La novlangue ecclésiastique


Enquête sur ces mots talismans qui ont reçu lors des débats synodaux un "baptême" défintif, contribuant à dénaturer la foi catholique: pastorale, miséricorde, discernement, etc. (14/7/2016)

 

Ces mots talismaniques dans les synodes sur la famille


Federico Catani
13 juillet 2016
www.campariedemaistre.com
Ma traduction

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Dans l'Eglise s'est imposée une novlangue d'empreinte orwellienne. Le processus est en cours depuis un certain temps, mais ces dernières années, il a connu une accélération impressionnante. Les deux synodes sur la famille (2014 et 2015) l'ont d'une certaine façon solidifié. Dans le roman "1984", George Orwell explique que la novlangue était la langue officielle imposée par Big Brother pour remplacer l'ancienne vision du monde, les vieilles habitudes de l'esprit et, surtout, pour rendre impossible toute forme de pensée autre que celle imposée par Big Brother lui-même et son parti unique, l'Ingsoc.
Eh bien, mutatis mutandis, il semble que ce soit justement ce qui se passe dans l'Eglise.
L'Association «Tradition, Famille et Propriété» (TFP) vient de publier un petit livre alerte «Una rivoluzione pastorale. Sei parole talismaniche nel dibattito sinodale sulla famiglia» (Une révolution pastorale. Six mots talismaniques dans le débat synodal sur la famille) , écrit par un universitaire, Guido Vignelli, et préfacé par Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d'Astana (Kazakhstan). Le texte permet au lecteur de s'orienter dans le nouveau langage utilisé par les documents ecclésiaux issus des deux synodes. Bien qu'ayant été achevé avant la publication d'Amoris laetitia, l'Exhortation apostolique de François entre à plein titre dans l'examen effectué par Vignelli.

Pour résumer, note l'auteur, «ce langage transmet une nouvelle pastorale qui favorise un changement de mentalité et de sensibilité tel qu'il insinue une nouvelle théologie».
Ce n'est pas une nouveauté.
Déjà Saint Pie X, en 1907, affirmait que «les modernistes enveloppent leurs erreurs dans certains mots ambigus et dans certaines formules nébuleuses, afin d'attraper les imprudents dans leurs pièges, mais en gardant toujours une échappatoire pour ne pas subir une condamnation ouverte».
La technique - que Vignelli résume en anppendice - est celle du «transbordement idéologique non soupçonné», un concept inventé par le penseur brésilien Plinio Corrêa de Oliveira (1908-1995; article dans ce site ICI), fondateur de TFP. Dans la pratique, l'utilisation de mots-talismaniques est utilisé pour "transborder" les fidèles d'une position vraie à un fausse. Et le passage se fait, justement, à leur insu, sans douleur. La tactique consiste à éviter l'affirmation d'erreurs explicites, recourant plutôt à des «mots ambigus et glissants qui, tout en ayant une origine chrétienne, ont été séquestrés et exploités par une culture anti-chrétienne pour les répandre dans les milieux catholiques afin de les contaminer et de les disposer à l'abandon et à la reddition face à l'ennemi». Bref, ces mots sont appelés «talismaniques» parce que, «tout en semblant banals et inoffensifs dans le langage qui les utilise, ils peuvent exercer une influence dangereuse qui tend à manipuler la mentalité de ceux qui s'en servent, au moyen d'une technique implicite de persuasion psychologique».
Parmi les plus cités dans le débat synodal, et les plus en vogue aujourd'hui, Guido Vignelli en a identifié six.

Cela commence avec le mot "pastorale". Combien de fois nous avons-nous entendu répéter que la doctrine ne change pas mais qu'il faut plutôt adapter la pastorale?
La pastorale devrait être la modalité par laquelle les pasteurs de l'Eglise conduisent les âmes au salut éternel. On en déduit que la pratique pastorale ne peut jamais être séparée de la vérité doctrinale: ce sont les deux faces d'une même médaille. Depuis des années, cependant - et les Synodes en ont été la preuve -, on a recours au mot "pastorale" pour faire en sorte que la doctrine change. Avec l'excuse des temps qui changent et des nouvelles exigences et situations des fidèles, on finit par envoyer au grenier la loi de Dieu et les Saintes Ecritures. Et en effet, on parle de «conversion pastorale» de l'Eglise, de façon à ce que «dogmatique, morale, droit et liturgie s'adaptent aux exigences de l'homme moderne», et non l'inverse, comme cela devrait être.

