana.it
Ma traduction

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Les «Pro-life» Américains se montrent docilement alignés sur le système en attaquant le candidat le plus "out of the box" pour une phrase claire et nette contre l'avortement. Le site LifeSiteNews parle d'«outrage». Le 'démochristianisme' (1) exporté aux Etats-Unis, qui l'aurait pensé ...



En un jour ordinaire d'une campagne présidentielle américaine ordinaire, voilà que le candidat le plus "out of the box" laisse échapper une phrase mémorable, aussi politiquement incorrecte que logiquement et juridiquement irréprochable.

Donald Trump, interviewé par un présentateur-vedette "catholique irlandais" conservateur, à la question de savoir si l'avortement doit être puni répond que oui, s'il devenait illégal aux États-Unis, il devrait être puni, et à la question immédiatement suivante, si la sanction doit concerner aussi la mère qui avorte son propre enfant, il répond également «yeah». Quel type de punition, il ne le sait pas, mais «yeah». Et, en un dernier coup du maître, il retourne la question à son accoucheur désarçonné et lui demande à brûle-pourpoint: «Êtes-vous catholique?». Dans le sens: si vous croyez que la vie humaine est sacrée et inviolable depuis la conception, et donc que l'avortement - comme meurtre volontaire d'un être humain innocent et sans défense - est un crime, il en résulte qu'elle doit être punie d'une façon ou d'une autre. Oui ou non? L'intervieweur balbutie.

La première pensée qui m'est venue à ces mots du loufoque éparpilleur de cartes et molesteur de vaches sacrées Yankee a été pour Mario Palmaro .

«Si la peine doit toujours être considérée comme une 'extrema ratio', il est également vrai que l'expérience commune et le sens commun enseignent qu'un précepte juridique - dans ce cas: s'abstenir d'actes qui attentent à la vie - se révèle absolument inefficace s'il est privé de la sanction, c'est-à-dire de la prévision de conséquences dommageables, pour un comportement s'opposant au précepte. Il est nécessaire que l'Etat prenne position en exprimant un jugement clair de 'contre-valeur' (disvalore) sur l'assassinat d'êtres innocents et sans défense, et cela ne peut être fait qu'avec l'instrument pénal» (Mario Palmaro, "Avortement et [loi] 194, la phénoménologie d'une loi injuste", 2008).

Étant donné que la peine est sanctionnée par la loi pour protéger un bien juridique qui correspond à un intérêt primaire de la communauté, et qu'avec l'avortement volontaire, on supprime la vie d'un être humain innocent, «il doit y avoir une sanction - dit Palmaro - si nous ne voulons pas que le jugement du législateur sur cet acte grave contre la vie se traduise par un simple 'flatus vocis'», même si «les conditions dans lesquelles, habituellement, la femme commet ce crime, peuvent conduire à une clémence particulière dans le jugement de sa responsabilité» et compte tenu que «les acteurs ayant la plus grande responsabité sont souvent autres que la femme: le médecin, celui/celle qui a pratiqué l'avortement, l'infirmière, le père, les grands-parents, les amis, tous ceux qui, quand ils ont agi lucidement et avec préméditation, devraient être la cible principale de l'appareil de sanction fixée par la loi».

En effet - poursuit-il - «le but de la peine n'est pas la vengeance contre l'accusé» , mais, par ordre d'importance, celui de «rétribuer ceux qui ont fait de mal avec un mal proportionné, empêcher le délinquant de répèter le même crime, décourager tous les citoyens de commettre le même crime, aider l'accusé à se repentir ... et parmi toutes ces raisons, la première est celle, fondamentale, qui attribue à la peine une valeur métaphysique, liée au principe de justice». Et enfin: «La peine ... doit être cet instrument tranchant qui aide chacun à creuser au fond de lui-même pour découvrir l'énormité de sa culpabilité, mais dans le signe d'une espérance plus forte de toutes les erreurs». En ce sens, «l'impact culturel et éducatif de la dépénalisation est dévastateur» ( ibid)

Les mots cristallins de Mario Palmaro sur le «problème de la sanction» spécifique à l'avortement provoqué, éclairent sa splendide solitude - désormais paradoxalement partagée, mutatis mutandis, par Donald Trump - dans le panorama du monde pro-life officiel, où la vérité a été dissoute dans l'acide de l'opinion du pluralisme démocratique.

La théorie de Carlo Casini (député européen, membre du parti Union de centre, affilié au Parti Populaire Européen et président du Mouvement [italien] pour la Vie, ndt) de la "double voie" propose en effet d'un côté que les lois doivent affirmer le droit à la vie de l'enfant à naître, et de l'autre que dans le cas de l'avortement, la femme soit toujours exemptée de toute responsabilité: solution en mesure - selon son inventeur - de débloquer l'antithèse avorteurs/anti-avorteurs et de conduire à une synthèse acceptable par les deux parties.