Ensuite, il y a le mot "miséricorde". L'Église en a toujours parlé et l'a toujours vécue. En deux mille ans , les prêtres ont toujours confessé et absous des milliards de fidèles. Et pourtant, elle semble être une découverte d'il y a quelques années ... Le problème est qu'aujourd'hui, miséricorde signifie pardon à bon marché: tout le monde se sauve et tout le monde est pardonné, sans aucun repentir. Mais c'est une authentique destruction de la vérité. Et même, un blasphème qui conduit les âmes à la damnation.

Venons-en ensuite au mot "écoute". On dit que l'Église doit se mettre à l'écoute, plus qu'enseigner, allant jusqu'à remettre en question «des certitudes réputées indiscutables et des assurances considérées comme incontournables». Il en résulte que, «pour la pastorale de l'écoute, la chose importante n'est plus que l'homme soit en harmonie avec la volonté divine, mais seulement le fait d'être sincère, en paix avec soi-même et avec les autres; l'être avec Dieu en serait une conséquence automatique». De cette façon - nous l'avons vu avec des questionnaires soumis de façon très discutable avant les Synodes - l'Eglise s'aplatit sur la sociologie, pensant que sa mission est seulement de «fournir un vague service à l' humanité».

Et que dire du "discernement"? Ce mot indique l'instrument pour analyser les situations problématiques. Pour cela, il devient interdit d'exprimer des jugements, et ceux qui ne s'adaptent pas à cette nouvelle stratégie pastorale sont sévèrement réprimandés et ostracisés. Discernement signifie donc écouter le "différent" et valoriser sa différence, parce qu'il faut prendre en compte la complexité des situations. Voici alors que «la complexité devient un prétexte pour éluder le problème et en éviter le remède décisif , mais désagréable». Dans la pastorale d'aujourd'hui, évidemment il n'y a plus de place pour le sacrifice et la Croix. On en arrive au concept de familles et de personnes "blessées": de cette façon, «la situation est excusée, ou même justifiée comme si elle était insurmontable, tandis que ceux qui persistent à faire des reproches sont accusés de manquer de miséricorde». Ce qui compte, ce sont les «relations affectives de qualité», autrement dit celles dans lesquelles il y a un engagement à vivre «une union authentique et stable impliquant le soutien matériel et moral mutuel». Il n'est donc pas étonnant qu'on n'utilise plus les termes "immorale" ou "irrégulière" pour la cohabitation more uxurio, ou pour les couples homosexuels: de fait, on passe de la tolérance du mal à son acceptation pleine et entière. Tout cela au nom de la douceur, du dialogue, de la miséricorde et de l'accompagnement.

Eh oui, "accompagnement" est un autre mot talismanique. Il ne s'agit plus d'accompagner le pécheur à la conversion, parce que «toute voie, même périlleuse, à condition qu'elle soit choisie librement par l'homme, conduit de toute façon à l'objectif du salut». Cela vaut aussi pour la société. Ayant abandonné l'objectif de construire la civilisation chrétienne, l'Eglise «doit accompagner les processus culturels, suivre le développement historique, en encourager la modernisation dans un sens pluraliste, sans prétendre imposer un modèle historiquement obsolète». En substance, elle doit favoriser un monde non pas tant dé-christianisé, mais - et nous le voyons tous les jours - anti-chrétien. Elle doit donc épouser une stratégie suicidaire.

Enfin, le dernier terme examiné par Vignelli est "intégration". Beaucoup affirment que la communion avec l'Eglise et avec Dieu ne peut être que partielle. Par conséquent, il faut accepter la diversité, abattre les murs, construire des ponts, surmonter les discriminations à travers l'inclusion. Mais en prétendant intégrer dans l'Église ceux qui pour des raisons objectives ne peuvent pas être assimilables, on favorise la désintégration. Autrement dit la dissolution: un autre choix suicidaire.

Eh bien, celui qui aime ne veut pas la mort du bien-aimé, et ne le conduira évidemment pas à se tuer. Cela vaut également pour l'Eglise. Si les bergers préposés à la guider et à la garder adoptent des révolutions pastorales et doctrinales - bien cachées derrière les paroles ambiguës - destinées à nuire au Corps mystique du Christ, il y a deux possibilités: soit ils sont naïfs, et alors pour des raisons évidentes, ils devraient être privés de toute charge; soit ils sont de mauvaise foi et au service de quelqu'un d'autre («on ne peut pas servir deux maîtres» , dit Jésus dans l'Evangile).

Mais grâce à Dieu nous savons avec certitude que “portae inferi non prevalebunt”!