En comparant les deux attitudes, c'est-à-dire le clair raisonnement de principe et l'aporie typiquement politique, on voit émerger tout le caractère fallacieux de la seconde, directement proportionnel à sa capacité à pénétrer à la fois le sentiment répandu et la pratique effective: séduction diabolique de cette bipensée démochrétienne qui déjà avant le concile dominait la scène italienne, dans un mélange visqueux entre le vrai et le faux, le bien et le mal, le juste et l'injuste, jusqu'à ce qu'ils soient indiscernables pour la plupart.

Mais revenons à Trump.

Que ce soit clair: il se peut que Trump revienne sur ses paroles (qui restent de toute façon pour l'histoire, il n'est pas si facile de faire marche arrière) et de fait, il a déjà essayé d'en tempérer en partie la portée. Mais ce n'est pas l'important. L'important, c'est que, dans l'intervalle, dans sa véracité exempte de constructions intellectuelles, Trump a craché une perle de logique aristotélicienne et a ouvert un passage extaordinaire.

Et voici que les démocrates, Hillary Clinton en tête, crient à la honte. Les républicains exposés sur la scène présidentielle, flairant un air de tempête, le démolissent immédiatement et attribuent le "faux pas" du rival au fait qu'il soit un pro-life improvisé, un néophyte, pour tout dire, "a charlatan".

Mais l'aspect le plus incroyable du tableau surréaliste dépoussiéré involontairement par Trump concerne les pro-life de profession. Parce qu'après une sortie comme celle-là - 'plain', linéaire, comme la définit son auteur, et pourtant incroyablement audacieuse - il serait tout aussi "linéaire" de penser que les pro-life américains, connus entre autres pour leur supposée intransigeance, ont accouru au son des trompettes, portant l'auteur en triomphe, enfourchant sa déclaration qui donne des dimensions inédites aux thèmes de la vie qui n'ont jamais été autant abîmés qu'en ces temps de folie.

Mais, loin de recueillir l'assist (en anglais, terme de football: la passe décisive, ndt) le combatif site LifeSiteNews - qui rapporte également les commentaires de la présidente de la Marche pour la vie Jeanne Mancini et de plusieurs personnes de l'entourage - tombe sur Trump à l'unisson avec tous les politiciens de tous les partis, et tous ensemble suivent avec diligence la même ligne, à courte vue et suicidaire mais clairement marquée: autrement dit que Trump n'est pas un pro-life authentique, ne connaît pas le vrai message pro-life, selon lequel la femme qui avorte est victime comme son enfant et si éventuellement quelqu'un devrait être puni, c'est le médecin qui la conduit vers son histoire de mort.

Emblématique le gros titre de LifeSiteNews - «Pro-life leaders outraged: Trump says post-abortive women deserve ‘some form of punishment’» – qui parle de pro-life rien de moins qu'«outragés» par les mots de Trump. Et emblématique le fait que, dans la séquence monochrome de commentaires au texte, sont publiés tel quel les tweets de la Clinton, de Sanders, ainsi que ceux des chambellans de la cour de Cruz. En d'autres termes, entre Trump et eux, au moment de vérité, mieux vaut eux. Mieux vaut les monstres.

Maintenant, on ne peut manquer de noter qu'au-delà du court-circuit éthique inattendu ainsi généré, cet épisode électoral impromptu, allant au-delà des intentions de tout le monde, a porté impitoyablement à la surface le squelette du système et a révélé le vrai visage d'un monde pro-life qui apparaît à son tour être organique, c'est-à-dire en quelque sorte subordonné à l'empire.

Tous contre Trump qui a dit la vérité, peut-être incommode, mais incontestable. Tous obéissant à un ordre supérieur, venant du même maître. Une réaction aussi compacte et domestiquée fait vraiment comprendre QUI, en fin de compte, finance; et, en finançant, commande; et en commandant ne concède la liberté d'expression à la dissidence que jusqu'à ce qu'elle l'atteigne vraiment. L'establishment, celui, profond, qui ne change pas, que ce soit un démocrate ou un républicain qui gouverne, ne veut pas de Trump à la présidence des États-Unis.

L'ascension à la Maison Blanche d'un 'batteur' libre, étranger et intolérant aux équilibres existants, serait préjudiciable pour tout: les marchés de guerres sanglants à l'Est, les fauteuils (comme le FMI) décisifs dans les soi-disant révolutions de couleur, etc... Au point que, jusque dans les milieux pro-life, beaucoup préféreraient la victoire de la belliciste pro-avortement Clinton plutôt que l'écharde devenue folle.

Donald Trump à certains égards, rappelle le Berlusconi première manière, comme lui bélier anti-système, animal un peu sauvage, pas entraîné à l'école du compromis obligatoire. Le cavaliere, confronté au drame d'Eluana [Englaro: version italienne de l'affaire "Vincent Humbert"], quand tout le monde voulait la "débrancher", dégaina ses sentiments les plus nobles et, dans une tentative extrême pour sauver une vie innocente de la barbarie "humanitaire" , il dit qu'on ne pouvait pas tuer quelqu'un qui pouvait encore donner la vie. Et tout le monde cria au scandale et le désigna à la dérision publique. Et pourtant, là aussi, pointait, inattendue la logique claire et imparable de l'âme humaine, capable de l'entendre hors du fracas des troupes d'automates en marche forcée. À leur façon Trump et Berlusconi, au contact avec les raisons de la vie, du cœur et de la raison, se sont révélés tous les deux des êtres authentiques, étrangers aux constructions spécieuses et donc capables de dire des choses logiques. Choses humaines. Signe que le roi est nu.

Et ainsi Trump, peut-être involontairement, mais peu importe, dans un éclair d'improvisation inspirée a même réussi à crier au scandale de la double morale. Le démochristianisme exporté aux Etats-Unis, qui l'aurait dit.

Après les réactions à chaud, le second round confirme les positions. Avec le recul d'un jour, LifeSiteNews donne à la Clinton la place d'honneur, publie largement ses déclarations sans s'en distancier (cf. ICI ), avec le résultat involontaire encore plus évident d'en épouser tacitement les éléments qui sont dans l'opposition commune à Trump.
L'identité de base chez des sujets qui devraient théoriquement être aux antipodes est rendue par l'utilisation répétée du même terme pour désigner la même distance du candidat extrémiste: 'outrage'. La Clinton, avec son électorat féministe et anbortiste, se sent «outragée», tout comme se sentent «outragés» les pro-life, ignominieusement contraints à faire leur outing modérantisye.

La nouveauté du 'day after' réside plutôt dans le fait que la Clinton comprend qu'elle peut jouer la carte qui a échappé à la main de Trump pour renforcer son électorat, en cimentant solidement les votes de tous ceux pour qui l' avortement illégal est un blasphème. Elle comprend que la sortie de Trump a réinitialisé le thermostat, qui auparavant n'avait jamais été réglé sur des paramètres aussi élevés. Qu'elle a ouvert un front extrême à enfourcher a contrariis: tous les républicains - selon la Clinton - seraient alignés dans la volonté de refuser à la femme un droit fondamental et de mortifier ses choix concernant sa propre santé. «2016 - dit-elle - décidera si l'avortement est légal ou non».

Elle va même plus loin. Elle ne manque pas de rendre explicite ce qui depuis un certain temps (au moins depuis la mort subite du juge conservateur Antonin Scalia) est une rumeur murmurée et presque inavouable: l'arrêt Roe vs Wade (2) pourrait être en péril. Peut-être s'agit-il de la même rumeur qui a desserré les freins inhibiteurs de Trump. La Clinton craint qu'à proximité d'un renouvellement massif de la Cour suprême, en raison de l'âge de ses membres, ou pour combler le siège vacant de Scalia, il n'est pas si impensable que les orientations consolidées sur l'avortement puissent vaciller.

Les enjeux, alors, sont incroyablement élevés et investissent le cœur de la bataille pour la défense de la vie humaine, dans laquelle s'ouvrent des lueurs sur des scénarios vertigineux.

Dans cette situation inédite et unique, le bateleur Donald Trump allonge instinctivement la main et - voilà - ouvre la fenêtre d'Overton (3), pour une fois du bon côté.

Et les hardis pro-life d'outre-Atlantique, que font-ils? Ils s'enfuient à toutes jambes vers le parti opposé, se jetant dans les bras du vampire qui les nourrit. Tandis que sans relâche, il extermine nos enfants.

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NDT
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(1) Néologisme, allusion à la démocratie-chrétienne en Italie, censée incarner un centre-droit prêt à faire des concessions pour entrer dans le jeu politique

(2) Roe v. Wade est un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 qui a reconnu l'avortement comme un droit constitutionnel, invalidant les lois le prohibant ou le restreignant (wikipedia).

(3) Technique de manipulation mentale permettant de modifier la façon dont l'opinion publique se représente un problème donné:
Conformément à la "fenêtre des possibilités d'Overton", vis-à-vis de toute question ou problème donné, il existe dans la société ce que l'on pourrait appeler une fenêtre de possibilités. Dans les limites de cette "fenêtre" une question donnée peut être largement discutée, soutenue ouvertement, faire objet de propagande, ou se trouver en voie de légalisation. La fenêtre se déplace, modifiant ainsi l'éventail de ce qui est ou non possible, du stade de "l'impensable", c'est-à-dire totalement inacceptable pour la morale publique, au stade de "l'actualité politique", c'est-à-dire déjà largement débattu, accepté par les masses et ayant force de loi.
(Cf. www.agoravox.fr)